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Vasculaire

Publié le  Lecture 13 mins

Comment gérer en urgence un infarctus cérébral ?

Sandrine DELTOUR, service des urgences cérébro-vasculaires, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

La prise en charge des AVC s’est considérablement modifiée ces dernières années. La création d’unités dédiées « Stroke Center », les nouvelles techniques d’imagerie et thérapeutiques ont complétement modifié le pronostic des patients victimes d’AVC. La rapidité de la prise en charge dans une filière spécialisée reste le point clé du meilleur devenir du patient. Chaque minute compte. La course contre la montre s’enclenche dès les premiers signes cliniques évocateurs d’un accident vasculaire cérébral (AVC).

Reconnaître un AVC et déclencher l’alerte Un AVC s’installe le plus souvent soudainement, voire très brutalement, d’une seconde à l’autre. Il se manifeste par un déficit neurologique systématisé renvoyant à la distribution territorielle des artères intracérébrales, principalement l’artère cérébrale moyenne. Plusieurs scores de dépistage clinique existent (FAST, Rosier, CPSS, LAPSS, MASS…). Certains sont plus simples et plus rapides que d’autres d’utilisation. Un des plus utilisés est le score FAST ( Face Arm Speech Time) : il est positif si une anomalie est observée sur un des 3 items. Il prédit l’AVC avec une VPP de 72 %. Il n’existe aucun moyen clinique sûr de distinguer un AVC ischémique d’un AVC hémorragique, ce qui interdit jusque-là de réaliser une thrombolyse IV avant toute imagerie cérébrale. Dès la suspicion d’AVC, tout doit être fait dans le souci de l’économie de temps. Être « confortablement » dans la fenêtre thérapeutique de revascularisation (thrombolyse et/ou thrombectomie) ne signifie en rien qu’on peut prendre son temps. L’efficacité de la thrombolyse et la thrombectomie sont linéairement corrélé avec le délai entre le début des symptômes et la revascularisation. L’alerte doit être donnée le plus rapidement possible au SAMU, afin que le patient soit dirigé au plus vite vers une équipe spécialisée. Dès l’arrivée du patient à l’hôpital, a fortiori si le patient n’a pas fait l’objet d’un signalement préhospitalier, les procédures mises en place dans l’établissement doivent permettre d’éviter toute perte de temps. Chaque acteur de prise en charge doit bénéficier d’une formation dédiée. Les procédures (à type de check-list par exemple) doivent être définies au sein de chaque équipe en fonction des contraintes locales. La présence d’un témoin, surtout si le patient n’est pas informatif, est essentielle pour préciser le délai des symptômes, les antécédents, les médicaments consommés, les contreindications éventuelles à l’IRM (si celle-ci est souhaitée), les contre-indications éventuelles à la thrombolyse IV. Les contre-indications à la thrombolyse doivent être listées et le poids (afin le cas échéant de fixer la dose de thrombolytique). En cas de pré-signalement, il convient d’insister pour disposer de ce témoin. Examen initial du patient : clinique, biologique et imagerie Examen clinique et score NIHSS La base de l’examen neurologique d’un patient présentant un probable AVC est représenté par le score du National Institute of Health Stroke Scale (NIHSS). Il va de 0 (pas de déficit) à 42 (déficit maximal) et comprend 11 items : conscience, oculomotricité, champ visuel, motricité, sensibilité, langage et négligence. Ce score est utilisé dans les différents essais cliniques qui évaluent différentes stratégies thérapeutiques. • Le score NIHSS permet : – d’aider à la décision thérapeutique. En effet, elles sont de plus en plus basées sur le score du NIHSS, le délai des symptômes certes, mais aussi sur les données d’une neuro-imagerie élaborée, qu’il s’agisse de l’IRM avec un protocole dédié ou d’un angioscanner avec perfusion. Le mismatch radio-clinique permet de corréler le score NIHSS au volume de la lésion ischémique sur la séquence diffusion de l’IRM : plus le mismatch radio-clinique est conséquent (NIHSS élevé et hypersignal en diffusion limité), plus la pénombre ischémique est grande et donc plus il y a de chance d’améliorer l’état clinique du patient après une revascularisation (chimique et/ou mécanique) ; – de stratifier la gravité, selon la graduation suivante : 0 (pas d’AVC ou AVC incipiens), 1-4 (AVC mineur), 5-15 (AVC modéré), 15-20 (AVC sévère), 21- 42 (AVC très sévère) ; – de prédire l’occlusion d’une artère proximale : elle est très probable (> 80 %) quand le score NIHSS > 10. Sur la base des items du NIHSS, de nouveaux scores de prédiction d’une occlusion proximale dès la phase de régulation médicale ont été récemment publiés ; – de suivre l’évolution neurologique : une évolution de 4 points de NIHSS ou plus entre deux mesures est considérée comme significative. On parlera d’amélioration si le score perd 4 points ou d’aggravation s’il en prend 4 ; – de prédire le pronostic neurologique : pour un score initial allant de 0 à 5, 80 % des patients seront autonomes à 3 mois (cela se traduit par un score de Rankin entre 0 et 2). Pour un score entre 6-10 seulement 45 % des patients seront autonomes à 3 mois contre 20 % si le score NIHSS initial est entre 11 et 15. • Le reste de l’examen Bien qu’en général pas indispensable pour la décision thérapeutique, le reste de l’examen peut permettre d’identifier sans délai l’étiologie d’un AVC ischémique. Les 2 gestes principaux sont très simples : l’auscultation cardiaque pour la détection d’une fibrillation atriale, à confirmer par ECG, et qui représente de loin la principale cardiopathie emboligène. Et l’auscultation cervicale à la recherche d’une « souffle » carotidien, non spécifique mais très évocateur d’une sténose carotidienne interne. Chez le sujet jeune, la principale cause connue d’AVC ischémique est la dissection carotidienne. On l’évoquera facilement sur les 2 arguments suivants : hémicrânie, douleur cervicale, ayant typiquement un peu précédé les symptômes neurologiques, en association avec un signe de Claude-Bernard-Hormer controlatéral au déficit, associant un ptosis et un myosis. Biologie En parallèle à l’examen clinique, le bilan sanguin devra être réalisé et remis en mains propres au technicien du laboratoire de biologie, pour plaquettes, TP, TCA. Sera rajouté au bilan l’INR pour le patient sous AVK et l’anti-Xa ou un dosage spécifique (si disponible) si le patient est sous AOD. Imagerie cérébrale : scanner ou IRM L’IRM cérébrale est l’examen de choix en phase aiguë d’une suspicion d’AVC. Il comporte 4 séquences principales : une séquence FLAIR, une séquence de diffusion, une angio- IRM et un T2*. L’accident vasculaire ischémique aigu se traduit par un hypersignal (dès les premières minutes de l’infarctus cérébral) sur la séquence de diffusion, associé à une baisse du cœfficient de diffusion. Le FLAIR est normal dans les 3 ou 4 premières heures. L’angio-IRM intracrânienne permet de déterminer le niveau de l’occlusion vasculaire (proximale ou distale). La séquence T2* est utilisée pour rechercher des lésions parenchymateuses microhémorragiques mais également visualiser parfois le thrombus dans le vaisseau occlus. L’IRM de perfusion, lorsqu’elle est réalisée, permettra de préciser l’étendue du territoire hypoperfusé et d’établir un mismatch radiologique (différence entre l’hypersignal et l’étendue de l’hypoperfusion) reflet de la pénombre ischémique. Si l’IRM n’est pas disponible, un scanner avec angioscanner intracrânien sera réalisé. Le scanner cérébral est généralement normal dans les 6 à 12 premières heures d’un infarctus cérébral. L’angioscanner précisera le niveau d’occlusion vasculaire. Un scanner de perfusion pourra préciser l’étendue de l’hypoperfusion. Il faut noter que si l’angioscanner et le scanner de perfusion permettent de mettre en évidence un territoire hypoperfusé, ils ne permettent pas, à la différence de l’IRM, d’affirmer avec certitude à la phase aiguë le diagnostic d’AIC ni de préciser son étendue. En effet, une occlusion vasculaire peut être ancienne, avec une reprise en charge du territoire par des anastomoses, conduisant à un territoire d’aval dont la vascularisation est diminuée mais qui n’est pas pour autant en souffrance ischémique grâce à l’adaptation de la vasoréactivité et de l’extraction d’oxygène. Revascularisation en urgence Le traitement de revascularisation repose sur une thrombolyse intraveineuse par alteplase dans les 4h30 du début des symptômes, associée, s’il existe une occlusion proximale à une thrombectomie dans les 6 heures, voire jusqu’à 24 heures du début des symptômes chez des patients sélectionnés. La thrombolyse intraveineuse (IV) dans les 4h30 du début des symptômes La thrombolyse IV par alteplase (rt-PA) a été jusqu’en 2015 le seul traitement spécifique de prise en charge aiguë dans les infarctus cérébraux (IC). Son administration est constituée par un bolus (10 % de la dose) suivi d’une perfusion continue d’une heure. Son efficacité initialement prouvée dans les premières 3 heures de l’IC (étude NINDS) a été également validée dès 2008 jusqu’à 4h30 (étude ECASS III) après le début des symptômes. L’analyse combinée de ces 2 études et d’autres études ayant évalué des délais plus larges a confirmé l’efficacité du rt-PA IV. En France, le traitement a obtenu l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2002 pour la fenêtre 0-3 heures après le début des symptômes et en 2012 pour la fenêtre 3-4,5 heures. Le critère principal de ces études est basé sur le score de Rankin modifié à 90 jours (mini-Rankin score ou mRS) qui évalue la dépendance du patient. Il va de 0 à 6. Aucun symptôme : score à 0. Pas d’incapacité en dehors des symptômes : activités et autonomie conservées : score à 1. Handicap faible : incapable d’assurer les activités habituelles mais autonomie : score à 2. Handicap modéré : besoin d’aide (non autonome) mais marche possible sans assistance : score à 3. Handicap modérément sévère : marche et gestes quotidiens impossibles sans aide : score à 4. Handicap majeur : alitement permanent, incontinence et soins de nursing permanent : score à 5. Décès : score à 6. La synthèse de toutes ces études montre très clairement que le bénéfice du traitement diminue drastiquement avec l’intervalle de temps qui sépare la prise en charge du début des symptômes. En d’autres termes, même si les résultats de l’étude ECASS III ont permis d’élargir la fenêtre thérapeutique, l’objectif doit rester de traiter le plus rapidement possible une fois le diagnostic établi. Ainsi, une thrombolyse réalisée dans les 90 minutes permet de diminuer de 50 % le handicap fonctionnel à 3 mois. Il est à noter également qu’il existe toujours un bénéfice pour les patients thrombolysés de plus de 80 ans. Les limites de la

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