Réadaptation : comment définir le programme adapté à chaque patient ?
D. M. MARCADET, Clinique Turin, Paris
Les programmes de réadaptation cardiaque sont toujours personnalisés pour chaque patient. Rappelons que la réadaptation cardiaque consiste à utiliser les traitements non médicamenteux (exercice physique, lutte contre le stress, adaptation nutritionnelle, sevrage tabagique) et par l’optimisation du traitement médicamenteux institués lors de l’hospitalisation dans la structure aiguë (modification ou introduction principalement des bêtabloquants des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou des antihypertenseurs). Ce programme doit être adapté en fonction de la pathologie cardiaque (coronarien, valvulaire, insuffisant cardiaque, cardiopathie congénitale, artérite des membres inférieurs, porteurs de matériel implantable) des pathologies associées (diabète, insuffisance respiratoire, problèmes ostéo-articulaires, problèmes psychiatriques, etc.). On le voit, un bilan initial est absolument indispensable pour pouvoir prescrire l’activité physique et adapter l’éducation thérapeutique.
Bilan initial, stratification du risque (1) Dans tous les cas, il est indispensable de pratiquer un bilan initial pour évaluer le risque évolutif du patient et régler le programme de réadaptation. Le niveau de risque de chaque patient est classé selon trois groupes : bas, intermédiaire ou élevé. Lorsque le risque est bas ou intermédiaire, le programme de réadaptation est mis en route. Lorsqu’il est élevé, des mesures thérapeutiques sont d’abord nécessaires : renforcement du traitement médical, revascularisation percutanée ou chirurgicale, voire transplantation cardiaque. Les facteurs pronostiques, chez le coronarien, sont liés à la fonction ventriculaire, à l’extension des lésions coronaires et à une instabilité rythmique. Chez le valvulaire et dans l’insuffisance cardiaque, les facteurs pronostiques sont liés à la fonction ventriculaire, au potentiel rythmique et à la gestion du traitement médicamenteux (anticoagulants, diurétiques). Cette évaluation initiale dépend des données cliniques, des investigations fonctionnelles et de l’imagerie (tableau 1). Clinique L’examen clinique évalue par l’interrogatoire les signes fonctionnels et leur sévérité, l’état psychosocial, l’existence d’une addiction ou d’une dépression, l’existence de comorbidités, en particulier une pathologie pulmonaire. Les facteurs de risque sont notés, on évalue l’état ostéo-articulaire et musculaire et le niveau de connaissance par un diagnostic éducatif précis. L’examen physique recherche des signes d’insuffisance cardiaque, la présence d’un souffle, d’un épanchement pleural ou péricardique, d’une arythmie, d’une hypo- ou d’une hypertension artérielle. Il apprécie l’état des cicatrices et recherche l’existence d’un syndrome inflammatoire ou infectieux. Par exemple, chez le coronarien, les facteurs aggravant le pronostic sont respectivement et de manière indépendante ; l’âge (> 65 ans), le sexe (les femmes ont une mortalité plus importante), les antécédents d’infarctus du myocarde, le diabète, l’hypercholestérolémie et l’existence de signes cliniques d’insuffisance cardiaque à la phase aiguë. En revanche, l’existence d’un angor résiduel est un facteur aggravant controversé alors que l’arrêt du tabac diminue le risque de récidive. Le pronostic est moins bon lorsque la nécrose est antérieure. Électrocardiogramme (ECG) de repos La durée du QRS, l’existence d’extrasystoles ventriculaires (ESV) et d’une fréquence cardiaque élevée au repos sont des facteurs pronostiques péjoratifs. Après infarctus du myocarde, on note l’étendue du susdécalage du segment ST, la déformation de la partie terminale du QRS et le sous-décalage transitoire ou permanent du segment ST. Le pronostic est meilleur lorsque les signes disparaissent après revascularisation. La mesure de l’angle entre l’axe de QRS et celui de l’onde T permet de classer les patients en faible risque (0°-50°) risque intermédiaire (50°-100°) et haut risque (100°-180°) d’événements cardiovasculaires. Électrocardiogramme d’effort (2) Le test d’effort est utilisé pour évaluer le pronostic et connaître la capacité fonctionnelle afin d’adapter le réentraînement. Il permet aussi, chez certains patients, d’adapter les traitements, de dépister une complication et de porter l’indication d’autres examens complémentaires. Le test est de préférence sous-maximal lorsqu’il est effectué précocement (entre le 5 e jour et la 2 e semaine après l’infarctus, voire un mois en cas d’insuffisance cardiaque aiguë), et limité par les symptômes, avec un très faible taux de complications, si les contre-indications ont été respectées. Il est préférable de réaliser l’épreuve d’effort sous traitement. En postopératoire, en l’absence d’étude spécifique, il faut tenir compte de la fatigue générale liée à la proximité de l’intervention, des douleurs et de l’hémoglobinémie, l’existence d’un épanchement péricardique. Les troubles de la repolarisation sont non spécifiques et difficilement interprétables dans ce contexte. Capacité fonctionnelle La capacité fonctionnelle est le meilleur facteur pronostique. Influencée par la fonction ventriculaire, elle est conditionnée par le nombre de troncs coronaires atteints, mais aussi par l’âge, la condition physique, les comorbidités et les antécédents psychologiques comme la dépression. Elle est exprimée par la durée de l’effort, les Mets, le travail maximal, le double produit et la durée de l’exercice ou la consommation d’oxygène quand l’épreuve a été couplée à une mesure des échanges gazeux. Comme il est dit plus haut, la mortalité toutes causes confondues est deux fois plus élevée chez les sujets dont la capacité d’effort est inférieure à 5 Mets par rapport à ceux qui dépassent les 8 Mets (3). L’utilisation de la mesure des gaz expirés (ou test cardio-pulmonaire) est très utile ici pour évaluer les patients, notamment les insuffisants cardiaques. À partir de cette mesure couplée à l’ECG, on obtient une série de paramètres permettant d’explorer les systèmes cardiovasculaire, respiratoire et musculaire. Par exemple, les principaux paramètres pour le pronostic dans l’insuffisance cardiaque sont le pic de VO2 (consommation maximale d’O2), la VO2 au seuil ventilatoire, la pente VE/VCO2, la réserve aérobie (VO2 au pic – VO2 au seuil), l’OUES (oxygen uptake efficiency slope) paramètre de la relation VO2 (L/min) = m (log10VE) + b, ou m = OUES, les oscillations de la ventilation, le Pet CO2 au repos, la puissance ventilatoire, la puissance circulatoire, l’insuffisance chronotrope, une fréquence cardiaque de récupération élevée. Cet examen permet aussi de déterminer l’entraînement physique des patients de la même manière que chez les sujets normaux ou les athlètes (tableau 2). Seuil ischémique Le seuil ischémique est en rapport avec la sévérité des lésions et leur extension. Il est marqué par un sous-décalage du segment ST, un sus-décalage du segment ST ou la survenue d’une crise d’angor. On tient compte du nombre de dérivations dans lesquelles survient le trouble de la repolarisation, de la pente du segment ST et de l’amplitude du sous-décalage, de la persistance des troubles en récupération et de leurs survenues précoces pendant l’exercice. De nombreux patients sont traités par bêtabloquants en post-infarctus, mais ceci ne modifie pas la valeur pronostique de l’examen (2). Profil tensionnel et fréquentiel La chute ou la non-élévation de la pression artérielle à l’exercice est un facteur pronostique péjoratif traduisant l’altération de la fonction ventriculaire ou l’existence de lésions étendues et sévères des artères coronaires ou une obstruction à l’éjection du ventricule gauche. L’insuffisance chronotrope à l’effort et/ou une fréquence cardiaque de récupération trop élevée sont des marqueurs pronostiques même chez les patients qui présentent un ECG d’effort négatif. Lorsqu’ils existent, le taux d’événements cardiaques est significativement plus élevé. La fréquence cardiaque maximale atteinte pendant l’exercice musculaire dépend de plusieurs facteurs : l’âge, le sexe, le niveau d’entraînement, l’existence d’une cardiopathie, l’altitude, le type d’exercice, la température ambiante, le degré d’humidité, la méthode de mesure de la fréquence, l’intensité de l’effort maximal ou non. Une faible élévation de la fréquence cardiaque à l’effort caractérise l’insuffisance chronotrope. Elle peut être déterminée simplement par la fréquence cardiaque maximale enregistrée au cours de l’exercice lorsque celle-ci reste inférieure à 85 % de la fréquence maximale théorique (FMT). La réponse chronotrope à l’exercice s’exprime aussi comme la proportion de la réserve chronotrope (fréquence cardiaque maximale – fréquence cardiaque de repos) utilisée. Il y a insuffisance chronotrope lorsqu’elle est inférieure à 80 %. Elle a une forte valeur prédictive de mortalité, cependant limitée dans certains cas : chez les patients traités par bêtabloquants, un peu moins chez ceux traités par inhibiteurs calciques, en cas d’arythmie complète par fibrillation atriale et chez les fumeurs (2). Scores L’utilisation des scores pour déterminer le pronostic chez les patients coronariens permet de classer simplement les patients en trois groupes : à risque faible, intermédiaire ou élevé. La plupart des scores intègrent aux données de l’exercice l’histoire clinique, la probabilité prétest et les résultats des nouveaux critères (2). Les tests d’imagerie L’échocardiographie de repos est indispensable dans le bilan initial au même titre que le test d’effort. Elle évalue la fonction ventriculaire gauche systolique (une fraction d’éjection inférieure à 40 % est un élément de mauvais pronostic) et les pressions pulmonaires. Elle apprécie les résultats de la chirurgie et permet de dépister et juger de l’importance d’un épanchement péricardique. Elle permet de dépister une viabilité myocardique et de déceler une dysfonction ventriculaire gauche à l’effort. Elle a l’avantage de pouvoir être réalisée facilement et éventuellement répétée. La scintigraphie myocardique (1) a actuellement une valeur pronostique moindre qu’avant l’ère des thrombolytiques. Elle permet de déterminer l’étendue de l’infarctus et d’apprécier l’ischémie résiduelle et la viabilité myocardique. Elle est moins utilisée dans les centres de réadaptation de même que le scanner coronaire et l’imagerie par résonance magnétique. Enregistrement ambulatoire de l’électrocardiogramme, variabilité sinusale, alternance des ondes T Il n’y a pas actuellement suffisamment de preuves pour proposer un enregistrement ambulatoire de l’ECG dans le but de rechercher une ischémie myocardique même si certains travaux ont montré qu’il existe effectivement une valeur pronostique dans ce cas-là. Il est en revanche parfaitement utile dans les cas où l’ECG d’effort ne peut pas être réalisé et pour diagnostiquer et évaluer une arythmie. La variabilité sinusale ou la sensibilité du baroréflexe peuvent déterminer une population à haut risque, mais elles sont rarement utilisées en routine. La recherche d’une
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