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La FFR (Fractional Flow Reserve) : une pratique courante ?
C. HURT, CHRU de Lille

Faut-il dilater une lésion coronaire que l’on vient de dépister ? C’est la question la plus fréquente posée en salle de cathétérisme. Seule la revascularisation des syndromes coronaires aigus garantit un bénéfice certain pour le patient. Mais les syndromes coronariens aigus ne représentent pas la majorité des patients sur la table d’opération et l’attitude à suivre face à une sténose coronaire fait rarement consensus lorsque la maladie coronaire est stable.
Les différentes formes d’évaluation et leurs limites Plusieurs travaux ont rattaché le pronostic des patients au degré d’ischémie myocardique, mais il est important de préciser que cette corrélation a été démontrée par l’évaluation fonctionnelle du myocarde, l’ischémie ayant été prouvée par scintigraphie, sans avoir pris connaissance de l’anatomie coronaire des patients. En salle de coronarographie existent plusieurs méthodes d’évaluation anatomiques créées afin de juger la sévérité d’une lésion coronaire. La plus fréquente est l’évaluation visuelle du degré de sténose d’une artère coronaire, mais la reproductibilité de cette technique est au mieux douteuse. Des moyens plus précis tels que le QCA (Quantitative Coronary Angiography), qui évalue la sévérité angiographique calculée à l’écran (mesure habituellement réalisée « à l’œil nu » par l’opérateur), ou bien différentes formes d’imagerie intracoronaire comme l’IVUS (Intravascular Ultrasound) ou l’OCT (Optical Coherence Tomography) se sont succédé pour offrir aux cardiologues interventionnels un arsenal d’évaluation diagnostique. Cependant, la corrélation entre évaluation anatomique et fonctionnelle est imparfaite. Raisonner sur le diamètre ou la notion d’une section de coupe artérielle minimale souhaitée (4 mm 2 en IVUS) n’a pas de sens. Comment peut-on mettre au même plan la lumière d’un vaisseaux comme l’IVA proximale responsable de l’apport sanguin destiné à approximativement un tiers de la masse myocardique et la portion distale du même vaisseau ? Cela rend l’évaluation de l’imputabilité d’une ou de plusieurs lésions coronaires difficile en cas d’angor ou d’ischémie silencieuse. Validations théoriques de la FFR Depuis les années 1990, la FFR (Fractionnal Flow Reserve) a fait son apparition et permet d’évaluer le retentissement hémodynamique d’une sténose coronaire. La FFR ne mesure pas un degré de sténose, mais le rapport du flux réel sur le flux attendu dans un segment coronaire. Un filament introduit dans l’artère est placé en distalité de la sténose et capte la pression coronaire d’aval alors que la pression aortique est recueillie par l’extrémité du cathéter à l’ostium de la coronaire. Le rapport de la pression distale sur la pression aortique est alors calculé. On évalue ainsi l’atténuation de pression causée par la sténose. L’injection concomitante d’adénosine induit une hyperhémie, ce qui implique deux conséquences. Tout d’abord, en minimisant la résistance — ou plus précisément l’impédance — microcirculatoire coronaire, elle « ouvre les vannes », induisant un flux maximal dans l’ensemble de la coronaire. Par ailleurs, l’adénosine rend également la résistance constante et la loi d’Ohm (Pa = Qc x R) implique que le flux devient proportionnel à la pression. La pression d’entrée à l’entrée de la coronaire (PAo) étant imposée par la pression régnant dans l’aorte et la résistance microcirculatoire R étant réduite à son minimum et devenue constante, le débit coronaire proximal s’exprime Qprox = PAo/R et Qdist = Pdist/R. Le rapport initial qui divisait la pression distale à la sténose par la pression d’entrée de la coronaire (Pdist/PAo) devient ainsi le rapport d’un flux atténué par la sténose par le flux maximal attendu dans le segment artériel (Qdist/Qprox). On notera sur le plan pratique que, conjointement à cette injection d’adénosine, de l’isosorbide dinitrate doit au préalable être injecté en intracoronaire afin de minimiser la résistance macrocirculatoire, bien qu’en réalité, la résistance induite par le vaisseau épicardique soit minimale (moins de 5 % de la résistance totale du réseau coronaire). De l’héparine est systématiquement injecté, comme c’est toujours le cas lorsqu’un guide intracoronaire est introduit. Dans ces conditions, la FFR permet de mesurer de manière fiable et reproductible la conséquence d’une sténose, c’est-à-dire l’atténuation du flux coronaire. Il s’agit donc d’un outil d’évaluation fonctionnel intracoronaire qui, à la différence de tests non invasifs tels qu’échographie, scintigraphie ou IRM de stress, permet de ne pas raisonner en termes de territoire sans connaître la lésion responsable de sa souffrance, mais de segment artériel à traiter, avec donc des implications pratiques pour l’angioplasticien. Il est important de préciser que le capteur de pression se positionne en distalité de l’artère étudiée et permet donc d’évaluer non pas le retentissement d’une lésion unique, mais l’amortissement du flux lié à l’ensemble des lésions s’il en existe plusieurs, tout en prenant en compte la collatéralité éventuelle. Ce dernier point est essentiel, car l’existence d’une telle collatéralité peut assurer une perfusion distale satisfaisante malgré une sténose épicardique paraissant serrée. Un point essentiel concernant la FFR est son caractère relativement indépendant de certains paramètres hémodynamiques. Ainsi, la FFR est fiable même en cas d’arythmie. À la différence d’autres méthodes d’évaluation fonctionnelle, le retentissement mesuré d’une lésion coronaire reste constant sur plusieurs mesures. Intérêt de la technique En l’absence de test d’ischémie localisateur (coronarographie systématique face à une dysfonction ventriculaire, positivité d’un test fonctionnel non localisateur comme un ECG d’effort), l’évaluation visuelle d’une sténose coronaire reste la méthode la plus utilisée pour juger de la nécessité de la « stenter ». Pourtant, dans l’étude FAME, environ 40 % des lésions initialement destinées à la pose d’un stent avaient une FFR rassurante. Certaines publications, comme celle de Sant’Anna et coll. ( AJC 2007), ainsi que le registre français multicentrique R3F, redressent le diagnostic chez la moitié des patients. Il en ressort que seulement 40 % des sténoses estimées visuellement entre 50 et 70 % sont « ischémiantes », et 20 % des lésions classées à l’œil nu entre 70 et 90 % ne le sont pas. Ces chiffres marquants traduisent clairement l’intérêt de la technique. Sécurité pour le patient d’une approche guidée par la FFR Si la reproductibilité de la technique et sa fiabilité dans diverses situations anatomiques avaient déjà commencé à être évaluées lors de la décennie précédente, c’est en 2001, avec la publication de l’étude DEFER, que la sécurité d’une approche fonctionnelle invasive a été validée. Trois cent quarante et un patients avec des lésions coronaires pour lesquelles étaient prévues des angioplasties ont été évalués par FFR et classés en trois groupes : FFR 0,75 (groupe de référence), chez qui l’angioplastie était indiquée dans tous les cas, et deux groupes avec une FFR rassurante ≥ 0,75, chez qui l’angioplastie initialement prévue était réalisée (groupe « perform ») ou bien différée (groupe « defer »). Chez ces patients aux FFR rassurantes, le suivi jusqu’à 5 ans ne met pas en évidence d’excès d’événements dans le groupe différé par rapport au groupe où l’angioplastie a été réalisée et permet de conclure à la sécurité d’une telle approche. Le groupe de patients aux lésions fonctionnellement significatives (FFR 0,75) présentait un nombre plus important d’événements que le groupe des FFR rassurantes. Cela était vrai malgré l’angioplastie des lésions aux FFR anormales, ce qui évoque le caractère pronostique d’une coronaropathie fonctionnellement significative. Comment l’expliquer ? Une lésion avec FFR rassurante, dite « stable », présente un risque de « major adverse cardiac event » (MACE) de l’ordre de 1 % par an. Ce risque est d’environ 5 % en cas de lésion significative. Le risque de MACE lié à la pose d’un stent, indépendamment du caractère bien-fondé ou non, est de 3 %. On comprend donc que la pose d’un stent de manière appropriée diminue le risque de complications, mais que les angioplasties à mauvais escient le majorent. Validation de la FFR dans différentes situations cliniques Largement évaluée par de nombreuses équipes de recherche dans le monde, la FFR est principalement promue par les nombreuses publications de l’équipe néerlandaise dirigée par Bernard de Bruyne et Nico Pijls. L’anatomie coronaire est souvent complexe et variable d’un patient à l’autre. Une technique proposant une évaluation du retentissement fonctionnel se doit d’être valable dans une majorité de situations possibles. La lésion intermédiaire, l’indication de choix La FFR a d’abord été démontrée comme un outil de choix dans l’évaluation du classement de lésions angiographiquement intermédiaires (visuellement proches de 50 %) en lésions « ischémiantes » ou « non ischémiantes » avec une excellente concordance avec les trois types de tests d’ischémie que sont l’épreuve d’effort, la scintigraphie au thallium et l’échographie dobutamine. Il s’agit là de sa principale indication en pratique courante. Les recommandations américaines et européennes de 2010 la classaient respectivement IIaA et IA dans l’évaluation d’une lésion et de la nécessité de la traiter en l’absence de test non invasif. Les lésions multitronculaires Plusieurs études ont déterminé l’intérêt de l’usage de la FFR chez les patients pluritronculaires (présentant des lésions sur au moins deux réseaux parmi les trois principaux : IVA, Cx et CD). La FFR permet de corriger le tir dans de nombreuses situations, notamment en précisant le nombre de vaisseaux atteints alors qu’une simple évaluation visuelle l’avait surestimé. Des patients tritronculaires peuvent fréquemment être reclassés bi- voire monotronculaires. Ce courant de pensée a culminé avec l’étude FAME en 2009, qui concluait que, lorsque la revascularisation d’un patient multi - tronculaire était guidée par FFR, le nombre de stents posés était moindre que lorsque la revascularisation se faisait uniquement par évaluation angiographique avec un bénéfice significatif à un an sur le critère primaire combiné de mortalité, infarctus du myocarde et revascularisation. On notera de manière intéressante qu’il n’existait cependant pas de différence significative en termes de sédation d’angor à un an. D’après le auteurs, cela
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