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Valvulopathies

Publié le  Lecture 15 mins

Comment apprécier la sévérité d'une insuffisance mitrale

J. MAGNE, D. MOHTY, Service de cardiologie, Pôle « Cœur-Poumon-Rein », CHU Dupuytren, Limoges

L’insuffisance mitrale (IM), primaire ou secondaire, est fréquente chez les patients de plus de 65 ans et est associée à un mauvais pronostic, et ce de façon graduelle avec l’aggravation de sa sévérité. L’essentiel des indications de chirurgie valvulaire mitrale porte sur les cas d’IM sévère. Il est donc indispensable d’apprécier correctement la sévérité d’une IM.
L’échocardiographie transthoracique est l’examen préférentiel et de premier choix. Elle permet une évaluation qualitative, semi-quantitative et quantitative de la sévérité de la fuite mitrale. La pertinence pronostique des mesures de surface de l’orifice régurgitant et du volume régurgité est démontrée. Il est ainsi indispensable de rapporter leur valeur à chaque fois que cela est possible. Par ailleurs, les conséquences et répercussions de l’IM sur les cavités gauches mais aussi sur la pression artérielle pulmonaire doivent faire l’objet d’une évaluation attentive.

Généralités La prévalence de l’insuffisance mitrale (IM) (toutes causes confondues) dans les pays occidentaux se situe approximativement entre 3 et 6 % des patients entre 65 et 74 ans et 7 et 9 % pour les plus de 75 ans (1). L’IM est ainsi la maladie valvulaire la plus fréquente dans ces pays, devant le rétrécissement aortique. Malgré la baisse significative des atteintes rhumatismales, le vieillissement de la population ainsi que l’épidémie d’obésité et de désordres métaboliques participant à l’augmentation des infarctus du myocarde, combinés à l’amélioration constante des taux de survie des patients atteints de cardiopathie ischémique, suggèrent que la prévalence de l’IM secondaire (principalement dans sa forme ischémique) devrait augmenter au cours des 25 prochaines années. À l’exception des patients avec IM modérées et nécessitant une revascularisation myocardique chirurgicale, les indications de réparation ou de remplacement valvulaire mitral « isolé » ne portent que sur les cas d’IM sévère. L’évaluation de la sévérité de la fuite mitrale est donc centrale dans la prise en charge de ces patients. De plus, il existe une relation graduelle entre la sévérité de la fuite et la mortalité cardiovasculaire et de toutes causes ; les IM sévères étant à plus haut risque que les IM modérées, elles-mêmes plus à risque que les IM minimes (2,3). Ainsi l’évaluation de l’IM permet d’affiner la stratification du risque cardiovasculaire de ces patients. Bien que limitée, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut avoir sa place dans l'évaluation de l’IM. Elle permet désormais de quantifier le volume régurgitant (VR) via une approche volumétrique où le volume d’éjection systolique à travers la chambre de chasse est soustrait du volume d’éjection ventriculaire gauche (VG) (différence des volumes télédiastolique et télésystolique) (4). L’échocardiographie transthoracique, néanmoins, demeure l’examen de référence et de premier choix. Étiologies, mécanismes et indications chirurgicales Les étiologies et mécanismes de l’IM sont multiples. Cependant leur appréciation précise est essentielle car les seuils de sévérité et la prise en charge qui s’en suit diffèrent entre les deux principales formes. Ainsi les recommandations de l’ESC publiées en 2012 (5) ont simplifié la classification des IM en 2 étiologies : les IM primaires et les IM secondaires. Les IM primaires (ou anciennement « organiques ») englobent toutes les atteintes lésionnelles organiques valvulaires ou sous-valvulaires telles que les formes dégénératives, dystrophiques, rhumatismales, médicamenteuses ou encore liées à une endocardite. Les IM secondaires sont des atteintes fonctionnelles, ischémiques ou non, et principalement liées à une cardiopathie ischémique ou une cardiomyopathie dilatée. Bien que des travaux récents aient démontré l’existence de mécanismes d’adaptation, par modification du tissu valvulaire mitral, permettant de répondre aux contraintes de remodelage VG présent dans les IM secondaires, ces dernières formes se distinguent des IM primaires par la présence d’une valve échographiquement « saine ». Ainsi les IM secondaires correspondent dans leur grande majorité au type IIIb de la classification de Carpentier, et plus rarement dans les cas de dilatations annulaires, au type I ; les IM primaires constituent quant à elles, les types II, IIIa et dans les cas de perforation le type I. Selon l’ESC, dans le cadre des IM primaires, une chirurgie réparatrice de la valve mitrale doit être favorisée par rapport au remplacement valvulaire. Les indications de classe A correspondent aux IM primaires sévères et symptomatiques, ou bien associées à une dysfonction VG (fraction d’éjection VG ≤ 60 %) ou une dilatation VG (diamètre télésystolique ≥ 45 mm). Les IM asymptomatiques à fraction d’éjection préservée peuvent également être opérées en cas de fibrillation atriale ou d’hypertension pulmonaire (classe IIa), La présence d’un diamètre télésystolique ≥ 40 mm est aussi une classe IIa d’intervention dans le contexte d’IM sur « flail ». Dans les IM secondaires, une seule indication de classe I existe pour les patients avec IM sévères pour lesquels un pontage est envisagé et ayant une fraction d’éjection VG > 30 %. En absence d’indication de pontage, la classe d’indication est seulement IIa. Les autres indications de classe IIa recommandent l’intervention pour les IM secondaires modérées nécessitant un pontage, ou bien pour les patients avec IM sévère et fraction d’éjection VG ≤ 30 % mais avec une évidence de viabilité myocardique et revascularisable. Évaluation qualitative Des éléments qualitatifs tels que la morphologie de la valve, la forme et l’orientation du jet de régurgitation et de la zone de convergence, ou encore l’aspect du flux de Doppler continu du jet de régurgitation mitrale, permettent une appréciation indirecte de la sévérité de la fuite. En effet, une rupture de pilier, une rupture de cordage avec éversion du sommet du feuillet libre dans l’oreillette gauche (OG), ou encore une absence de coaptation du fait d’une traction trop importante exercée sur les feuillets, sont autant de signes morphologiques permettant de fortement suspecter la présence d’une IM sévère. De même, on retrouvera dans les cas d’IM sévère un jet de régurgitation apparaissant, en Doppler couleur, comme dense, large et central, ou bien excentrique et suivant la paroi atriale jusqu’à atteindre le toit de l’OG, le tout accompagné d’une zone de convergence particulièrement imposante. Toutes les incidences, incluant la parasternale grand axe, et les apicales 4 et 2 cavités doivent être explorées. L’aspect dense et triangulaire du flux de régurgitation mitral au Doppler continu est en faveur d’une IM sévère. En revanche, la planimétrie du Doppler couleur du flux de régurgitation ou son ratio avec la surface de l’OG, ne sont plus recommandés pour évaluer la sévérité d’une IM ; une approche plus quantitative étant nécessaire (6). L’analyse qualitative de l’IM permet d’orienter grossièrement le diagnostic en faveur d’une IM sévère ou non. Cependant, une approche plus quantitative est nécessaire pour la différentiation entre IM minime, modérée ou sévère. Évaluation semi-quantitative Le principal élément d’évaluation semi-quantitative de l’IM repose sur la mesure de la vena contracta du jet de régurgitation. La vena contracta est définie comme le plus petit diamètre, mesuré à son origine, d’un flux traversant un orifice. Elle se caractérise par une vélocité élevée et un flux laminaire et reproduit donc fidèlement les dimensions de l’orifice régurgitant effectif et donc de la lésion valvulaire. Dans le contexte de l’IM, elle se situe immédiatement après les feuillets valvulaires, dans l’OG et s’apparente à la « nuque » de la zone de convergence. Inférieure à 3 mm, la vena contracta suggère une IM minime ; supérieure à 7 mm, l’IM est considérée sévère. Cette mesure peut s’obtenir en vue apicale 2 ou 4 cavités, l’incidence parasternale longitudinale, voire l’apicale 3 cavités sont cependant à privilégier. Le rapport des intégrales temps-vélocité (ITV) des Dopplers pulsés transmitral, antérograde et sous-aortique est un paramètre semi-quantitatif fiable. Au-delà de 1,4, ce ratio indique la présence d’une IM sévère. Elle sera très certainement minime lorsque ce rapport est inférieur à 1. De façon similaire, en l’absence de rétrécissement mitral concomitant, une vélocité de l’onde E mitrale > 1,5 m/s est un très fort argument en faveur d’une IM sévère. L’analyse du flux veineux pulmonaire en Doppler pulsé permet également de repérer l’inversion d’onde S (systolique), suggérant une IM significative. En effet, en l’absence d’IM, le patron de flux veineux pulmonaire se caractérise par une onde S positive, suivi d’une onde D (diastolique) plus petite. L’inversion de l’onde S doit cependant être recherchée dans les 4 veines pulmonaires afin d’éviter de potentiel faux-positif et faux-négatif liés aux jets de régurgitation excentrique. Dans ce contexte, néanmoins, l’échocardiographie transœsophagienne est souvent nécessaire. Évaluation quantitative L’évaluation quantitative repose sur la mesure de la surface de l’orifice régurgitant (SOR), marqueur du degré d’atteinte valvulaire, et du VR, substitut de la surcharge volumique. Une SOR ≥ 40 mm 2 et/ou un VR ≥ 60 ml sont synonymes d’IM sévère (tableau). Lorsque la SOR est 20 mm 2 et le VR 30 ml, l’IM est considérée comme minime. Les IM primaires pour lesquelles les SOR et VR ont des valeurs intermédiaires peuvent être classées en 2 sous-catégories d’IM modérées : IM minime à modérée (SOR 20-29 mm 2 ; VR 30-44 ml) et IM modérée à sévère (SOR 30-39 mm 2 ; VR 45-59 ml). À noter que les seuils utilisés pour définir une IM secondaire sévère doivent être divisés par 2, à savoir une SOR ≥ 20 mm 2 ou un VR ≥ 30 ml. L’IM primaire sévère se définie par une surface de l’orifice régurgitant ≥ 40 mm 2 et/ou un volume régurgitant ≥ 60 ml. Ces seuils doivent être divisés pas 2 dans le contexte d’une IM secondaire : surface de l’orifice régurgitant ≥ 20 mm 2 et/ou un volume régurgitant ≥ 30 ml. L’approche préférentielle est celle de la méthode PISA (proximal isovelocity surface area) qui se base sur les principes de l’équation de continuité et de la conservation de la masse. La mécanique des fluides stipule que lorsqu’un flux se rapproche d’un orifice, les éléments constituant ce flux (les hématies dans le contexte du sang), s’organisent en zones ou strates d’isovélocité. Ces strates sont disposées en hémisphères concentriques dont le rayon diminue progressivement en se rapprochant de l’orifice régurgitant. Au niveau de chaque strate, les globules rouges ont la même vitesse et la surface de ces strates diminue au fur et à mesure que leur vitesse augmente. La mesure de la zone de convergence permet de quantifier la fuite mitrale à l’aide de l’équation suivante : où R = le rayon de la zone de convergence, Va = la vitesse d’ aliasing choisie et V max IM = la vitesse

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