T. DENOLLE, Hôpital Arthur Gardiner, Dinard
Figure 1. Évolution des taux de décès standardisés par maladies cardiovasculaires, cancers et autres causes de la mortalité générale entre 1980 et 2005 (France métropolitaine, 2 sexes). Épidémiologie de l’HTA suivant le sexe D’après les études MONALISA et de l’ENNS, il apparaît que la prévalence de l’HTA en France augmente avec l’âge mais est nettement plus fréquente chez l’homme que chez la femme avec une différence disparaissant, voire s’inversant même après 65 ans aux États-Unis. Dans les départements d’outremer, la prévalence de l’HTA, plus importante qu’en métropole, est même supérieure chez la femme que chez l’homme. Si seulement la moitié des hypertendus connaissent leur pathologie, ce pourcentage est supérieur chez la femme (65 %) que chez l’homme (54 % dans l’étude MONALISA). Par ailleurs, lorsque l’HTA est connue, près des trois quarts des patients sont traités et là aussi, le pourcentage est supérieur chez la femme (83 %) que chez l’homme (75 % dans la même étude). Ces différences ont été retrouvées aussi dans l’étude IHPAF réalisée chez les salariés. Lorsque l’HTA est traitée, il existe aussi un meilleur contrôle chez la femme (58 %) que chez l’homme (42 % dans l’étude ENNS). Cette dernière différence ne s’explique pas par une activité supérieure des médicaments antihypertenseurs suivant le sexe, bien que seulement 24 % des études contrôlées randomisées ont analysé leurs résultats suivant le sexe. Enfin, les études FLASH n’ont pas montré de différence du nombre de classes thérapeutiques utilisées suivant le sexe. Les résultats des études sur la persistance suivant le sexe sont variables. Certaines montrent que le fait d’être un homme s’accompagne effectivement d’une moindre persistance, d’autres trouvent l’inverse ou un résultat non significatif. Enfin, une étude retrouve une meilleure persistance chez la femme au traitement antihypertenseur sauf lors du traitement initial. Ainsi, il apparaît qu’effectivement, une prévalence plus faible de l’HTA sauf dans les DOM, une meilleure connaissance de l’HTA, une plus grande proportion de femmes hypertendues traitées et un meilleur contrôle tensionnel bien que mal expliqué participent certainement à la mortalité cardiovasculaire plus faible chez la femme par rapport à l’homme. HTA et contraception orale Dans sa vie, si la prise en charge de la femme hypertendue est comparable à celle de l’homme, il existe néanmoins trois situations spécifiques à la femme : le choix d’une contraception, la grossesse et la ménopause. Parmi les femmes en âge de procréer, 4 % des femmes de 18 à 34 ans et 8 % des femmes de 35 à 44 ans sont hypertendues. Le choix du type de contraception constitue donc un problème chez ces femmes, la contraception estroprogestative s’accompagnant d’une élévation de la pression artérielle de 4 à 8 mmHg pour la PAS et d’environ 2 mmHg pour la diastolique. La contraception estroprogestative est composée d’un estrogène, le plus souvent de l’éthinylestradiol ou pour les plus récentes un dérivé de l’estradiol. Le progestatif est variable suivant la génération du contraceptif : - 1 re génération : noréthistérone, lynestrénol, norgestriénone ; - 2 e génération : norgestrel, lévonorgestrel ; - 3 e génération : gestodène, norgestimate, désogestrel ; - 4 e génération : la drospirénone (activité antialdostérone). Enfin, si l’administration habituelle est la voie orale, elle peut être proposée par voie vaginale (anneau) ou transdermique (patch). La survenue d’une réelle HTA survient seulement chez 1 à 2 % des utilisatrices et cette élévation de la pression artérielle est réversible à son arrêt. Cette HTA est plus fréquente chez les femmes de plus de 35 ans ou obèses et survient même avec de faible dose d’estrogènes. Très rarement peuvent survenir des tableaux beaucoup plus graves, d’HTA maligne partiellement réversible, voire de syndrome hémolytique et urémique gravissime avec une récidive presque certaine en cas de réintroduction. Si les contraceptions progestatives pures ne s’accompagnent pas d’élévation de la pression artérielle, certaines études ont retrouvé une augmentation de l’HTA avec la dose de progestérone à même dose d’estrogène. En revanche, il a été noté une baisse de la pression artérielle avec la drospirénone, mais il semble que cette contraception s’accompagne d’une augmentation du risque thrombotique veineux. Si la plupart des études épidémiologiques ne retrouvent pas d’augmentation significative du risque d’infarctus du myocarde chez les femmes utilisatrices de contraception orale estroprogestative en l’absence de facteur de risque, chez la femme de plus de 35 ans tabagique et surtout en présence d’une HTA non contrôlée, il existe une majoration significative d’accidents cardiovasculaires et en particulier d’AVC. Il n’est pas noté d’augmentation du risque d’accident cardiovasculaire avec les microprogestatifs. À partir de ces différentes données, les recommandations internationales et françaises contre-indiquent formellement l’utilisation d’une contraception estroprogestative chez la patiente hypertendue non contrôlée mais une contraception progestative pure peut lui être proposée. En présence d’une HTA contrôlée chez une patiente de moins de 35 ans sans autre facteur de risque associé et en particulier non tabagique, il peut être envisagé une pilule estroprogestative sous surveillance stricte de l’évolution de la pression artérielle, bien qu’il soit le plus souvent recommandé de préférer plutôt une contraception micro ou macroprogestative ou un autre type de contraception. En cas de survenue d’une HTA sous estroprogestatif, il est recommandé d’arrêter ce type de contraception et de surveiller la régression de la pression artérielle. En l’absence de normotension à 3 mois, il convient alors de débuter un traitement antihypertenseur. Chez la patiente normotendue, il convient donc de surveiller la pression artérielle tous les 6 mois sous contraception estroprogestative. HTA et grossesse La survenue d’une hypertension artérielle (HTA) au cours de la grossesse constitue une cause majeure de morbidité et de mortalité fœtale, néonatale mais aussi maternelle dans les pays occidentaux. On estime qu’environ 10 % des grossesses se compliquent d’HTA (7 % : HTA gravidique, 2 % : prééclampsie, 1 % : HTA chronique préexistante à la grossesse). Quelles définitions ? La définition du type d’HTA au cours de la grossesse est fonction de l’existence d’une HTA avant la grossesse (ou avant la 20 e semaine de grossesse) et d’une protéinurie significative (> 300 mg/24 h) (tableau 1). L’HTA gravidique apparaît le plus souvent lors du dernier trimestre de la première grossesse et disparaît habituellement en quelques semaines après l’accouchement. Cependant, environ 17 % resteront hypertendues 3 mois après mais ne s’agissait-il pas en fait d’une HTA chronique méconnue ? La définition de l’HTA au cours de la grossesse dépend aussi du type de mesure utilisée et du moment durant la grossesse. En effet, la pression artérielle diminue progressivement jusqu’au 2 e trimestre puis s’élève de nouveau en fin de grossesse. Si en consultation, l’HTA pendant la grossesse est définie par une PA ≥ 140/90 mmHg, en automesure ou en MAPA, les seuils sont bien inférieurs et en particulier, très inférieurs au seuil de 135/85 mmHg défini pour ces techniques en dehors de la grossesse (tableau 2). Ces techniques ambulatoires nécessitent d’utiliser les quelques rares appareils validés durant la grossesse (
www.dableducational.org). La MAPA permet de plus d’examiner le cycle nycthéméral dont l’abolition serait un élément pronostique de prééclampsie mais son utilisation est encore peu fréquente par les obstétriciens. L’automesure moins onéreuse est d’utilisation plus répandue en dehors de la grossesse mais reste paradoxalement encore mal connue par les obstétriciens. Il existe très peu de publications sur cette technique lors de la grossesse. Son utilisation couplée avec la télétransmission constitue une voie de recherche pleine d’espoir. Elle permet en effet une surveillance prolongée à domicile de la pression artérielle, voire de l’albuminurie pouvant éviter les consultations et les hospitalisations répétées chez ces grossesses à risque. L’HTA gravidique Sa physiopathologie est différente de l’HTA essentielle survenant chez l’adulte. Elle est liée à une vascularisation placentaire pathologique qui est caractérisée par une diminution de la perfusion utéro-placentaire qui entraîne l’activation de mécanismes pouvant déclencher une atteinte multiorganique. Il est probable que la dysfonction endothéliale placentaire à l’origine de la prééclampsie soit liée à un excès de concentration de sFlt1, le récepteur soluble antagoniste du VEGF, facteur de croissance de l’endothélium vasculaire et d’endogline soluble, protéines circulantes placentaires inhibant l’angiogenèse et la vasodilatation artériolaire. La carence de VEGF plasmatique du fait de sa liaison à ce récepteur soluble devient donc indirectement vasoconstrictrice. Préparer la grossesse En présence d’une femme ayant une HTA chronique déjà traitée avant la grossesse, il convient de préparer la grossesse. Après l’avoir avertie du risque atteignant 25 % de prééclampsie surajoutée et de ses conséquences sur l’issue de la grossesse, il convient d’éliminer préalablement une HTA secondaire chez cette jeune femme mais dont la prise en charge devient très délicate lors de la grossesse. Par la suite, avant que la grossesse ne commence, il convient d’arrêter les bloqueurs du système rénine-angiotensine en les remplaçant par de la méthyl-dopa et/ou du labétolol mais surtout de discuter l’arrêt du traitement antihypertenseur, la pression artérielle diminuant spontanément durant les deux premiers trimestres. En présence d’une HTA sévère (PA > 170/110 mmHg) ou d’une prééclampsie, l’hospitalisation est indispensable, le risque maternel et fœtal étant élevé. L’interruption de la grossesse doit se discuter en équipe pluridisciplinaire, le traitement