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Vasculaire

Publié le  Lecture 12 mins

De petites artères, mais un grand enjeu de santé publique

Éric JOUVENT, Service de neurologie, CHU Lariboisière, Paris

CADASIL est une maladie génétique des petites artères cérébrales à l’origine d’AVC parfois multiples. Le point sur une pathologie à laquelle il importe de penser devant certains tableaux cliniques.

Les AVC représentent une cause majeure de handicap et de troubles cognitifs dans les pays industrialisés (1). Ils peuvent être liés à la diminution sous un seuil critique de l’apport en oxygène (AVC ischémique) ou être secondaires à la rupture d’un vaisseau (AVC hémorragique). Parmi les AVC ischémiques, on distingue ceux en rapport avec l’atteinte des gros vaisseaux cérébraux (les artères du polygone de Willis et leurs branches de division) et ceux liés à l’atteinte de la microvascularisation (les branches secondaires ou tertiaires d’un diamètre de moins de 500 microns environ) (figure 1). Les atteintes de ces 2 types de vaisseaux ont des mécanismes différents. Les gros vaisseaux sont en règle générale le siège d’emboles provenant des vaisseaux du cou ou du cœur. Ils peuvent aussi être atteints par une forme particulière d’athérome, qui peut prédominer en intracrânien. En revanche, si les petits vaisseaux peuvent aussi être le siège d’emboles issus de la circulation d’amont ou du cœur, ils sont la plupart du temps atteints par des mécanismes in situ (2). Le spectre clinicoradiologique secondaire à l’atteinte de cette microvascularisation définit les maladies des petites artères cérébrales. Figure 1. Maladies des petites artères cérébrales et AVC ischémiques. a : la vascularisation cérébrale est constituée schématiquement de 2 types d’artères représentés sur le schéma d’une coupe coronale de cerveau (avec en b, l’aspect IRM de la coupe correspondante en séquence T1). Les vaisseaux du polygone de Willis et les artères leptoméningées sont de gros calibre (d’un demi à plusieurs millimètres, en rouge foncé). L’occlusion d’une de ces artères provoque souvent des lésions ischémiques très étendues. De plus petites branches, les artères perforantes, naissent de ces gros troncs et vont vasculariser les structures profondes du cerveau. L’atteinte d’une de ces artères donne typiquement un petit infarctus « sous-cortical ». Le panel c représente 2 coupes axiales d’IRM en séquence de diffusion montrant respectivement un petit infarctus thalamique récent lié à l’atteinte d’une perforante dans le cadre d’une maladie des petites artères cérébrales et un infarctus très étendu en rapport avec une occlusion de l’artère cérébrale moyenne d’origine cardioembolique. Les maladies des petites artères cérébrales se traduisent en IRM par l’association à des degrés divers (figure 2) : • d’hypersignaux de la substance blanche visibles en séquence Flair, témoignant vraisemblablement d’une hypoperfusion chronique. Ils sont présents chez 95 % des sujets en population générale après 65 ans, et sont confluents dans 5 % des cas (3) ; • de lacunes mieux identifiables sur les séquences 3DT1 et qui correspondent à l’évolution naturelle des lésions ischémiques révélées ou non par des AVC. Environ 25 % des sujets de plus de 65 ans en population générale ont au moins une lacune (4) ; • de microsaignements visibles uniquement en séquence T2* et qui représentent des ruptures focales de la barrière hématoencéphalique (5). Figure 2. Marqueurs IRM des maladies des petites artères cérébrales. Les principaux marqueurs IRM de maladies des petites artères cérébrales sont illustrés par des formes de sévérité croissante. À gauche, 3 séquences (Flair, 3DT1 et T2* de haut en bas) normales pour comparaison. En haut, l’étendue des hypersignaux peut être très variable, de quelques zones nodulaires aux formes très étendues et confluentes. Au milieu, sur la séquence 3DT1, on note un nombre croissant de lacunes (flèches), tandis que la substance blanche devient de plus en plus sombre alors que la maladie évolue. En bas, sur la séquence T2*, le nombre de microsaignements peut aller d’un seul à plusieurs dizaines comme sur la dernière coupe passant par le cervelet. Sur le plan clinique, les maladies des petites artères cérébrales liées à l’âge et à l’hypertension artérielle sont à l’origine d’un AVC sur cinq et représentent la deuxième cause de troubles cognitifs après la maladie d’Alzheimer (6). A côté de ces formes sévères, il existe des formes paucisymptomatiques, beaucoup plus fréquentes, pouvant être uniquement à l’origine de troubles de la marche ou de problèmes de concentration. Il est d’autant plus important de sensibiliser l’ensemble du corps médical qu’il est démontré qu’une prise en charge adaptée des facteurs de risque cardiovasculaire modifiables ralentit l’évolution de ces affections. Un contrôle absolu de la pression artérielle permet de réduire l’évolution radiologique (7), et préviendrait le risque de survenue d’un AVC, le développement d’une démence ou l’apparition d’un handicap (6). L’angiopathie amyloïde cérébrale, dont les liens avec la maladie d’Alzheimer sont complexes, est la deuxième cause de maladie des petites artères cérébrales (8). Elle se manifeste surtout par des AVC hémorragiques. Très loin derrière ces 2 formes fréquentes qui touchent des centaines de milliers de patients en France, il existe d’autres formes beaucoup plus rares, acquises ou génétiques. C’est le cas de CADASIL, une affection monogénique, autosomique dominante liée à des mutations du gène NOTCH3 (9) qui est l’objet de cette mise au point. CADASIL C’est en prenant en charge en 1976 un patient jeune atteint d’une forme sévère de maladie des petites artères cérébrales, mais sans antécédent d’hypertension artérielle que le Pr Marie-Germaine Bousser à identifié chez lui des antécédents familiaux similaires au sein d’une très grande famille. Après une enquête extrêmement minitieuse, le mode de transmission de l’affection a finalement pu être déterminé : monogénique, autosomique et dominant. Le gène NOTCH3, dont les mutations conduisent à la maladie, a été identifié en 1996 par les équipes du Pr Bousser et du Pr Tournier-Lasserve à Lariboisière (10). L’acronyme CADASIL a été choisi pour illustrer les différentes caractéristiques de la maladie ( Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy). Les auteurs ayant choisi cet acronyme n’ont, à l’époque, pas remarqué la potentielle ambiguïté de sa prononciation en Français, au contraire de certaines familles. Quoi qu’il en soit, l’acronyme choisi est maintenant communément admis. Physiopathologie Si la physiopathologie de CADASIL est différente des formes liées à l’âge et à l’hypertension, les conséquences de l’atteinte des petites artères cérébrales sont similaires : les cellules musculaires lisses dégénèrent, laissant la place à un tissu fibro-hyalin dénué de capacités contractiles. Les lésions d’origine vasculaires s’accumulent dans les régions profondes du cerveau. Ces lésions vasculaires ont une traduction clinique similaire aux formes liées à l’âge et à l’hypertension : elles peuvent être révélées de manière aiguë par des AVC ou s’accumuler progressivement, conduisant à l’apparition d’un handicap et de troubles cognitifs (9). Dans CADASIL, l’atteinte est en général plus précoce et plus sévère que dans les formes liées à l’âge et à l’hypertension artérielle. Ainsi, les AVC peuvent survenir dès la 3 e décennie et certains patients peuvent être lourdement handicapés ou présenter une démence avant 50 ans (9). La fréquence exacte de CADASIL n’est pas connue, mais cette affection concerne au minimum plusieurs centaines de familles en France, ce qui en fait une des maladies neurologiques monogéniques les plus fréquentes. La plupart des patients atteints de CADASIL en France sont suivis dans le centre de référence pour les maladies vasculaires rares du cerveau et de l’œil (CERVO : http://www.cervco.fr) à l’hôpital Lariboisière (Paris). Actuellement, plus de 250 patients sont inclus dans notre étude de suivi. Les cohortes à la fin des années 1990, notamment en France, ont permis de mieux comprendre le spectre clinique et radiologique de la maladie. Spectre clinique Migraine Le premier symptôme de CADASIL est la survenue de crises de migraine avec aura. Si la migraine sans aura ne semble pas plus fréquente dans CADASIL que dans la population générale, la fréquence de la migraine avec aura serait 4 à 5 fois plus élevée dans CADASIL, touchant 20 à 40 % des patients (9). La plupart du temps, les crises de migraine avec aura sont typiques, avec une marche migraineuse débutant par des signes visuels avec un scotome scintillant s’étendant progressivement sur une vingtaine de minutes, suivi éventuellement de troubles sensitifs et parfois de troubles phasiques. En revanche, jusqu’à 50 % des patients auraient aussi des crises plus atypiques. Certaines peuvent être extrêmement sévères, se manifestant par une confusion voire un coma (9). AVC Environ deux tiers des patients présenteront un AVC ischémique au cours de l’évolution de leur maladie, parfois avant 40 ans (9). La plupart d’entre eux aura au moins une récidive. Certains patients de notre cohorte ont présenté au cours de l’évolution de leur maladie jusqu’à une dizaine d’AVC. Les AVC sont en rapport avec des petits infarctus profonds survenant dans des régions neurologiquement éloquentes (motrices et sensitives essentiellement). La plupart du temps ces AVC surviennent en l’absence d’hypertension artérielle, mais les patients atteints de CADASIL sont par ailleurs exposés aux autres causes d’AVC ischémiques qui peuvent exceptionnellement coexister chez le même sujet (11). Contrairement aux AVC ischémiques, les AVC hémorragiques sont exceptionnels dans CADASIL, en particulier en Europe (12). Le nombre d’AVC ne semble pas être un marqueur pronostique du handicap. Le volume total de lacunes, correspondant à l’ensemble des lésions ischémiques ayant conduit ou non à un AVC, semble jouer un rôle plus important (9). Handicap moteur Le handicap dans CADASIL est hautement variable. Certains patients deviennent grabataires avant 50 ans alors que d’autres sont parfaitement indemnes de tout handicap après 70 voire 80 ans (9). Une de nos patientes, âgée de plus de 70 ans et volontaire pour participer à une étude IRM réalisée en banlieue parisienne, a parcouru les 5

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