Retour sur les 39es Journées d’hypertension artérielle
Hélène LELONG, Hôtel-Dieu, AP-HP, Paris
Les 19 et 20 décembre 2019 se sont déroulées les 39es Journées d’hypertension artérielle sous l’égide de la Société française d’hypertension (SFHTA). Pour ces journées, plusieurs parcours thématiques étaient proposés, notamment un parcours orienté pharmacologie, un parcours AC/FA et HTA, plusieurs sessions sur la médecine connectée, et un parcours « sport et HTA » qui a rencontré un franc succès répondant à une demande de plus en plus importante avec ces dernières années l’apparition de la prescription de l’activité physique.
Ce résumé reprend quelques éléments du parcours « pharmacologie » et « sport et HTA », ainsi que des données épidémiologiques dont les conclusions ne sont malheureusement pas en faveur d’une amélioration de la prise en charge de l’hypertension en France.
Pharmacologie Chronothérapie dans l’hypertension D’après J.-M. Krzesinski (Liège), absent, remplacé par J.-P. Fauvel, actuel président de la SFHTA Pourquoi se pose la question d’une utilité potentielle de de la chronothérapie dans l’hypertension artérielle ? Physiologiquement, le niveau de pression artérielle (PA) varie au cours du nycthémère avec notamment une baisse du niveau de PA la nuit et une augmentation « brutale » au réveil le matin. Plusieurs données épidémiologiques laissent penser que le risque cardiovasculaire est associé à cette variation nycthémérale et à son altération éventuelle. En effet, il a été décrit que la survenue des accidents vasculaires cérébraux (AVC) était plus fréquente le matin et celle des infarctus du myocarde (IDM) la nuit. Par ailleurs, il a été décrit par l’utilisation de mesures ambulatoires de la PA (MAPA) que la valeur de la PA nocturne avait une meilleure valeur prédictive sur la mortalité cardiovasculaire (1), et que le risque cardiovasculaire augmentait chez les sujets qui avaient une perte du rythme physiologique (sujets non- dippers en MAPA) et était encore augmenté chez ceux qui avaient une inversion du rythme (sujets reverse-dippers) par rapport aux sujets dippers considérés comme « normaux » (2). La question qui se pose est donc de savoir quel est le meilleur moment (s’il y en a un) pour prendre les traitements anti- HTA en stimulant les différents systèmes de régulation aux moments les plus opportuns pour in fine réduire le risque cardiovasculaire. La cause de l’altération du rythme nycthéméral chez certains sujets n’est pas connue, il a été décrit que la proportion de sujets reverse-dippers variait en fonction des populations : par rapport à la population générale, le pourcentage de reverse-dippers croît progressivement chez les sujets diabétiques de type 2, chez les hypertendus traités, chez les sujets ayant un syndrome d’apnée du sommeil, chez les hypertendus non traités et enfin chez les insuffisants rénaux où il est maximal. De plus, le pronostic cardiovasculaire de ces sujets étant moins bon, il a été suggéré qu’une approche « chrono-thérapeutique » des sujets reverse-dippers devrait être considérée pour améliorer leur prévention cardiovasculaire (3). En 2015, une revue de la littérature d’études prospectives rapportait que le fait de prendre au moins une molécule du traitement anti-HTA le soir vs le matin permettait de normaliser le cycle nycthéméral de la PA et était associé à une diminution du risque cardiovasculaire chez des sujets hypertendus, des diabétiques, des insuffisants rénaux et des hypertendus résistants. Cependant ces résultats étaient tempérés par les auteurs de la revue qui soulignaient que toutes les données provenaient d’études menées par une unique équipe et donc un manque de diversité des populations étudiées (4). En 2018, une étude en cross-over menée par Poulter et coll. ne retrouvait aucun effet d’une chronothérapie sur le niveau de PA évalué par MAPA, chez des sujets hypertendus « raisonnablement contrôlés », i.e. dont la PA sous traitement était ≤ 150/90 mmHg (5). Un autre essai en cross-over, mené dans une population de sujets hypertendus ayant un syndrome obstructif d’apnée du sommeil montrait une amélioration des PA nocturnes et du statut dipper/non- dipper lorsque les traitements étaient pris le soir vs le matin (6). Dans une revue récente de la littérature ayant analysé les résultats de 47 essais randomisés contrôlés sur la période 2008/2018, 35 essais rapportent un effet « positif » de la prise des traitements le soir (l’effet correspondant à l’efficacité thérapeutique), 1 essai un effet « positif » de la prise des traitements le matin et 11 essais un effet neutre du moment de prise. À noter que « les effets », les molécules, les populations diffèrent dans les 47 essais ne permettant pas la métaanalyse des résultats (7). Enfin, une étude très récente, dont les résultats ont été publiés en octobre 2019, menée par l’équipe de Hermida, rapporte une diminution de 45 % des événements cardiovasculaires lorsque la prise des traitements est faite le soir vs le matin. Cette étude aux résultats très impressionnants était multicentrique et a inclus plus de 19 000 sujets hypertendus avec une médiane de suivi de 6,3 ans. La prise des traitements le soir était associée significativement à une diminution globale des événements cardiovasculaires mais également à une diminution de chacun des événements considérés individuellement (8). Cependant, ces résultats restent à être confirmés par d’autres études menées dans d’autres populations, l’équipe de Hermida étant à l’origine de la plupart des publications sur le sujet. Ordonnance de l’hypertendu D’après J.-J. Mourad (Paris) & B. Sautenet (Tours) Cet atelier pratique avait pour objectif à travers quelques observations issues de consultations réelles, de rediscuter et d’optimiser le traitement antihypertenseur chez des patients hypertendus. Tout d’abord, en introduction, J.-J. Mourad a rappelé la notion de temporalité dans l’hypertension artérielle qui change au cours de la vie. Le suivi d’un hypertendu débute lors du diagnostic (HTA confirmée par des mesures ambulatoires) et doit théoriquement amener au contrôle tensionnel en 6 mois maximum. Pour atteindre ce « temps du contrôle », le traitement doit être débuté par une monothérapie (IEC/ARAII ou inhibiteur calcique ou diurétique, les bêtabloquants n’étant pas recommandés en 1 re intention sauf en cas de comorbidités particulières). En cas de noncontrôle, le passage à une bithérapie après 1 mois doit être systématique, puis une titration des différentes molécules en bithérapie peut être faite si on n’est pas très loin du contrôle tensionnel, sinon la trithérapie doit être instaurée rapidement. Le contrôle tensionnel obtenu va perdurer plus ou moins longtemps selon les sujets ; puis, en raison du vieillissement, il faudra parfois réadapter le traitement chez les sujets qui ne sont plus contrôlés ou bien chez les sujets qui vont passer en prévention secondaire après la survenue d’un événement cardiovasculaire. Avec le vieillissement, on voit apparaître une modification des systèmes de régulation de la PA, avec notamment une diminution de la part du système rénine-angiotensine dans la régulation, une augmentation de la rigidité artérielle et de la sensibilité au sel (d’où une meilleure efficacité des inhibiteurs calciques et des diurétiques dans les populations âgées). Il est par ailleurs rappelé que les trithérapies étaient encore trop peu nombreuses en France où le contrôle tensionnel des hypertendus est pourtant médiocre. En fait, en consultation, la décision de modifier ou de simplement renouveler le traitement se prend en moins d’une minute. Il y a donc une nécessité de rationaliser la démarche de réflexion afin de limiter la part d’irrationnel et d’inertie thérapeutique. Pour cela, 2 questions doivent être systématiques en consultation : – ai-je assez d’arguments pour modifier le traitement ? (efficacité imparfaite et/ou mauvaise tolérance) ; – est-ce que le traitement actuel remplit les conditions d’un traitement moderne ? i.e. des associations logiques, des durées d’actions longues, des associations fixes avec un minimum de comprimés à prendre ? Après cette introduction, les cas cliniques ont été posés et discutés dans la salle (à noter que les réponses ne sont que des propositions des intervenants mais permettent quelques rappels pharmacologiques pertinents). • Observation n°1 Il s’agit d’un homme de 42 ans, traité depuis 2 années pour une hypertension artérielle. Il se dit stressé mais se sent mieux depuis que son cœur « est plus lent ». Il consulte dans le cadre de son suivi pour son HTA et rapporte des troubles érectiles. Ses pressions artérielles en automesure sont égales à 148/90 mmHg. Son traitement comporte : bisoprolol 2,5 : 1 comprimé le matin et ramipril 5 mg le matin. Vous décidez de modifier le traitement. Que recherchez-vous comme cause à ce profil tensionnel ? L’arrêt des bêtabloquants devrait améliorer sa dysfonction érectile. Réponse proposée : il y a plusieurs raisons de devoir changer le traitement. Tout d’abord les pressions artérielles ne sont pas contrôlées en automesure. De plus, l’association bêtabloquant/IEC est une association « non additive ». À noter également que le ramipril n’a une durée d’action que de 12 heures et doit donc être pris en 2 fois si on veut le conserver, sinon il faut le remplacer par un IEC à plus long durée d’action. Le patient se plaignait d’être tachycarde avant la prise de bêtabloquants, le choix du traitement doit tenir compte de cette amélioration, d’une part, et de chercher une cause à cette tachycardie (hyperthyroïdie, prise de cocaïne), d’autre part, en proposant une molécule ayant un effet bradycardisant. Le traitement proposé est donc une association IEC/inhibiteur calcique bradycardisant (vérifier qu’il n’y ait pas de constipation pour ce dernier). Une association vérapamil, trandolapril existe en bithérapie combinée (Tarka LP ® 240 mg/4 mg). • Observation n°2 Il s’agit d’une femme de 71 ans, traitée depuis plus de 10 ans pour une HTA. Son bilan biologique est sans particularité. Elle n’a aucun autre facteur de risque CV. Depuis plusieurs consultations les chiffres de PA sont autour de 150/70 mmHg ; en automesure les chiffres de PA sont très élevés le matin, supérieurs aux mesures du soir. Son traitement comporte : Hyzaar ® (losartan, hydrochlorothiazide) 1 comprimé le matin, Atenolol ® 50 mg: 1 comprimé le matin. Quelle(s) modification(s) au traitement ? Réponse proposée : parmi les éléments de réponse, on note que les bêtabloquants n’ont pas leur place dans une trithérapie ; un inhibiteur calcique serait plus efficace chez cette patiente. Les chiffres de PA plus élevés le matin suggèrent que l’un des traitements n’agit pas sur 24 heures. En effet, le losartan ne fait pas partie des sartans ayant la plus longue durée d’action contrairement au telmisartan, au candesartan et à l
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