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Coronaires

Publié le  Lecture 9 mins

Le strain myocardique

Léopold OLIVER, Raphaëlle HUGUET, Pascal LIM, Cardiology Intensive Care, Université Henri Mondor, Créteil

Depuis son introduction dans les années 1970, la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) s’est imposée comme l’étalon d’or pour évaluer la fonction systolique du ventricule gauche. Cependant, malgré son intérêt clinique, la FEVG présente deux limites : une grande variabilité de mesure (10 % dans la littérature mais elle varie en pratique selon l’expérience de l’opérateur) et un manque de sensibilité pour le diagnostic des altérations précoces de la contractilité myocardique. Nous verrons dans cet article que ces limites peuvent êtres levées grâce au strain longitudinal mesuré par la méthode du speckle tracking (ou 2D strain).

Rappelons que l’échographie cardiaque a permis de simplifier son utilisation et de valider son intérêt clinique dans la stratégie diagnostique et thérapeutique des cardiopathies valvulaires, ischémiques et non ischémiques. La FEVG est décisionnelle dans l’indication d’implanter un défibrillateur (FEVG 35 %), d’effectuer un remplacement valvulaire en cas de valvulopathie aortique (FEVG 50 %) ou mitrale (FEVG 60 %) asymptomatique et d’introduire ou arrêter certains traitements. Qu’est-ce que le strain ? Le strain exprime le pourcentage de déformation des fibres myocardiques. La FEVG résulte de la combinaison de trois principaux mouvements de déformation (figure 1A). Le strain s’exprime en pourcentage de variation de distance systolo-diastolique et chaque composante du strain doit être vue de façon simplifiée comme des composantes vectorielles de la FEVG (figure 1B). Il en résulte donc que le strain varie, comme la FEVG, avec les conditions des charges et la fréquence cardiaque. Figure 1. Le strain longitudinal (εL) est un mouvement de raccourcissement dans le sens apex-base. Ce mouvement est primordial à l’efficience de la pompe cardiaque et est assuré par les fibres de l’endocarde. Le strain circonférentiel (εc) est un mouvement de compression des fibres myocardiques qui assure avec la fonction longitudinale la torsion des fibres myocardiques. Le strain radial (εR) est assuré par les fibres de l’épicarde dont l’orientation devient radiale en systole (longitudinale en diastole). Comment et quelle composante du strain mesurer ? Deux principaux outils ont été proposés pour mesurer la déformation myocardique. La première repose sur le Doppler tissulaire, peu utilisé en pratique clinique car le rapport signal sur bruit est fortement altéré en cas de dysfonction VG sévère (sphéricité du VG et réduction du signal du myocarde/bruit). Le second est le speckle tracking ou le 2D strain. Cette méthode repose sur la détection et la poursuite des textures ultrasonores spécifiques du myocarde. Elle ne souffre pas des limites du Doppler mais son utilisation doit être actuellement restreinte au strain longitudinal dont la reproductibilité et la courbe d’apprentissage sont compatibles avec une utilisation clinique. Acquérir et traiter les images Acquisition des images L’analyse du strain par la méthode du speckle tracking exige une visualisation adéquate de l’endocarde et un tracé ECG de qualité pour identifier la télédiastole. Trois règles d’acquisition doivent être respectées (figures 2 et 3). Figure 2. Règle N°1 : le strain longitudinal global et segmentaire (image en oeil-de-boeuf) est obtenu à partir des trois vues apicales (4C, 2C, 3C) et nécessite une ouverture de la fenêtre acoustique englobant l’endocarde et l’épicarde. Les vues tronquées peuvent surestimer les valeurs de strain. Règle N°2 : la cadence image doit être suffisante pour garantir une fiabilité du tracking (> 36 images/s chez GE. Sur cet exemple, elle est de 64 images par cycle cardiaque). Règle N°3 : un tracé ECG parfait pour identifier la télédiastole (au pied du QRS). En cas de stimulateur cardiaque, il est recommandé d’enregistrer trois cycles cardiaques et d’ajuster le choix automatique de la télédiastole. Figure 3. Un choix incorrect de la télédiastole entraîne une réduction systématique de toutes les courbes de strain avec un étirement protosystolique typique (flèche). Dans cet exemple, la figure du haut montre un choix précoce de la télédiastole sur l’onde P et une réduction systématique de toutes les valeurs de strain avec un étirement protosystolique). En cas de fibrillation atriale ou d’extrasystole ventriculaire, plusieurs cycles cardiaques doivent être enregistrés. Les variations importantes de fréquence et les alternances de cycle court et cycle long peuvent apporter des informations précieuses sur la réserve contractile. Règles de placement de la région d’intérêt (ROI) La plupart des logiciels utilisent un ROI automatique ou semi-automatique qui nécessite de placer trois points, deux à la base du ventricule gauche au niveau de l’anneau mitral et un troisième à l’apex. Quelle que soit la méthode choisie, il est indispensable de vérifier la cohérence de la ROI (figure 4). Figure 4. Les limites de la ROI doivent inclure l’endocarde et l’épicarde afin que la ligne médiane de la ROI soit située au niveau de la portion médiane du myocarde. Ce positionnement est important car il existe un gradient des valeurs de strain longitudinal entre l’endocarde et l’épicarde (différence moyenne de 2-3 points). La qualité du tracking est généralement déterminée par un algorithme automatique qui vérifie la cohérence des vecteurs. En cas de tracking difficile, placez votre région d’intérêt sur une zone plus échogène et réduisez la largeur de la ROI. Il faut garder en mémoire que seul le tracking longitudinal compte et qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir un tracking radial optimal. Le choix de la télésystole est également important car il conditionne les valeurs maximales du strain systolique. Ce choix est souvent automatique (à la fin de l’onde T) mais doit être vérifié et corrigé manuellement si le tracé ECG est de mauvaise qualité (repérage de la fermeture de la valve aortique sur la vue 3C). Interprétation des résultats L’analyse du strain longitudinal fournit deux informations : – la valeur et la courbe du strain global ; – les valeurs de strains segmentaires sous forme de courbes et d’image paramétrique (œil-de-bœuf). L’interprétation du strain global doit être combinée à celle du strain segmentaire. • Le strain global est obtenu par la sommation des strains régionaux au cours du cycle cardiaque et représente la fonction longitudinale globale de l’ensemble du ventricule gauche. La valeur maximale est déterminée durant la phase systolique (avant la fermeture de la valve aortique). La valeur normale dans une population saine est en moyenne de -19 ± 1 % (-17 % à -21 %). Elle est maximale entre 15 et 20 ans (-20 % [-20 % à 25 %]) et diminue avec l’âge, la tachycardie et de la pression artérielle. La reproductibilité du strain longitudinal global est de 5 à 10 % selon le constructeur, soit une différence absolue entre deux mesures de 1 à 2 % pour un strain global normal (-20 %). • Le strain longitudinal global est mieux corrélé à la fibrose myocardique que la FEVG et son intérêt principal réside dans sa sensibilité à détecter les altérations précoces de la fonction systolique malgré une FEVG conservée. Le strain présente un intérêt tout particulier dans la stratification pronostique des valvulopathies ou cardiopathies hypertrophiques à fonction VG conservée (figure 5). Il est néanmoins important de rappeler que l’interprétation du strain, comme tout biomarqueur, doit intégrer une évaluation préalable de la probabilité bayésienne (i.e. le contexte clinique et les symptômes). Une valeur limite de strain longitudinal global (-16 %) peut être physiologique chez un sportif de haut niveau mais pathologique chez un apparenté de cardiopathie hypertrophique sarcomérique. Figure 5. Seuils de strain global proposés dans la stratification pronostique des valvulopathies ou cardiopathies à FEVG conservée. L’œil-de-bœuf représente une sténose aortique asymptomatique avec une FEVG conservée. On note la présence d’une altération de la fonction longitudinale globale. Les discordances entre le strain et la FEVG concernent principalement les cardiopathies hypertrophiques ou les cardiopathies débutantes. Dans les cardiopathies dilatées ischémiques ou non ischémiques, le strain longitudinal global est en général bien corrélé à la FEVG (FEVG = SG x -2.7 + 10, figure 6). Cette corrélation est particulièrement utile en pratique car elle donne une estimation reproductive de la FEVG mesurée en Simpson biplan. Globalement, un strain longitudinal à -15% est considéré comme pathologique et correspond à une FEVG = 50 %. Une modification de 2 points de strain correspond à une variation de FEVG de 5 points. L’avantage du strain longitudinal dans cette approche de substitution à la FEVG réside dans la reproductibilité de mesure pour des échographistes peu expérimentés. Figure 6. Corrélation entre strain global et fraction d’éjection ventriculaire gauche. Attention, les équivalences en FEVG donnent une idée de la sévérité de l’altération de la fonction longitudinale sans pour autant se substituer à la FEVG en Simpson biplan. L’œil-de-bœuf indique les valeurs normales de strains régionaux. • Le strain longitudinal régional : les valeurs de strains régionaux sont représentées par des courbes et les valeurs systoliques sont visualisables en imagerie paramétrique sur l’œil-de-bœuf. L’interprétation des strains régionaux est plus délicate en raison d’une plus faible reproductibilité entre observateurs et constructeurs. Un examen attentif de la forme des courbes et de la topographie des strains segmentaires permet de compenser les limites de reproductibilité. Physiologiquement, les courbes de strains régionaux ont une forme parabolique inversée et sont relativement synchrones. Cependant, il existe une hétérogénéité physiologique des valeurs entre la base et l’apex. Les strains de la base du ventricule gauche (-18 ± 4 %) sont inférieurs en valeur absolue à ceux de l’apex (-22 ± 5 %). Ces valeurs peuvent être particulièrement basses pour le segment basal du septum (-14 ± 4 %) et de la paroi postérieure (figure 6). En cas d’altération de la fonction longitudinale régionale (par ischémie, nécrose ou fibrose), les courbes présentent typiquement un retard de contraction avec un pic systolique retardé durant la systole (figure 7). Figure 7. Retard de contraction témoignant d’une altération locale de la fonction longitudinale systématisée en apicale en rapport avec une sténose serrée de l’IVA. Ce phénomène est particulièrement sensible et peut ne pas être détecté visuellement. Ces anomalies sont en général systématisées à un territoire coronaire pour une origine ischémique, dans les segments hypertrophiés

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