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Comment prévenir les accidents vasculaires cérébraux ?
Benjamin MAÏER*, Mikael MAZIGHI*/**

L’accident vasculaire cérébral (AVC), représente la première cause de handicap, la deuxième cause de mortalité et de démence(1).
L’AVC en quelques chiffres L’accident vasculaire cérébral (AVC), représente la première cause de handicap, la deuxième cause de mortalité et de démence (1). En France, l’incidence annuelle des AVC est de 100 000 à 145 000 cas par an, avec 15-20 % de mortalité au terme du premier mois, 60 % de mortalité à 5 ans, et 50 % de survivants avec séquelles (2). L’AVC recouvre les infarctus cérébraux (IC) et les hémorragies cérébrales (HC), représentant respectivement 80 % et 20 % d’entre eux. Une des spécificités des AVC est l’hétérogénéité de leurs causes (figure 1). Figure 1. Les causes des infarctus cérébraux sont dominées par les causes cardio-emboliques, la maladie des petites artères et l’athérothrombose. Les trois principales causes des IC sont représentées par l’athérothrombose, les cardiopathies emboligènes et la maladie des petites artères (MPA) (figure 2). À noter que pour 20 à 25 % des patients, aucune cause n’est identifiée. Pour les sujets les plus jeunes de moins de 50 ans, la situation est différente puisque la dissection des artères cervicales reste la principale cause d’IC et l’absence de cause peut atteindre 45 % des patients. En ce qui concerne les HC, la topographie a un rôle clé dans la démarche étiologique (par exemple, l’HC localisée dans les noyaux gris centraux est plus fréquente chez les patients avec une MPA, alors que les HC lobaires récidivantes sont en faveur de l’angiopathie amyloïde chez les personnes âgées). Ces quelques exemples montrent la diversité des pathologies rencontrées, qui viennent souligner des prises en charge différentes. Figure 2. IRM cérébrale en coupe axiale montrant des lésions de MPA. Séquence FLAIR identifiant des hypersignaux de la substance blanche périventriculaires (flèches noires). Prévention de l’infarctus cérébral Prise en charge des facteurs de risque vasculaire Alors que les facteurs de risque vasculaire sont communs à la pathologie athérothrombotique coronaire et cérébrale, l’HTA est le principal d’entre eux pour les AVC. Elle multiplie le risque d’IC par 4 (3). Ce risque augmente pour des valeurs élevées de pression artérielle (PA) systolique, diastolique et de variabilité tensionnelle (4,5). L’HTA est notamment impliquée dans la MPA, à l’origine d’IC profonds de petite taille, pouvant être silencieux et responsables à plus long terme d’un déclin cognitif. En prévention secondaire, de nombreux essais thérapeutiques ont démontré l’impact d’une réduction de la PA pour prévenir une récidive ischémique de près de 20 % (RR : 0,81 ; IC95% : 0,73- 0,91) (6-8). L’étude PROGRESS qui a évalué la baisse de PA après un AVC (IC et HC) chez des sujets hypertendus ou non hypertendus, a montré qu’une réduction de 12/5 mmHg a été associée à une réduction relative de 43 % du risque d’AVC Un des grands messages de cette étude est que le bénéfice de la réduction de la PA existe chez le normotendu et l’hypertendu après un AVC quel qu’en soit le type. De fait, pour les patients qui récidivent sous la forme d’un AVC sans étiologie identifiée, il est proposé une prise en charge plus intensive de la PA même s’ils sont normotendus. Actuellement, un traitement antihypertenseur est envisagé pour tout patient ayant un IC ou un accident ischémique transitoire (AIT) lorsque la PA systolique est supérieure ou égale à 140 mmHg et la diastolique supérieure à 90 mmHg (9). Les antihypertenseurs recommandés en prévention secondaire sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les inhibiteurs calciques et les diurétiques thiazidiques (6,9,10). Concernant le contrôle du diabète, la HAS recommande un objectif d’HbA 1c ≤ 7 % pour tout patient diabétique avec des antécédents d’IC ou d’AIT de plus de 6 mois et ≤ 8 % pour tout IC et AIT de moins de 6 mois. La metformine étant un antidiabétique oral de première ligne à prescrire chez les patients diabétiques de type 2 (11). Il existe une relation complexe entre l’hypercholestérolémie et le risque d’IC. Un taux de LDLcholestérol (LDL-C) élevé est associé à une augmentation de l’incidence de certains types d’IC (12), notamment les IC de cause athérothrombotique ou les lacunes (13), tandis qu’un taux de LDL-C bas serait associé à un sur-risque d’HC (14,15). Alors que certaines études observationnelles ne montrent pas d’association entre un taux élevé de LDL-C et le risque d’IC (16), des données de métaanalyses d’études randomisées évaluant les statines ont permis de montrer que celles-ci réduisent significativement le risque d’IC (17). SPARCL (18) a été la première étude à montrer que le traitement par statine à forte dose (atorvastatine 80 mg/j) réduisait de manière significative le risque de récidive ischémique chez les patients atteints d’un AIT ou IC non cardio-embolique. Dans cette étude, le LDL-C moyen a été de 0,73 g/l dans le bras atorvastatine versus 1,29 g/l dans le bras placebo. La réduction du risque de récidive d’AVC a été de 16 % et de 35 % pour les événements coronariens par rapport au placebo. À noter que les patients avec une diminution de plus de 50 % du LDL-C ont vu leur risque de faire un AVC diminué de 31 %. Dans SPARCL, les patients sous atorvastatine 80 mg avaient également une réduction du risque de revascularisation carotide de l’ordre de 50 %. Depuis cette étude, les statines sont indiquées, avec pour cible un LDL-C inférieur à 1,0 g/l, en prévention secondaire des IC non cardio-emboliques. Dans la situation particulière de l’athérothrombose intracrânienne symptomatique, la cible pour le LDL-C est alors inférieure à 0,7 g/l (cf. infra) (19). La prise en charge des facteurs de risque vasculaire passe également par une lutte contre l’inactivité physique, qui permet de réduire l’incidence des IC en cas de pratique régulière d’une activité sportive. Les recommandations nord-américaines proposent pour les patients souffrant d’AIT ou d’IC et capables d’une activité physique, de réaliser au moins 3 à 4 séances par semaine d’intensité modérée à importante (20). Athérothrombose L’athérothrombose est à l’origine de 25 % des IC. Les lésions les plus fréquentes et les mieux étudiées sont les sténoses symptomatiques de la carotide interne extracrânienne. D’autres sites peuvent être touchés, notamment la crosse aortique, les artères vertébrales et les artères cérébrales intracrâniennes. Pour les sténoses carotides extracrâniennes, deux grandes situations cliniques doivent être envisagées : la sténose symptomatique et la sténose asymptomatique. • Sténose symptomatique de la carotide interne extracrânienne Pour les sténoses de 70 % à 99 % de la carotide interne responsables d’un AIT carotidien ou un IC homolatéral de moins de 6 mois, il est recommandé de réaliser une endartériectomie carotide en complément du traitement médical maximal (21-24). À noter, qu’il n’y a pas de bénéfice à la revascularisation lorsque la carotide est occluse. Ce geste de revascularisation doit être réalisé précocement dans les 15 jours après l’événement cérébro-vasculaire (en raison du risque de récidive précoce), par une équipe spécialisée dont le risque périopératoire et la mortalité sont inférieurs à 6 %, (HAS 2015, Accord d’Experts). Pour les sténoses symptomatiques de 50 à 69 %, le bénéfice de la revascularisation est moins net et doit prendre en considération certaines caractéristiques du patient et de l’IC. Le bénéfice paraît plus important pour les hommes, âgés de plus de 75 ans, et en cas de symptômes hémisphériques (par exemple, aphasie, hémiplégie par opposition aux symptômes rétiniens). Il faut souligner ici que le bénéfice est le plus important chez les plus âgés, il n’y a donc pas de raison pour exclure ces patients de la chirurgie bien au contraire, car il s’agit de la population à plus haut risque de récidive. Pour les sténoses carotides inférieures à 50 %, il n’a pas de place pour la revascularisation. L’alternative à l’endartériectomie est le traitement endovasculaire par stenting, évalué par de nombreux essais thérapeutiques (25). Ces études ont montré que le risque périprocédural d’IC et de mortalité est augmenté dans le groupe stenting (8,2 vs 5,0 ; OR : 1,72 ; IC95% : 1,29- 2,31), et dans le sous-groupe des patients de plus de 70 ans (OR : 2,20 ; IC95% : 1,47-2,39). Toutefois, pour les patients de moins de 70 ans, il existe une équivalence entre les deux techniques. En pratique, le stenting carotide est envisageable pour les patients de moins de 70 ans, mais en France, il est le plus souvent proposé en deuxième intention, dans les situations suivantes : accès chirurgical complexe, sténose carotide postradique, sténose carotide postendartériectomie, ou toute autre situation rendant le geste chirurgical complexe et risqué. • Sténose carotide asymptomatique La problématique est ici différente du fait de l’absence de symptomatologie ischémique carotide constituée ou transitoire. Les études évaluant la chirurgie au traitement médical seul ont montré dans les années 1990, que la revascularisation pouvait être bénéfique après 5 ans de suivi pour les sténoses > 60 % avec un taux d’événements cérébro-vasculaires de 2 %/an. Mais les données plus récentes suggèrent un risque plus faible, des sténoses carotides asymptomatiques, évalué désormais de 0,5 à 1 % par an (26,27), ce qui alimente de nombreux débats sur la prise en charge de ces patients. La revascularisation est le plus souvent réservée aux sténoses carotides à haut risque d’IC (sévérité et progression de la sténose, emboles asymptomatiques, infarctus carotidiens silencieux, morphologie de la plaque carotide, etc.) avec un risque périopératoire (IC, infarctus du myocarde et de mortalité) qui doit être faible et inférieur à 3 % (28). Pour les patients à haut risque opératoire, il n’y a pas de preuve de supériorité de la revascularisation carotide par rapport au traitement médical maximal. Le risque d’événement cérébrovasculaire diminuant avec l’amélioration de la prise en charge des facteurs de risque vasculaire, l’enjeu est désormais d’évaluer la revascularisation chez les patients à plus haut
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