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Coronaires

Publié le  Lecture 14 mins

Le point sur la FFR : où en est-on en 2020 ?

Benoît GUILLON, Nicolas MENEVEAU, service de cardiologie, CHRU de Besançon - université Bourgogne/Franche-Comté

En l’espace de 30 ans, la FFR est devenue la méthode de référence pour identifier les sténoses coronaires responsables d’ischémie qui nécessitent une revascularisation. La mesure de la FFR intègre la prise en considération du flux coronaire à travers les vaisseaux épicardiques et la microvascularisation, leurs résistances respectives, et la masse myocardique. En dépit d’essais randomisés lui conférant un niveau de preuves élevé, la FFR reste sousutilisée en Europe comme aux États-Unis. Cet article constitue un état des lieux des travaux les plus récents sur les applications potentielles de la FFR.

FFR : du concept de physiologie coronaire à l’utilisation en routine La FFR ( Fractional Flow Reserve) se définit comme le rapport entre le flux coronaire à travers une sténose épicardique et le flux à travers cette même coronaire en l’absence de sténose au cours d’une épreuve d’hyperhémie (vasodilatation maximale). En considérant que les résistances en hyperhémie sont constantes et minimales, le rapport débit distal sur débit proximal est équivalent au rapport entre la pression distale moyenne (Pd) et la pression aortique moyenne (Pa) (1). La FFR permet ainsi de quantifier l’impact d’une lésion coronaire spécifique sur la perfusion distale. La pression dans une artère coronaire normale étant égale à la pression aortique, la valeur normale de la FFR est donc de 1. Une valeur de FFR ≤ 0,80 témoigne du caractère hémodynamiquement significatif d’une sténose (FAME). Les mesures de FFR sont corrélées aux résultats des tests ischémiques non invasifs et se révèlent indépendantes des conditions hémodynamiques et des anomalies de la microcirculation (figure 1). Figure 1. Concept de mesure de la FFR. La FFR mesure un ratio de pression en hyperhémie correspondant au ratio de flux d’une artère sur le flux maximal de la même artère indemne de lésion. D’après Piljs, JACC 2012. Pénétration de la FFR en routine La pénétration de la FFR en France, évaluée selon le rapport nombre de procédures de FFR sur nombre d’angioplasties est de l’ordre de 20 %, sensiblement plus faible que dans les pays du Benelux (40 %) ou qu’aux États-Unis (31 %). Cela va naturellement à l’encontre des recommandations européennes qui attribuent à l’utilisation généralisée de la FFR le niveau de recommandation le plus élevé chez les patients présentant un syndrome coronarien chronique (2). Les raisons de cette sous-utilisation sont multiples et le plus souvent injustifiées (durée ou coût de la procédure). Les guides sont aujourd’hui remboursés et la procédure dont la durée n’excède pas 10 minutes fait l’objet d’une cotation. Beaucoup d’opérateurs préfèrent encore se fier à l’angiographie pour évaluer la sévérité d’une lésion. En outre, la FFR ne fait pas partie des indicateurs de qualité de prise en charge des patients coronariens, comme c’est le cas au Japon où le remboursement d’une procédure d’angioplastie est conditionné par la réalisation préalable d’une mesure de la FFR. Standardisation des mesures La mesure de FFR peut être réalisée avec un cathéter diagnostique (4-5 Fr) ou un cathéter guide (5-7 Fr) permettant d’enchaîner vers un geste d’angioplastie dans le même temps. Différents dispositifs de mesure de la FFR sont actuellement disponibles sur le marché. Il s’agit le plus souvent de guides métalliques de 0,014 inches possédant un capteur de pression piézolectrique de type PressureWire (St. Jude Medical, St. Paul, Minnesota), WaveWire (Philips, Eindhoven, the Netherlands), ou par fibre optique de type : Opto-Wire (Opsens Medical, Québec, Canada), Comet Pressure Guidewire (Boston Scientific,Marlborough, Massachusetts), et enfin Navvus (Acist Medical Systems, Eden Prairie, Minnesota). Ce dernier est un microcathéter susceptible de générer une certaine obstruction de la lumière coronaire et ainsi de surestimer la sévérité d’une lésion. L’introduction du guide doit être précédée de l’administration de nitrés et d’anticoagulants. L’hyperhémie est obtenue par l’injection d’adénosine en bolus intracoronaire ou en perfusion intraveineuse continue. Les effets indésirables de l’adénosine sont rares et se résument à une bradycardie, un BAV transitoire, un inconfort généralisé. Si l’injection intracoronaire est majoritairement utilisée, l’utilisation IV est à privilégier en cas de lésion ostiale ou de lésions étagées. Il convient de vérifier systématiquement l’absence de dérive des valeurs de pressions à l’issue des mesures de FFR (3). Gradients de pression non hyperhémique (NHPR) Plusieurs index de repos sont aujourd’hui disponibles comme une alternative à la FFR qui ne nécessite pas de recourir à une hyperhémie pharmacologique. Cela permet un gain de temps modeste tout en s’affranchissant des effets indésirables bénins de l’injection d’adénosine. Ces différents gradients (iFR, dPR, rFR…) sont mesurés à différentes périodes de la diastole lorsque les résistances vasculaires sont présumées les plus basses. Deux essais contrôlés randomisés (Define Flair, iFR SWEETHEART) ont démontré la non-infériorité de l’iFR comparée à la FFR en termes d’événements cliniques cardiovasculaires graves. Ces résultats méritent cependant d’être tempérés, car 20 % des mesures étaient discordantes, et les populations des 2 études étaient à bas risque comparées aux patients de FAME. En outre, les discordances observées entre NHPR et FFR semblent être plus importantes lorsque la lésion touche le tronc commun ou l’IVA proximale (Dérimay et coll. 2019). La puissante valeur pronostique de la FFR La valeur de la FFR reflète la sommation des sténoses ou plaques athéromateuses disséminées sur le trajet coronaire. Il existe un lien entre la sévérité de l’ischémie, illustrée par la valeur de la FFR, et la gravité des événements cliniques. Barbato et coll. ont montré à partir des données de FAME 2 que les événements cliniques étaient d’autant plus graves que la valeur de la FFR était basse et située dans les quartiles les plus bas (4). Dans le registre coréen IRIS FFR (5), qui a inclus près de 6 000 patients, l’incidence des MACCE était directement corrélée à la sévérité de la FFR. En outre, les stratégies de revascularisation basées sur une valeur seuil de FFR de 0,79 prévenaient la survenue de MACCE, alors que celles basées sur une valeur seuil de FFR de 0,69 permettaient de réduire décès et infarctus. Enfin, même en l’absence de lésion significative, la FFR permet d’évaluer la charge athéroscléreuse globale qui correspond à l’infiltration athéromateuse diffuse des 3 artères coronaires, et qui est un puissant prédicteur indépendant d’événements cardiovasculaires à 2 ans (Lee JM. Eur Heart J 2018) (figure 2). Figure 2. Seuils de FFR de revascularisation issu du registre coréen IRIS FFR portant sur 5 846 patients. Angioplastie ou traitement médical des lésions stables ? La réponse par la FFR Les résultats de l’étude COURAGE font reposer le potentiel bénéfice de la revascularisation sur l’étendue de l’ischémie myocardique (> 10 %) évaluée par des tests non invasifs. Cependant, les propriétés diagnostiques de la scintigraphie myocardique d’effort sont médiocres comparées à l’association angiographie/FFR, avec une sensibilité de l’ordre de 40 % (Driessens et coll. JACC 2019). Dans ce contexte, quelles sont les preuves justifiant l’utilisation de la FFR pour guider la revascularisation des patients pris en charge dans le cadre d’un syndrome coronarien chronique ? Dans le cadre d’un angor stable, l’étude FAME 2 (6) a démontré que la revascularisation par angioplastie d’une lésion avec FFR ≤ 0,8 réduisait de 54 % à 5 ans le critère composite décès toutes causes, infarctus du myocarde et revascularisation urgente comparée au traitement médical seul. Ce bénéfice était principalement lié à une réduction des revascularisations urgentes. Cet essai, interrompu prématurément en raison des excès d’événements observés dans le groupe traitement médical, n’a pas permis de conclure quant à la possible réduction de mortalité du groupe FFR. Depuis, une métaanalyse (7) incluant les lésions stables de 2 400 patients inclus dans les essais FAME 2, DANAMI-PRIMULTI et COMPARE ACUTE (figure 3) a prouvé qu’une revascularisation guidée par FFR réduisait de 28 % le critère composite de décès cardiovasculaire et d’IDM, comparée au traitement médical. Les données de « vraie vie » issues d’un registre américain (8) ayant inclus plus de 17 000 patients ont également montré que le recours à la FFR dans le cadre de lésions intermédiaires stables était associé à une réduction de 43 % de la mortalité sans que ce bénéfice soit médié par les revascularisations urgentes ou l’IDM. Ce bénéfice est confirmé chez les patients avec FEVG altérée ( 50 %), chez qui le recours à la FFR est associé à une réduction de mortalité de 58 % (DiGioa et coll. Eur H J 2019) du fait d’une réduction significative des revascularisations chirurgicales au profit de l’angioplastie et du traitement médical. Enfin, la revascularisation guidée par FFR améliore significativement les symptômes angineux (7). Ces données ne sauraient être remises en cause par les résultats d’ISCHEMIA, qui n’ont pas démontré la supériorité de la revascularisation sur le traitement médical dans l’angor stable. Seules 20 % des lésions du groupe stratégie invasive ont fait l’objet d’une mesure de la FFR alors que le taux d’atteinte pluritronculaire était de 76 %. Figure 3. Courbe d’incidence cumulée du critère composite décès cardiovasculaire/ infarctus du myocarde issu de la métaanalyse incluant les données de FAME, COMPARE-ACUTE, DANAMI 3 PRIMULTI. Qu’apporte la FFR dans la gestion du patient multitronculaire ? Les lacunes de la scintigraphie et de l’angiographie sont exacerbées chez le patient multitronculaire. L’une et l’autre se révèlent peu discriminantes dans cette situation. L’analyse angiographique quantitative (QCA) est également prise en défaut pour identifier une lésion réellement ischémiante. Les phénomènes de « mismatch » qui identifient les lésions angiographiquement serrées (> 50 %) mais à FFR > 0,8 touchent préférentiellement les lésions de la coronaire droite et de la circonflexe (57 % des lésions jugées angiographiquement significatives). À l’inverse, les phénomènes de « reverse mismatch » identifient les lésions jugées angiographiquement non significatives ( 50 %), mais dont la FFR se révèle ≤ 0,8, et concernent préférentiellement les lésions de l’IVA et du tronc commun (Park. JACC Cardiovasc Interv 2012) (figure 4). Figure 4. (A) Discordance entre FFR et scintigraphie, en fonction du type de défect perfusionnel. (B) Discordance entre FFR et QCA. Les

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