Recommandations : quelles nouveautés dans la cardiologie du sport ?
Quentin DE BAYNAST, département de cardiologie, HEGP, Paris
2020 est une année bien différente des autres pour le congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC). Non seulement celui-ci est entièrement réalisé en ligne, mais surtout une nouvelle catégorie de recommandations est inaugurée : la cardiologie du sport ! Ces recommandations partent d’un constat : l’activité physique possède un effet bénéfique sur la santé bien démontré, que cela soit sur la mortalité totale, la morbidité cardiovasculaire, voire sur l’incidence de néoplasies. Néanmoins, l’activité physique peut déclencher chez certains patients avec des pathologies cardiovasculaires sous-jacentes (identifiées ou non) des pathologies aiguës pouvant diminuer très rapidement l’espérance de vie comme des syndromes coronariens aigus (SCA), voire des arythmies ventriculaires potentiellement létales… De ce paradoxe naît la nécessité d’identifier clairement les groupes à risque pour permettre, à l’avènement de l’ère du sport sur ordonnance, d’étendre la pratique d’activités physiques au plus grand nombre en toute sécurité. Ces recommandations essayent donc de répondre à de nombreuses questions qui se posent lors de la pratique quotidienne. Il convient de noter que devant le faible nombre d’études disponibles, ces recommandations se basent principalement sur du consensus d’experts et l’ESC émet le vœu que celles-ci ne soient pas légalement contraignantes. Tour d’horizon des nouveautés…
Intensité sportive Tout d’abord, une distinction sur les différents sports est faite en fonction de leur intensité théorique et de leur composante principale. En effet, les sports d’intensité élevée étant plus à risque que les autres de causer des événements cardiovasculaires, il convient d’identifier les différentes pratiques sportives afin d’adapter au mieux nos recommandations (tableau 1). En cas de pratique d’un sport non présent dans le tableau 1, ou en cas de pratique d’un sport à des intensités différentes, on peut s’aider du tableau 2 pour évaluer l’intensité de l’exercice physique. L’échelle de Borg est l’intensité perçue par le sujet de son activité physique, entre 6 (début d’une activité physique) et 20 (figure 1). À partir de 10, le sujet transpire et peut s’exprimer sans trop de difficulté. À partir de 14, le sujet transpire abondamment et ne peut dire que quelques mots d’affilée. À partir de 18, l’intensité de l’exercice ne peut pas être maintenue trop longtemps et à 20 le sujet s’arrête. Figure 1. Échelle de Borg représentant l’intensité perçue par le sujet de son activité physique. La réserve de fréquence cardiaque est la différence entre la fréquence cardiaque maximale et la fréquence cardiaque de repos. La fréquence cardiaque maximale théorique est donnée par la formule suivante : 220 - âge. Un dernier distinguo est fait entre les sports de loisirs et ceux de compétition (que cela soit au niveau local ou au niveau international), ces derniers étant davantage associés à des événements cardiovasculaires. Recommandations générales chez le sujet présumé sain en présence ou non de facteurs de risque Concernant la population générale, il est rappelé que 150 minutes par semaine d’activité physique d’intensité modérée ou 75 minutes d’activité physique d’intensité élevée sont recommandées, idéalement s’étalant sur 4 à 5 sessions par semaine. Si le patient le souhaite, un doublement de cette activité physique est associé à une augmentation des bénéfices pour sa santé. Chez le sujet âgé, en l’absence de comorbidité limitant l’exercice physique, il est également recommandé de réaliser 150 minutes par semaine d’activité physique d’intensité modérée. Chez les patients porteurs d’une hypertension artérielle, d’une obésité ou d’un diabète de type 2, l’exercice physique en résistance au moins 3 fois par semaine en plus de l’activité de base recommandée est associé avec les meilleurs résultats. L’entraînement « en résistance » consiste en la répétition d’un même mouvement contre résistance (poids du corps, poids type haltères, élastique) avec une intensité physique élevée, en alternant le groupe musculaire concerné. Chez les patients hypertendus non contrôlés (PAS > 160 mmHg) ou contrôlés, mais avec atteinte d’un organe cible, il est déconseillé de réaliser des sports d’intensité élevée. Au milieu d’une population de sujets a priori sains se cachent quelques patients atteints d’une coronaropathie qu’il conviendra d’identifier avant d’autoriser une pratique du sport, notamment intensive. Le score de risque cardiovasculaire s’établit sur des classifications établies par l’ESC dans les recommandations sur les syndromes coronariens chroniques. Le dépistage des maladies cardiovasculaires n’est pas recommandé chez les patients suivants : – patients 35 ans ; – patients > 35 ans à bas ou moyen risque cardiovasculaire, quelle que soit l’intensité physique prévue ; – patients > 35 ans à haut ou très haut risque si l’activité physique envisagée est à faible ou moyenne intensité. Dans les autres cas et chez l’athlète de compétition de plus de 35 ans, il est recommandé de réaliser au moins une consultation avec un ECG, et de discuter selon le profil de risque du patient un test d’effort, un coroscanner, une échographie d’effort ou une IRM de stress. Chez le patient coronarien connu Chez le patient coronarien connu, l’activité physique est encouragée puisqu’elle diminue la morbi-mortalité, notamment après un événement aigu. L’importance de la réadaptation cardiovasculaire est réelle afin de diminuer la mortalité et les réhospitalisations. Afin de guider la reprise du sport à la phase chronique ou après un événement aigu, l’ESC propose un algorithme (figure 2). Figure 2. Algorithme de décision pour déterminer l’aptitude au sport chez le patient coronarien connu. SCA : syndrome coronarien aigu. Il est donc recommandé de réaliser chez tous les patients coronariens connus avant une reprise de l’activité physique un test d’effort pour s’assurer de l’absence d’arythmie à l’effort ainsi qu’une recherche d’ischémie (toutes les modalités de dépistage de l’ischémie étant envisageables). Le profil de risque des patients ayant présenté dans les 12 derniers mois un SCA revascularisé par angioplastie ou pontage est encore mal stratifié. La reprise de l’activité physique doit s’effectuer en centre de rééducation, en s’assurant de l’absence de nouveaux symptômes. Il est probable que ces patients doivent la première année être considérés comme non à bas risque, même si la reprise d’une activité physique d’intensité élevée ou de compétition peut se discuter au cas par cas. Il faudra tout de même prêter attention au risque hémorragique de certains sports, notamment sous bi-antiagrégation, voire sous anticoagulation. Un mot concernant les anomalies de naissance des coronaires : • Le trajet entre l’artère pulmonaire et l’aorte ou intramural, la présence d’un orifice en forme de fente, un angle très aigu ou la présence d’une ischémie sont des formes les plus à risque. Le sport de compétition est contreindiqué dans ces cas-là. • Après intervention chirurgicale, la reprise du sport est possible plus de 3 mois après, en l’absence d’ischémie myocardique ou de trouble du rythme à l’effort. En cas de pont myocardique, en l’absence d’ischémie ou d’arythmie ventriculaire à l’épreuve d’effort, le sport est possible sans restriction. En présence d’un des deux éléments, le patient est contre-indiqué aux sports de compétition. Le cas d’insuffisance cardiaque Tout comme les coronaropathies, les patients insuffisants cardiaques bénéficient de la réalisation d’une rééducation avec un exercice physique adapté. Avant toute reprise d’une activité physique, il convient d’abord de s’assurer que le patient est stable depuis plus d’un mois, que le traitement optimal est en place, que le patient est porteur d’un DAI s’il rentre dans les indications. Il est également conseillé de réaliser une VO 2 max avec un ECG d’effort pour connaître le pic de VO 2 ainsi que s’assurer de l’absence d’arythmie à l’effort. L’exercice physique recommandé chez les patients insuffisants cardiaques est le suivant : – exercice aérobique : 3 à 5 fois par semaine, pendant 20 à 60 minutes, d’intensité comprise entre 40 et 80 % de la VO 2 max ; – exercice en résistance : 2 à 3 fois par semaine, des exercices d’intensité plus élevée mais restant inférieure à 15 sur l’échelle de Borg. Il convient de réaliser 10 à 15 répétitions d’un exercice visant un groupe musculaire, en essayant de varier entre les différents groupes musculaires à chaque séance ; – idéalement, alterner tous les jours ces exercices. Il convient de réévaluer chez ces patients tous les 3 à 6 mois l’intensité et la durée des exercices en fonction de la tolérance. L’aptitude au sport en fonction de l’intensité théorique chez le patient insuffisant cardiaque connu est représentée dans le tableau 3. Il demeure une zone d’ombre chez le patient avec une FEVG altérée ( 40 %), souhaitant s’engager dans une activité physique modérée. L’ESC mentionne également le cas des patients transplantés cardiaques. Bien qu’ayant une capacité d’exercice équivalent à 50-60 % des sujets de même âge et de même sexe, il convient de recommander à tous les patients stables d’avoir une activité physique régulière. Ces patients seront principalement limités par l’incompétence chronotrope due à la dénervation du greffon. Valvulopathies Les valvulopathies touchant en moyenne 1 à 2 % des individus réalisant de l’exercice physique, la question de l’aptitude au sport est plus brûlante que jamais. Un des principaux sujets d’inquiétude concerne la possible accélération de l’évolution naturelle de la valvulopathie à cause de l’exercice physique. Peu de données dans la littérature néanmoins soutiennent cette hypothèse. L’ESC rappelle d’emblée la nécessité de suivre les recommandations sur la prise en charge des valvulopathies, notamment les indications opératoires, avant de s’intéresser à l’aptitude à l’effort. Ainsi, tout patient porteur d’une valvulopathie doit bénéficier d’une consultation médicale, d’un ECG, d’une ETT et d’un test d’effort, avec une attention toute particulière à l’apparition de trouble du rythme à l’effort. Le maître mot ici est bien « asymptomatique ». Les patients ayant des symptômes de leur valvulopathie ne doivent réaliser que des efforts physiques de faible intensité, guidés par leur symptomatologie. Rétrécissement aortique Le rétrécissement aortique (RA), cause bien connue de syncope à l’effort, est évoqué en premier. Il convient chez tous les patients ayant un RA moyen ou serré de réaliser en l’absence de symptômes une épreuve d’effort pour s’assurer de la réponse hémodynamique. En l’absence d’augmentation de la PAS d’au moins 20 mmHg ou en cas d’arythmie à l’effort, ces patients sont contre-indiqués pour tout effort physique. Les recommandations concernant le RA sont résumées dans le tableau 4. Les mêmes recommandations s’appliquent pour les sports de loisir ou de compétition, en fonction de l’intensité prévue. En cas de maladie aortique, la recommandation qui s’applique se fait en fonction de la lésion prédominante (fuyante ou sténosante). Insuffisance aortique Concernant l’insuffisance aortique, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’en cas de dilatation de l’aorte ascendante associée, l’aptitude au sport sera principalement déterminée par le diamètre de l’aorte. En l’absence de pathologie de l’aorte, les recommandations sont les
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