Retour sur les 38es Journées d’hypertension artérielle
Hélène LELONG, Hôtel-Dieu, Paris
Les 13 et 14 décembre derniers se sont déroulées les 38es Journées d’hypertension artérielle sous l’égide de la Société française d’hypertension (SFHTA). Lors de l’ouverture, le président Thierry Denolle (Dinard) a présenté les différentes recommandations de la Société qui ont vu le jour en 2018 et qui sont disponibles sur le site de la SFHTA (http://www.sfhta.eu/). Cette année, des recommandations sur la mesure de la pression artérielle, sur la prise en charge de la dysfonction érectile chez l’hypertendu, sur la prise en charge de la femme hypertendue en dehors de la grossesse.
Pourquoi des recommandations sur la prise en charge de la femme en dehors de la grossesse ? Parce que le traitement des femmes hypertendues doit tenir compte de leur vie génitale, de leur désir de grossesse… et nécessite donc une prise en charge coordonnée entre le médecin hypertensiologue, le gynécologue et bien entendu le médecin généraliste. Ces recommandations ont donc été établies par les représentants de ces différentes spécialités. De plus, les résultats de l’étude ESTEBAN, montrent une évolution négative du dépistage et du contrôle de l’HTA chez les femmes en France. Ces quelques extraits des nombreuses présentations des JHTA regroupent des mises au point à visée pédagogique sur l’hypertension artérielle (HTA) masquée ainsi que sur l’HTA résistante, un état des connaissances sur les relations entre la consommation de café et l’hypertension, un point sur « l’affaire du valsartan ». Par ailleurs, après la publication des recommandations américaines puis européennes, beaucoup attendaient de nouvelles recommandations sur la définition de l’HTA. Le président T. Denolle nous a assuré que le groupe de travail de la SFHTA planchait sur la question… Donc pour l’instant, la définition de l’HTA en France reste selon les recommandations de 2013 à partir d’une pression artérielle de 140/90 mmHg. Cependant la « controverse » de ces journées, exercice qui permet à 2 experts d’apporter leurs arguments (opposés) sur une question, portait justement sur les sujets et pourra apporter quelques éléments de réflexions pour les plus impatients… Dans ses recommandations de 2013, la SFHTA définit l’HTA résistante comme une HTA non contrôlée en consultation (PA ≥ 140/90 mmHg chez les sujets de moins de 80 ans, ou PAS ≥ 150 mmHg chez les sujets de plus de 80 ans) et confirmée par une mesure en dehors du cabinet, malgré une stratégie thérapeutique comprenant des règles hygiéno-diététiques adaptées et une trithérapie antihypertensive comportant : un bloqueur du SRA (IEC ou ARAII, un inhibiteur calcique, et un diurétique thiazidique (hydrochlorothiazide à 25 mg/j) ou indapamide, depuis au moins 4 semaines (1). La définition européenne est un peu différente : une HTA étant considérée comme résistante lorsque la pression artérielle (PA) ne peut être ramenée sous 140 mmHg de PAS malgré un traitement comprenant 3 ou plus de molécules (2). Les définitions de l’HTA résistante n’étant pas toutes identiques selon les pays et ayant évolué parfois dans le temps, les données concernant sa prévalence sont très variables : selon S.S. Hayek et coll. Elle varie de 5 à 30 % selon les séries mais ne concernerait que 10 % des hypertendus une fois les cas « d’HTA pseudo-résistantes » exclus (3). On considère en effet une HTA « pseudo-résistante » dans de nombreuses situations. • Lorsqu’il subsiste un effet blouse blanche et donc des chiffres de PA non contrôlés en consultation (mais contrôlés lorsque l’on fait une mesure ambulatoire). • Lorsqu’il existe une HTA non contrôlée car la technique de mesure est défectueuse (par exemple brassard non adapté) ; • En raison de la non-observance des sujets, ce dernier cas étant malheureusement très difficile à apprécier en pratique clinique ; il existe bien quelques questionnaires visant à évaluer l’observance des patients mais peu performants et ayant tendance à la sous-évaluer. Des piluliers « électroniques » existent mais leur utilisation se confine aux essais cliniques. Par ailleurs, une publication de M. Azizi et coll. rapporte une non-adhérence pour 50 % des participants à un essai visant à évaluer la dénervation rénale dans l’HTA résistante. La non-adhérence ayant été objectivée par dosage des médicaments antihypertenseurs (4). • La pratique des médecins peut également être en cause. En effet, l’analyse d’une série de patients qualifiés de résistants rapporte qu’en fait 15 % des sujets n’étaient pas suffisamment traités (dose non adéquate d’antihypertenseurs, trithérapie non mise en place, illustrant ainsi une certaine inertie thérapeutique menant à porter le diagnostic d’HTA résistante par excès (5). L’HTA résistante est associée à un moins bon pronostic cardiovasculaire avec une augmentation de l’atteinte des organes cibles et du risque cardiovasculaire. Une étude de S.L. Daugherty et coll. rapporte par exemple une augmentation de 70 % du risque d’AVC par rapport aux hypertendus non résistants (6). Certaines caractéristiques sont associées aux HTA résistantes : l’âge supérieur à 75 ans, l’obésité, les apports sodés excessifs, le déséquilibre tensionnel chronique, l’atteinte des organes cibles (HVG et insuffisance rénale chronique, le diabète, l’HTA systolique pure… et permettent de décrire « un profil de l’hypertendu résistant » (7). En pratique clinique, devant une HTA résistante malgré une trithérapie optimale, les facteurs de résistance aux traitements à rechercher sont (1) : – les facteurs comportementaux (prise de poids importante, obésité, consommation excessive d’alcool ou de sel, contexte de dépression) ; – la prise de substance interférant avec le métabolisme et/ou l’action des antihypertenseurs (antiangiogéniques, contraception, inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline…) ; – la prise d’AINS, d’antirétroviraux, d’inhibiteurs de CYP17A1 (par exemple le jus de pamplemousse) ; – la prise de substances telles que réglisse, amphétamine, cocaïne… – un syndrome obstructif d’apnée du sommeil ; – une insuffisance rénale chronique, une rigidité artérielle accrue ; – des éléments évoquant une HTA secondaire méconnue. Donc devant une HTA réellement résistante, il convient de poursuivre les investigations de préférence avec un avis spécialisé en hypertension (1). En effet, les étiologies les plus fréquentes retrouvées en cas d’HTA résistantes sont : un hyperaldostéronisme secondaire (retrouvé dans 64 à 80 % des cas), un SAOS (retrouvé dans 5,6 à 7 % des cas), une sténose de l’artère rénale (retrouvé dans 2,4 à 3 % des cas), une maladie rénale (retrouvé dans 1,6 à 2 % des cas). Il est à noter que les HTA secondaires rares dans la population générale sont beaucoup plus fréquentes en présence d’une HTA résistante (8). Le bilan étiologique devra donc comprendre (1) : – un ionogramme sanguin, créatininémie ; – une natriurèse, créatininurie et protéinurie des 24 h ; – un angioscanner abdominal avec des coupes au niveau des surrénales ± un Doppler des artères rénales ; – un dosage de la rénine et de l’aldostérone plasmatique pour calcul du rapport aldostérone/rénine ; – un dosage des métanéphrines urinaires des 24 h, du cortisol libre urinaire des 24 h, et un test de freinage minute à la dexaméthasone ; – une oxymétrie nocturne ou polygraphie de ventilation. S’il n’y a pas d’HTA secondaire, la prise en charge thérapeutique de l’HTA résistante repose en première intention sur l’ajout de spironolactone au traitement (1,9). Cependant, il est bon de savoir que tous les sujets ne répondent pas à la spironolactone, certains étant plus répondeurs que d’autres (les sujets ayant une rénine basse par exemple, y répondent mieux) (10) . Pour les patients ne répondant pas à la spironolactone, la question de la dénervation rénale peut se poser, cependant, l’efficacité de cette procédure avait été remise en question entre autres par les résultats de l’étude essai SIMPLICITY HTN 3 qui ne montrait pas de différence significative dans le groupe intervention versus le groupe contrôle ayant bénéficié d’une procédure « blanche ». Plus récemment, l’amélioration de la technique semble apporter des résultats intéressants, l’essai RADIANCE HTN SOLO, rapporte une différence significative de -8 mmHg chez les participants ayant bénéficié d’une dénervation versus ceux ayant eu une procédure blanche mais chez des hypertendus non résistants (11). Pour les hypertendus résistants, il faudra attendre les résultats de l’essai RADIANCE HTN TRIO en cours (12). Concernant les autres procédures : – la technique de stimulation des barorécepteurs est en cours d’amélioration, les dispositifs de 1 re génération ayant engendré trop d’effets indésirables, ceux de 2 e génération sont en cours d’évaluation (en France, l’essai ESTIM-rHTN visant à évaluer l’efficacité et la sécurité de la procédure est en cours, sous l’égide de la SFHTA) ; – la fistule artério-veineuse, peut-être prometteuse, en est encore au stade expérimental (13). Caféine et hypertension artérielle : bon ou mauvais ? D’après Belen PONTE, Genève/Lausanne Au cours d’un exposé très complet, B. Ponte nous a présenté la synthèse des données de la littérature sur la relation entre consommation de caféine et pression artérielle (PA), d’une part, et avec la santé, d’autre part. Consommation Actuellement, aux États-Unis, 75 % des adultes déclarent consommer du café et 50 % déclarent une consommation quotidienne ce qui représente pour l’année 2011, 4,24 kg de café par consommateur (à noter cette consommation est de 7,9 kg par consommateur en Suisse). Les différentes études de la NHANES montrent que globalement cette consommation aux États-Unis est stable dans le temps. Les plus consommateurs sont les sujets masculins caucasiens dans la tranche d’âge 50-60 ans (14). Caféine : histoire et description La consommation de caféine remonte à 800 av. J.C. La molécule de caféine a été isolée au XIX e siècle par un physicien allemand, Friedlieb Ferdinand Runge. Suivie quelques années après, en 1827, par l’isolement de la théine, puis enfin la démonstration en 1838 que la théine et la caféine était la même substance. L’interrogation sur les effets de la caféine sur la santé est ancienne. En effet, une recherche sur PubMed, permet d’identifier un article scientifique datant de 1894 qui s’intéresse à la question (15). Cependant, il est bon de noter, lorsque l’on s’intéresse aux relations café/santé, que le café contient de nombreuses autres substances telles que du magnésium, des polyphénols, des mélanoïdines… qui pourraient également avoir des effets sur la santé… De même, la caféine est
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