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Des « PARIS » gagnants chez le patient coronarien
Thibaut POMMIER, Estelle RATHEAU, Hugo DEBEAUMARCHÉ, J. GRUTTEMEIER, Victor MIONE, Mariane ZELLER, Yves COTTIN, CHU de Dijon

Certains pouvaient croire que tout était écrit dans la pathologie coronaire, mais une nouvelle fois, l’ESC a été à la hauteur de nos attentes avec une avalanche d’études majeures sur la prise en charge du syndrome coronaire aigu (SCA), mais aussi du syndrome coronaire stable, une nouvelle entité dévoilée à l’occasion de ce congrès.
Une revascularisation complète post-infarctus : oui, mais quand ? Au décours d’un SCA avec sus-décalage persistant du segment ST (STEMI), le traitement de la lésion coupable est clairement établi. Cependant, la prise en charge des autres lésions reste débattue. Parmi les 4 études majeures ayant évalué cette stratégie (PRAMI, Culprit, DANAMI3-PRIMULTI, et COMPARE-ACUTE), seule l’étude PRAMI a démontré un bénéfice sur le critère combiné « décès cardiovasculaire et infarctus du myocarde ». De plus, même si plusieurs métaanalyses mettent en évidence un bénéfice d’une revascularisation complète, le moment de cette dernière reste incertain. Faut-il revasculariser en phase aiguë durant la même hospitalisation (hospitalisation index) ou au cours d’une seconde hospitalisation (revascularisation différée) ? Enfin, l’utilisation de techniques comme la FFR pour guider la revascularisation fait elle aussi débat. COMPLETE L’étude COMPLETE présentée à l’ESC et publiée dans le New England Journal of Medicine a inclus 4 041 patients présentant un STEMI ayant bénéficié d’une angioplastie réussie de la lésion coupable et présentant au moins une lésion « non coupable » significative (atteinte multitronculaire). Comme toujours, les critères d’inclusion ou d’exclusion doivent être analysés avec attention. Ainsi, la définition de la lésion « non coupable » significative est en accord avec les standards : une artère de plus de 2,5 mm avec une sténose ≥ 70 % angiographiquement ou bien une FFR ≤ 0,80, si la lésion est angiographiquement ≥ 50 et ≤ 69 %. Les patients avec antécédent de pontage étaient exclus, tout comme ceux pour qui le cardiologue avait dans tous les cas prévus une angioplastie ou un pontage. Même si nous ne disposons pas du nombre de patients exclus, il est probable qu’il s’agissait des patients avec les lésions les plus sévères. Une autre force de ce travail, c’est une randomisation dans les 72 heures après l’angioplastie avec une stratification en deux groupes : revascularisation complète durant la même hospitalisation ou au cours d’une seconde hospitalisation (dans les 45 jours). Le premier critère de jugement principal était un critère composite regroupant « décès cardiovasculaire ou infarctus du myocarde », tandis que le second critère principal regroupait « décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou revascularisation en raison d’une ischémie ». Après un suivi médian de 3 ans, concernant le premier critère de jugement principal, les résultats sont en faveur d’une revascularisation complète par rapport au traitement médical, respectivement 7,8 % versus 10,5 % (HR : IC95 % : 0,74 : 0,60-0,91, p = 0,004) (figure 1). Figure 1. Étude COMPLETE. Critère principal : mortalité cardiovasculaire ou nouvel infarctus du myocarde. Il faut souligner que le nombre de patients à traiter (NNT) pendant 3 ans pour obtenir ce bénéfice est de 37 patients. Par ailleurs, il n’existe aucune différence significative concernant le moment de la revascularisation complète (hospitalisation index ou revascularisation différée), correspondant respectivement à un jour et 23 jours après la randomisation. Ce travail suggère donc qu’en dehors des lésions menaçantes (traitées à la phase aiguë et exclues dans COMPLETE), la revascularisation différée au cours d’une seconde hospitalisation est une stratégie valide. D’autres points importants de l’étude COMPLETE devront être analysés avec attention. En particulier, on note que le score SYNTAX dans les deux groupes était comparable et élevé avant l’angioplastie index, et comparable et faible après l’angioplastie index, 16 et 7 respectivement. L’analyse en fonction du score SYNTAX résiduel sera donc déterminante, en particulier chez les patients du bras « traitement médical seul ». Enfin, COMPLETE montre que des événements cardiovasculaires majeurs sont survenus tout au long du suivi, ce qui confirme la pertinence d’un suivi des patients coronariens par la réalisation de tests d’ischémie, même si nous ne connaissons toujours pas à ce jour le timing idéal pour leurs réalisations. Syndrome coronaire stable en fibrillation atriale : antiagrégants un an après une angioplastie ? Chez les patients coronariens en fibrillation atriale ayant bénéficié d’une angioplastie, les recommandations de l’ESC préconisent après 12 mois une monothérapie avec un anticoagulant oral. Toutefois, cette approche n’a pas encore été confirmée par des essais cliniques contrôlés randomisés. Néanmoins, il faut souligner qu’une étude randomisée en ouvert chez des patients en FA ayant bénéficié d’une angioplastie (publiée dans Circulation en 2019) n’avait mis en évidence aucune différence en termes d’efficacité et de sécurité entre un traitement par AVK seul en comparaison à un traitement par AVK + aspirine audelà de la première année. De plus, un nombre important de patients dans cette situation continuent de recevoir un traitement d’association, confirmant un écart important entre les recommandations et la pratique clinique. Dans ce contexte, l’étude AFIRE ( Atrial fibrillation and ischemic events with rivaroxaban in patients with stable coronary artery disease) est le premier travail ayant comparé l’impact d’une monothérapie par AOD à une bithérapie AOD + antiagrégant plaquettaire au cours d’un suivi à 2 ans. Le critère de jugement d’efficacité était composite et comprenait « décès toutes causes, AVC, embolie systémique, infarctus du myocarde ou angor instable nécessitant une revascularisation ». Le critère principal de sécurité était défini par un saignement majeur selon classification ISTH. Cet essai montre une non-infériorité pour le critère d’efficacité et une supériorité pour le critère de sécurité en faveur de la monothérapie avec un AOD par rapport à la bithérapie AOD + antiagrégant plaquettaire. Respectivement 4,74 % versus 5,75 % (HR : IC95 % : 0,72 : 0,55-0,95, p 0,001) (figure 2) et 1,62 % versus 2,76 % (HR : IC95 % : 0,59 : 0,39-0,89, p = 0,01) (figure 3). Les résultats sont en faveur de la monothérapie dans tous les sous-groupes. Cette étude, bien que conduite au Japon où les posologies recommandées des AOD sont plus faibles qu’en France, plaide pour l’arrêt de l’antiagrégant au-delà de la première année au profit d’une anticoagulation seule chez le patient coronarien en FA, sauf indication spécifique. Figure 2. Étude AFIRE. Critère principal d’efficacité : non-infériorité. Figure 3. Étude AFIRE. Critère primaire de sécurité : supériorité. Le top de l’ESC 2019 La dapagliflozine est un inhibiteur sélectif, compétitif et réversible du co-transporteur du glucose et Na+ (SGLT2), qui assure la réabsorption du glucose et est situé dans le tubule contourné proximal. La dapagliflozine entraîne donc une augmentation dose-dépendante de l’excrétion urinaire du glucose, une réduction de la pression artérielle et du poids, et possède un effet diurétique. Cette molécule aurait également un impact sur le métabolisme myocardique. Bien que l’on observe chez les patients avec un diabète de type 2 une légère augmentation de la créatinine en début du traitement, la prise au long cours de ces inhibiteurs du SGLT2 montre aussi des effets rénoprotecteurs. Les études chez les patients diabétiques présentant une insuffisance cardiaque avec altération de la FEVG ont démontré une réduction de 27 à 33 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. L’étude DAPA-HF « Dapagliflozin and prevention of adverse-outcomes in heart failure » (DAPA-HF) est sans aucun doute l’étude la plus surprenante présentée durant ce congrès. Le rationnel était simple et reposait sur l’hypothèse d’un effet bénéfique des inhibiteurs du SGLT2 étendu à tous les patients présentant une insuffisance cardiaque, avec ou sans dysglycémie. La stratégie pharmacoinvasive : DANAMI-2 et FAST-MI dans la prise en charge précoce du STEMI DANAMI-2 Cette étude publiée dans le New England Journal of Medicine en 2003, est l’une des rares études randomisées ayant comparé l’angioplastie primaire à la thrombolyse et avait démontré la supériorité de l’angioplastie primaire pour limiter la survenue des décès toutes causes et des récidives d’infarctus du myocarde à 30 jours. Les résultats très attendus du suivi à 16 ans de cette étude ont confirmé les bénéfices de l’angioplastie primaire par rapport à la fibrinolyse (figure 4). Par contre, après 16 ans de suivi, il n’existe aucune différence significative entre les deux groupes concernant les décès toutes causes. Ce résultat décevant doit être analysé dans le contexte des standards de pratique de l’époque (longs délais de prise en charge, pas d’angioplastie de sauvetage réalisée après thrombolyse, exclusion de certains patients diabétiques à haut risque). Figure 4. Étude DANAMI-2 : mortalité totale. Les résultats de DANAMI-2 sur le suivi à très long terme doivent donc être remis en perspective avec l’implémentation de la stratégie pharmaco-invasive actuelle (thrombolyse associée à une angioplastie différée selon le succès de la fibrinolyse). FAST-MI Les données des registres et des études de cohorte, comme ce registre français, qui sont toujours particulièrement attendues, ont permis d’apporter de nouvelles informations sur l’évaluation de nos pratiques, le niveau d’application des recommandations, et l’utilisation des nouvelles modalités de prise en charge comme la stratégie pharmaco-invasive. Ainsi, les recommandations de l’ESC en 2017 préconisaient la réalisation d’une angioplastie primaire comme stratégie de référence pour les patients avec un SCA de type STEMI, à condition qu’elle soit réalisée dans les délais recommandés, ou bien la mise en place d’une stratégie pharmaco-invasive, en l’absence de contre-indications, si le délai entre l’ECG qualifiant et l’angioplastie est ≥ 120 minutes. À partir de la base de données de FAST-MI, Nicolas Danchin a évalué l’impact de ces recommandations en analysant les données de 2 942 patients ayant présenté un STEMI. Les modalités de prise en charge étaient réparties entre une stratégie pharmaco
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