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Coronaires

Publié le  Lecture 24 mins

Parcours de trois domaines de réflexion et de pratique quotidienne

François DIÉVART, ELSAN, Clinique Villette, Dunkerque

Congrès très riche et instructif que celui de l’American Heart Association qui s’est tenu du 16 au 18 novembre 2019 à Philadelphie. Trois domaines y ont retenu notre attention avec des résultats majeurs mais qui ont tous leurs limites : la maladie coronaire et la revascularisation coronaire, avec les études ISCHEMIA et COMPLETE OCT, les valvulopathies, avec les études RECOVERY et GALILEO et la prévention secondaire, avec les études COLCOT et TST. Quelles réponses ces études apportent-elles pour la pratique ? Quelles questions suscitentelles ? Parcourons-les pour les entrevoir.

ISCHEMIA : coro ou pas coro quand ischémie myocardique ? L’étude ISCHEMIA ( International Study of Comparative Health Effectiveness With Medical and Invasive Approaches) devait être une étude majeure par son enjeu. D’ailleurs, la présentation de ses résultats a fait l’objet d’une session spéciale de l’AHA. Cependant, ses résultats ou plutôt les interprétations qu’ils permettent et qui sont proposées pourraient ne pas conduire à modifier les pratiques, et ce, alors que son résultat principal y incite. Quel enjeu ? L’étude ISCHEMIA avait comme objectif d’évaluer si, chez des patients ayant une maladie coronaire stable avec une ischémie myocardique documentée, une stratégie de revascularisation coronaire précoce, par rapport à une stratégie exclusivement médicale initiale, pourrait réduire le risque d’événements cardiovasculaires (CV) majeurs. Pourquoi ISCHEMIA ? Préalablement à cette étude, les essais thérapeutiques comparant diversement trois stratégies de prise en charge de la maladie coronaire (traitement médical, revascularisation par angioplastie et revascularisation par pontages), ont été conduits chez des patients ayant eu une coronarographie. Ces essais, notamment l’étude COURAGE, ont globalement montré que la revascularisation coronaire, notamment par angioplastie, ne réduisait pas les risques de décès CV ou d’infarctus du myocarde (IDM) mais qu’elle pourrait toutefois avoir un effet clinique favorable en cas d’ischémie myocardique documentée et supérieure à 10 % du territoire myocardique. Ce résultat est issu d’une sousétude de l’étude COURAGE, tous les patients inclus dans cet essai n’ayant pas d’ischémie myocardique. Si le même essai a montré que la revascularisation coronaire améliorait les symptômes, un essai plus récent, l’étude ORBITA, conduit avec une procédure d’angioplastie simulée contre une angioplastie coronaire effective, a indiqué que l’amélioration symptomatique pourrait être un effet placebo. La question centrale évaluée par l’étude ISCHEMIA était donc de déterminer l’attitude à avoir en amont d’une coronarographie, face à un patient stable ayant une ischémie myocardique documentée : coronarographie ou pas ? Son principe a donc été de randomiser des patients ayant une ischémie myocardique démontrée, par épreuve d’effort ou échocardiographie de stress ou scintigraphie ou IRM de stress, modérée à sévère, en deux groupes, l’un devant avoir une coronarographie dans l’objectif d’effectuer une revascularisation coronaire si possible, l’autre, suivi sous traitement médical seul, n’ayant une coronarographie qu’en cas d’aggravation clinique. Un protocole original Une particularité essentielle du protocole de l’étude ISCHEMIA était que tous les patients sélectionnés devaient avoir un coroscanner et que son résultat n’était pas communiqué au médecin investigateur. Si, à ce coroscanner, il y avait une lésion du tronc commun coronaire gauche, le patient était orienté vers la revascularisation coronaire et non inclus dans l’essai. Et, s’il n’y avait pas de lésion coronaire, de même, le patient n’était pas inclus dans l’étude. Ainsi, le médecin investigateur savait tout à la fois qu’il avait en face de lui un patient, éventuellement symptomatique, ayant une ischémie myocardique documentée et ayant des lésions coronaires sans lésion du tronc commun coronaire gauche. Le médecin investigateur était donc comme tout cardiologue praticien dans sa pratique mais avec comme différence principale de savoir qu’il lui était inutile de faire (ou faire faire) une coronarographie « systématique » pour vérifier s’il y a une lésion du tronc commun, ou s’il y a des lésions coronaires ou non. La stratégie évaluée était donc celle de la revascularisation par rapport à l’absence de revascularisation coronaire précoce en cas d’ischémie documentée et de lésions coronaires avérées. Pour être inclus dans l’étude, les patients ne devaient pas avoir de syndrome coronarien aigu, devaient avoir une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) > 35 % et un débit de filtration glomérulaire (DFG) ≥ 60 ml/min. Le critère primaire comprenait les décès CV, les IDM non fatals, les arrêts cardiaques ressuscités ou les hospitalisations pour angor instable ou insuffisance cardiaque. L’essai a été conduit en ouvert. L’hypothèse évaluée était que la revascularisation devait pouvoir réduire de 18,5 % le risque des événements du critère primaire à 4 ans. Paramètres multiples à étudier mais conclusion binaire potentielle On comprend que cette étude offre de multiples possibilités d’analyses complémentaires, tels divers modes d’analyse des méthodes de documentation de l’ischémie, de la valeur du coroscanner, du devenir des patients ayant une ischémie sans lésion coronaire (le suivi spécifique de ces patients est d’ailleurs programmé)… ISCHEMIA continuera donc d’alimenter les congrès et les publications dans les années à venir. Surtout, on comprend que dès qu’une ischémie myocardique est documentée chez un patient stable, si le résultat de l’étude est positif, il validera l’attitude de revascularisation précoce, alors que si la revascularisation est neutre ou délétère, l’étude validera le recours au coroscanner comme examen de première intention dans cette situation clinique afin d’adapter la stratégie de prise en charge : revascularisation si tronc commun, traitement médical si lésions coronaires, et prise en charge différente (mais non encore validée) en cas d’absence de lésion coronaire. Résultats Le nombre de patients inclus a été inférieur à celui prévu : 5 179 patients, âgés en moyenne de 64 ans dont 29 % avaient un angor apparu ou aggravé lors des 3 derniers mois. Dans le groupe intervention, une coronarographie a été effectuée chez 95 % des patients et une revascularisation coronaire chez 76 %. Les revascularisations ont été faites par angioplastie dans 74 % des cas et par pontage dans 26 % des cas. Dans le groupe contrôle, lors du suivi, 28 % des patients ont eu une coronarographie et 23 % une revascularisation coronaire. Le suivi moyen a été de 4 ans à l’issue desquels les taux d’événements du critère primaire ont été de 15,5 % dans le groupe contrôle et de 13,3 % dans le groupe intervention, sans différence significative entre les groupes (HR = 0,93 ; IC95% : 0,80-1,10 ; p = 0,34). Concernant les autres critères évalués, il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes concernant la mortalité CV (HR = 0,87 ; IC95 % : 0,66- 1,15), la mortalité totale (HR = 1,05 ; IC95% : 0,83-1,32), les IDM (HR = 0,92 ; IC95% : 0,76- 1,11) et les AVC (HR = 1,22 ; IC95% : 0,79-1,88). Dans le groupe intervention, par rapport au groupe contrôle, il y a eu une amélioration modeste mais significative de la qualité de vie et moins d’angor chez les patients initialement symptomatiques. Concernant les analyses en sous-groupes préspécifiés (figure 1), il n’y a pas eu d’hétérogénéité de résultats, en d’autres termes aucun sous-groupe n’a eu un résultat paraissant différent du résultat global concernant le critère primaire : diabète ou non, apparition ou aggravation récente d’un angor ou pas, lésions mono- ou bi- ou tritronculaires, atteinte de l’IVA proximale ou pas, et ischémie sévère ou modérée. Figure 1. Étude ISCHEMIA : principales analyses en sous-groupes concernant le critère primaire. Concernant les analyses complémentaires (figure 2), le taux des événements du critère primaire a été plus élevé lors des deux premières années de suivi dans le groupe intervention (différence absolue entre les groupes : 1,9 %) et plus faible entre la deuxième et la quatrième année (différence absolue : 2,2 %), les courbes d’événements se croisant après 2 ans de suivi moyen. Figure 2. Résultat de l’étude ISCHEMIA sur le critère principal. Les courbes d’événements se croisent à 2 ans. Quelles conclusions ? Dans l’absolu, le résultat de l’étude est que, chez des patients ayant une maladie coronaire stable, une ischémie myocardique documentée, une fonction cardiaque non altérée et pas d’insuffisance rénale, une stratégie de revascularisation coronaire précoce n’est pas supérieure à une stratégie de prise en charge pharmacologique initialement exclusive, ne réservant la revascularisation qu’en cas d’aggravation clinique. Cette étude pourrait donc modifier les pratiques et conduire à envisager le coroscanner comme examen de première intention dans la situation clinique évaluée. Cependant, ce résultat a été nuancé par deux éléments principaux qui vont très probablement concourir à ne pas modifier les pratiques de façon significative pour un grand nombre de cardiologues. Ainsi, certains commentateurs ont mis en avant l’avantage de la revascularisation en matière d’amélioration de la qualité de vie et des symptômes, le cas échéant. Ces éléments sont à considérer avec prudence car l’effet est modeste et l’étude étant conduite en ouvert, un effet placebo ne peut être exclu dans le groupe intervention. Surtout, l’élément le plus troublant du résultat observé est qu’il y a plus d’événements du critère primaire dans les deux premières années suivant la revascularisation et moins ensuite. On peut alors penser qu’il y a un effet adverse des méthodes employées (complications spécifiques des procédures mais aussi potentiellement des traitements utilisés dans les suites, comme la double antiagrégation plaquettaire par exemple) puis qu’ensuite la revascularisation aurait un effet bénéfique qui peut pleinement apparaître. Ainsi, pour certains commentateurs, le résultat actuel de l’étude ISCHEMIA ne serait que transitoire et justifie qu’un suivi plus prolongé, qui est d’ailleurs en cours, soit disponible pour mieux évaluer la valeur respective des deux stratégies comparées. Il est très probable que ce soit cet argument qui contribuera à ne pas modifier la pratique des cardiologues partisans de la stratégie invasive précoce dans la situation clinique évaluée par cet essai. ISCHEMIA-CKD : coro ou pas coro quand insuffisance rénale évoluée ? L’étude ISCHEMIA-CKD ( International Study

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