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Coronaires

Publié le  Lecture 9 mins

Le syndrome X coronaire, toujours d’actualité ?

Alberto TIRITILLI, Professeur au Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris (CMHP)

Le terme syndrome X coronaire désigne un groupe de patients avec douleurs angineuses typiques, ischémie électrocardiographique, coronarographie normale et sans évidence de spasme coronaire. Nous savons que la présence d’une sténose coronaire épicardique modifie la microcirculation coronaire et influence le seuil ischémique du myocarde. Nous ne revenons pas ni sur la physiologie de la circulation coronaire, ni sur l’évaluation fonctionnelle de celleci, car largement documentées. Nous rappellerons les travaux les plus importants concernant ce syndrome pour esquisser les grandes lignes d’un traitement qui fait toujours objet d’études importantes.

La prévalence exacte reste inconnue. Il s’agit d’une population jeune 50 ans et à nette prédominance féminine (1). Un travail anciennement publié montre que 20 % des patients adressés à la coronarographie pour angor récent ou ancien présentent des coronaires normales (2). Plus récemment, un autre travail va encore plus loin, montrant qu’environ 40 % des patients adressés pour coronarographie avaient des coronaires apparemment saines (3). Il s’agit d’un syndrome très hétérogène incluant différents mécanismes (tableau 1). Chez ces patients, facteurs fonctionnels et altérations anatomiques structurelles du réseau coronaire semblent s’associer à des désordres métaboliques capables d’affecter les substrats énergétiques myocardiques et/ou modifier la perception neurologique à la douleur. En définitive, deux mécanismes : le défaut des vaisseaux coronaires de s’adapter à un accroissement de la demande de sang, donc d’oxygène et une mauvaise sensation des stimuli douloureux par le système nerveux central. • Approche diagnostique Celui-ci est fait sur plusieurs critères. Les examens non invasifs tels que le test d’effort, les épreuves de stress à l’effort (écho d’effort) ou à la dobutamine ne sont pas spécifiques. Le test idéal pour ce syndrome est invasif. Il consiste, lors de la coronarographie à injecter de l’adénosine et à évaluer la réponse artérielle. On remarque une diminution paradoxale du débit sanguin chez ces patients, sachant que l’adénosine est préférablement un vasodilatateur. De plus, nous disposons aujourd’hui de plusieurs techniques, la tomographie par émission de positrons (PET), qui mesure directement le flux coronaire par unité de masse cardiaque. Le retentissement fonctionnel, lui, est évalué par la mesure de la fraction de flux de réserve (FFR) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM). La mise en évidence d’une dysfonction endothéliale nous obligerait à un traitement plus agressif (tableau 2). Il semble désormais clair que l’endothélium joue un rôle déterminant dans ce syndrome à travers la production de facteurs relaxants et/ou contractants. Il a été suggéré que les réponses vasodilatatrices anormales dans la circulation coronaire chez ces patients étaient liées à un dysfonctionnement endothélial. Un certain nombre de mécanismes ont été avancés, parmi lesquels : une mutation du gène codant pour la NO-synthase endothéliale, un déficit de monoxyde d’azote accompagné d’hyperplasie intimale diffuse, perte du pouvoir vasodilatateur du monoxyde d’azote associé le plus souvent à une libération accrue d’endothéline (ET-1), puissant vasoconstricteur (4). Mais la « dysfonction » endothéliale est, elle aussi, multifactorielle ; de plus, les facteurs de risque cardiovasculaire, hypertension, hypercholestérolémie, déficience estrogénique, tabac vont contribuer à exacerber ce syndrome. Une publication originale montre que les niveaux plasmatiques de médiateurs d’adhésion leucocytaires comme le (VCAM-1 vascular cell adhesion molecule-1) et le (ICAM-1 intracellular adhesion molecule-1) semblent impliqués dans la pathogenèse de ce syndrome. Ceci suggère qu’une inflammation chronique avec participation endothéliale puisse être à l’origine et/ou contribuer au développement de cette pathologie (5). Il a été démontré que ces patients présentent une importante activité sympathique capable d’expliquer la réduction de la réserve coronaire, d’une part, et d’autre part, les modifications d’utilisation du glucose, et l’insulinorésistance y est souvent associée. En revanche, un papier publié émet l’hypothèse selon laquelle le système parasympathique, plus que le système sympathique, serait impliqué dans le retentissement clinique de ce syndrome. Ainsi chez 2/3 des patients avec syndrome X coronaire, le mécanisme physiopathologique responsable de la symptomatologie clinique pourrait être lié à une réduction du tonus parasympathique (6). Un travail cherche à établir le lien entre altérations microvasculaires observées chez ces patients à coronaires saines et raréfaction capillaire cutanée. Les auteurs ont étudié la densité capillaire chez des sujets normotendus, hypertendus et avec syndrome X coronaire. La densité capillaire moyenne est plus basse chez les patients avec syndrome X coronaire, et ceci indépendamment du degré d’hypertension artérielle. L’importance physiopathologique de la raréfaction capillaire chez ces patients reste méconnue. D’autres investigations seront nécessaires pour déterminer si ces anomalies peuvent s’associer à des altérations du flux coronaire et étendre ainsi ces faits au myocarde (7). Dans un autre travail, les auteurs ont tâché d’examiner si la diminution du flux coronaire mis en évidence lors de la coronarographie par un retard de progression du produit de contraste, pouvait être considérée comme un marqueur d’ischémie myocardique. Cette étude porte sur 207 patients avec coronarographie normale. Une diminution du flux coronaire a été observée chez 49 patients (23,7 %) les 158 restants (76,6 %) ayant un flux TIMI 3. Quarante des 49 patients (82 %) avec les symptômes classiques d’angor présentaient un retard de progression du produit de contraste et un test d’effort positif, comparés à l’autre groupe comportant 51 patients (32 %) (p 0,01). Les auteurs concluent que les patients présentant une diminution du flux coronaire constituent un groupe défini de sujets avec syndrome X coronaire et que ce phénomène peut être considéré comme un marqueur d’ischémie myocardique (8). Un travail publié récemment portant sur l’agrégation des plaquettes montre que chez les sujets avec syndrome X coronaire, au repos, le temps d’agrégation est plus court comparé au témoin ; en revanche, ce même temps augmente significativement après exercice (p 0,01). De plus, l’administration de théophylline prévient lors du test d’effort l’allongement du temps d’agrégation chez les sujets avec syndrome X coronaire et souligne le rôle joué par l’adénosine (9). Le temps capital dans le diagnostic reste la coronarographie avec étude de la fonction endothéliale. Un travail publié tout récemment s’est proposé d’étudier la fonction endothéliale par la mesure du flux de réserve coronaire (RFC), et la fonction ventriculaire gauche par le strain longitudinal global (SLG). Les patients avec syndrome X (retard dans la propagation du flux) ont montré effectivement une réduction de réserve coronaire et une diminution du SLG. Ce travail montre que la dysfonction endothéliale implique une profonde détérioration du réseau coronaire, mais aussi de la fonction ventriculaire gauche. Pour ce qui concerne la sensibilité et la spécificité du SLG dans ce syndrome, cela reste à confirmer (10). • Pronostic Ces patients ont été considérés comme à « faible risque » (11). Cette question reste néanmoins controversée, les données angiographiques invasives démontrent que ce groupe de patients très hétérogène, à prédominance féminine présente un risque plus élevé d’événements cardiaques indésirables (12). L’étude WISE (Women’s Ischemia Syndrome Evaluation) avec un suivi de 5,4 ans décrit une mortalité cardiaque accrue (53 % de mort subite), des AVC, une survenue plus précoce d’insuffisance cardiaque que d’infarctus myocardique, et ceci en particulier chez les femmes avec réduction de la réserve de débit coronaire après adénosine (13). Plus récemment, plusieurs études avec explorations coronaires invasives et/ou non invasives ont confirmé les anciennes observations, la prévalence féminine et une plus importante mortalité cardiovasculaire (14). • Traitement Le traitement de ce syndrome représente un défi majeur pour le cardiologue. Il n’y a pas de thérapie spécifique. Il n’est pas exclu que plusieurs tentatives doivent être faites avant de trouver les bons médicaments et les bonnes posologies. La première mesure du traitement est la précision diagnostique, celle-ci est faite à la coronarographie avec étude de la fonction endothéliale. Pour un aperçu global : tableau 3. Il est indiscutable que l’intervention thérapeutique majeure dans cette forme « atypique » d’angine reste la correction des facteurs de risque, lesquels peuvent contribuer à la pérennisation du dysfonctionnement endothélial. Les patients n’ayant pas à l’évidence d’anomalie de réserve coronaire, même après test de provocation à la méthylergométrine, seront rassurés. Chez ceux où la symptomatologie persiste, les bêtabloquants semblent être les médicaments les mieux adaptés. Ils élèvent le seuil ischémique, améliorent la fonction endothéliale par un possible effet antioxydant qui reste néanmoins à confirmer (15). Bien entendu, ils seront contre-indiqués en présence de comorbidités et chez les patients avec spasme coronaire. Nous savons que leur arrêt intempestif peut provoquer un rebond d’ischémie (16). Les inhibiteurs calciques seront réservés aux patients fortement suspectés d’angor spastique ou encore chez ceux dont l’excessive constriction distale du réseau coronaire limiterait les réserves de vasodilatation. En réduisant la post-charge, ils augmentent le débit cardiaque tout en diminuant la fréquence et la contractilité cardiaque. Le choix se portera sur ceux utilisant les canaux de type L à libération prolongée (17). Si la coronarographie relève des altérations au niveau épicardique, les dérivés nitrés pourront être ajoutés au traitement. En réduisant la demande myocardique en oxygène et la bonne tolérance clinique, ils peuvent être associés aux bêtabloquants et aux inhibiteurs calciques ; malheureusement, ils sont inefficaces dans ce syndrome (18-19). Le traitement avec les dérivés nitrés nécessite une approche individuelle. Ils seront le plus souvent utilisés ponctuellement par voie sublinguale. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les statines, l’aspirine font partie du traitement, avec l’espoir d’améliorer la fonction endothéliale. Des centaines de papiers ont été publiées avec des résultats controversés, difficile de se faire une idée claire et de la relater. L’utilisation de

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