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HTA

Publié le  Lecture 19 mins

L’encadrement périopératoire du patient âgé hypertendu - Partager et optimiser nos pratiques !

C. MOUNIER-VÉHIER, F. BOUDGHENE-STAMBOULI, G. CLAISSE, P. DELSART, Médecine vasculaire-HTA, Centre d’excellence européen d’hypertension, Hôpital cardiologique, CHRU de Lille ; Université de Lille 2, Faculté de médecine Henri Warembourg, Lille

Bien que l’hypertension artérielle (HTA) soit un facteur de risque cardiovasculaire (CV) majeur(1,2), elle n’est pas encore reconnue comme un facteur de risque spécifique des complications de la chirurgie « non cardiaque »(3,4). Le bilan périopératoire des patients âgés hypertendus est un enjeu majeur de prévention en réévaluant aussi leurs comorbidités fréquentes. Le vieillissement attendu de la population européenne, avec un peu plus de 25 % de personnes âgées de plus 65 ans d’ici 2020, doit nous faire réfléchir à des propositions concrètes de parcours de soins cardiogériatriques pour encadrer au mieux les chirurgies non cardiaques, dont la prévalence va elle aussi augmenter(5).

Une métaanalyse de 30 études observationnelles a pourtant montré que l’HTA préopératoire était associée à une augmentation de 35 % du risque de complications CV (6). Il s’agit d’une pathologie fréquente avec, en France, une prévalence de l’HTA traitée qui est de 60 % après 70 ans et de 70 % après 80 ans (7). Enfin, l’HTA sévère (grade 3) est une des situations cliniques les plus fréquentes (20- 25 % des cas) faisant différer une chirurgie non cardiaque (8). Ces constats soulignent la nécessité de diagnostiquer et de contrôler l’HTA en préopératoire. La consultation anesthésique est même une véritable opportunité de dépistage chez ces patients âgés (≥ 65 ans) à risque d’HTA. Dans d’autres cas, ce seront les périodes per- ou postopératoires qui vont révéler une HTA méconnue. L’utilisation plus systématique des mesures ambulatoires de pression artérielle (1,2) doit permettre aussi d’améliorer le dépistage de l’HTA préopératoire. Environ 30 % des personnes de plus de 70 ans ont au moins 3 comorbidités (cardiovasculaires, cérébrales, rénales, diabétologiques, rhumatologiques, etc.) (4). Le bilan nutritonnel, l’évaluation de l’autonomie, du mode de vie (institution, vie à domicile) et des troubles des fonctions supérieures doivent être évalués en préopératoire chez ces patients âgés (1,9). Quelles sont les spécificités de l’HTA du sujet âgé ? L’HTA chez une personne âgée, même au-delà de 80 ans, est un facteur de risque majeur d’accidents cardiovasculaires (1,2,8). Elle se caractérise par une élévation de la pression artérielle systolique (PAS) alors que la pression artérielle diastolique (PAD) reste normale ou basse, en raison d’une rigidité des gros troncs artériels. Cette HTA « vasculaire » a des répercussions spécifiques sur les perfusions coronaire, rénale, cérébrale et le travail cardiaque (figure 1). Il s’y associe une altération du baroréflexe cardiaque, responsable d’une variabilité tensionnelle excessive, pouvant faire porter à tort le diagnostic d’HTA (HTA de la blouse blanche) mais être aussi à l’origine d’hypotensions orthostatiques (figure 2). Figure 1. Spécificités physiopathologiques de l’HTA du sujet âgé. PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle diastolique ; HVG : hypertrophie ventriculaire gauche ; OG : oreillette gauche ; FA : fibrillation atriale. Figure 2. Altération fréquente du baroréflexe cardiaque chez le patient âgé. % : prévalence de l’effet blouse blanche et de l’hypotension artérielle. MAPA : mesure ambulatoire de pression artérielle ; PA : pression artérielle. L’hypotension artérielle est un facteur de risque indépendant de mortalité CV et totale (10). Même après 80 ans, il a été démontré que la réduction de la PA diminuait l’incidence des événements cardiovasculaires (1,8). L’âge réel du patient âgé hypertendu n’est pas l’élément déterminant majeur de la prise en charge. En revanche, la fragilité, les comorbidités, le risque d’iatrogénie sont des éléments à évaluer précisément. Les ordonnances sont souvent complexes avec des interférences médicamenteuses possibles. La qualité de vie et l’espérance de vie doivent être appréciées. L’HTA peut être associée à un déclin cognitif qu’il faut absolument dépister par le MMSE (Mini Mental State Examination). D’autres tests plus rapides permettent de repérer facilement les troubles mnésiques comme le MIS (Memory Impairment Screen) qui consiste en un rappel immédiat et différé à 10 minutes de 4 mots « poireau, platane, merlan, dahlia ». L’oubli d’un des mots malgré l’aide médicale, par exemple : « Il y avait une fleur, laquelle ? », doit faire suspecter des troubles cognitifs. Ce dépistage systématique du déclin cognitif permet d’évaluer le risque de mauvaise observance du traitement, cause fréquente d’HTA non contrôlée en préopératoire chez le patient âgé. Le taux de patients non contrôlés augmente avec l’âge, avec après 70 ans, une PAS clinique contrôlée seulement chez 10 à 15 % des patients traités. Cela s’explique par la rigidité artérielle difficile à traiter et par l’inobservance médicamenteuse (1,2,8). La décision de traiter une HTA chez un patient âgé nécessite la confirmation du diagnostic par des mesures ambulatoires (automesure à domicile ; mesures ambulatoires de PA sur 24 heures : MAPA) pour éviter des traitements non justifiés, pour s’affranchir de la réaction d’alarme (un cas sur deux) ou encore diagnostiquer d’éventuelles hypotensions (25 % après 85 ans). La MAPA est aussi très utile pour dépister les HTA ambulatoires (HTA masquées), notamment les HTA nocturnes (1,2,8) (figure 2). L’objectif thérapeutique se fait sur la pression artérielle systolique (PAS) 150 mmHg après 80 ans et sur les données de la MAPA ou de l’automesure (figure 3). Ces objectifs sont à atteindre progressivement. Il est recommandé de débuter par une faible dose initiale, de ne pas prescrire plus de 3 antihypertenseurs dont 1 diurétique thiazidique avant 80 ans et de ne pas dépasser 2 traitements antihypertenseurs après 80 ans. Il est nécessaire d’apprécier régulièrement la tolérance clinique, l’électrocardiogramme (en cas de traitement bradycardisant) et le bilan biologique. La surveillance de l’ionogramme sanguin et de la créatinine sanguine est particulièrement importante en cas de prescription de diurétiques ou de bloqueurs du système rénine angiotensine, surtout en cas d’événements intercurrents aigus (fièvre, grosse chaleur, déshydratation, diarrhée, vomissements, etc.) (1,2,8). Figure 3. Seuils ambulatoires de PA définissant une HTA chez le sujet âgé. PA : pression artérielle ; MAPA : mesure ambulatoire de pression artérielle. Comment évaluer le risque périopératoire de l’hypertendu âgé ? Cette évaluation se fait en 4 étapes. Le cardiologue doit apprécier, pour chaque patient, son risque chirurgical, sa capacité fonctionnelle, son risque cardiaque périopératoire sans oublier le risque spécifique à l’HTA (4,9). Le risque chirurgical Les complications cardiovasculaires après une chirurgie non cardiaque dépendent des facteurs de risque spécifiques au patient, du type de chirurgie et de ses circonstances (programmée ou urgente). Lors d’une intervention en urgence, le cardiologue n’a presque rien à dire sauf conforter l’indication, par exemple, une fracture du col du fémur. Et pourtant, chez le sujet âgé, dans le cadre de l’urgence, la chirurgie de fracture de hanche est une chirurgie à haut risque CV. En dehors de l’urgence, l’analyse soigneuse du risque chirurgical va rentrer en ligne de compte pour autoriser ou non l’intervention lors de la consultation préopératoire (figure 4). Les facteurs chirurgicaux qui influencent ce risque sont son caractère urgent ou programmé, le type de chirurgie, sa durée et le retentissement corporel qu’il induit. Le stress chirurgical et l’anesthésie vont influencer la régulation volémique, modifier la balance sympatho-vagale, la coagulation et l’inflammation. Ces modifications physiopathologiques peuvent venir décompenser une maladie cardiovasculaire sous-jacente, déséquilibrer un diabète, aggraver une insuffisance rénale, comorbidités qui sont fréquentes chez l’hypertendu âgé. Les interventions chirurgicales sont classées en bas risque, risque intermédiaire et haut risque, lesquelles sont associées à un risque d’accidents CV graves et de décès qui sont respectivement de 1 %, 1 à 5 % et 5 % (figure 4). Le groupe à haut risque comprend les interventions vasculaires majeures (aortique et vasculaire majeures, vasculaire périphérique), les chirurgies intrathoraciques et intrapéritonéales (4,9). Figure 4. Connaître le risque chirurgical. CV : cardiovasculaire. La capacité fonctionnelle à l’effort La détermination de la capacité fonctionnelle à l’effort est une étape clé particulièrement importante dans l’évaluation du risque opératoire de l’hypertendu âgé. L’interrogatoire peut, dans un premier temps, évaluer très simplement la capacité fonctionnelle. Un patient qui peut monter deux étages, a une capacité physique fonctionnelle d’environ 4 METs (Metabolic Equivalent Task = VO2 max [ml/min/kg])/3,5 ; 1 MET correspond au métabolisme basal). La capacité physique fonctionnelle peut aussi être évaluée plus précisément si nécessaire par un test d’effort. Une faible capacité physique ou inconnue va rentrer en ligne de compte dans l’évaluation de la balance bénéfice-risque de l’acte chirurgical. À l’inverse, une capacité fonctionnelle préservée (capacité physique est ≥ 4 METs) est un marqueur de très bon pronostic périopératoire (3,4,9). Le score clinique du risque cardiaque : score de Lee Le score clinique de Lee « classique » est toujours considéré comme le meilleur score de prédiction du risque CV en chirurgie non cardiaque. En cas de score élevé, l’anesthésiste différera l’intervention et adressera son patient au cardiologue. Ce score comporte 6 situations cliniques à risque, comptant chacune pour un point : - une coronaropathie (antécédent d’infarctus du myocarde, angor clinique, utilisation de nitrés, onde Q sur l’électrocardiogramme, test non invasif ischémique positif) ; - une insuffisance cardiaque congestive (antécédent d’insuffisance cardiaque congestive, d’œdème pulmonaire, dyspnée nocturne paroxystique, signes cliniques ou radiologiques d’insuffisance cardiaque) ; - des antécédents d’accident vasculaire cérébral ischémique ou hémorragique ou d’accident ischémique cérébral transitoire ; - un diabète traité par insuline ; - une insuffisance rénale chronique (créatinine plasmatique > 2 mg/dl ou > 117 mM/l), une hémodialyse ; - une chirurgie à haut risque : cardiaque, vasculaire supra-inguinale, intrapéritonéal, intrathoracique. Le risque de complications cardiaques majeures est de 0,4, 0,9, 7 et 11 % chez les patients dont le score de Lee additionne respectivement 0, 1, 2, et ≥ 3 points. Le score clinique « révisé » de Lee ne prend pas en compte la chirurgie à haut risque dans son calcul final (3,4,9). Le risque périopératoire spécifique à l’HTA Dans les recommandations européennes (4) et américaines

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