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Hypertension pulmonaire

Publié le  Lecture 10 mins

Définition de l’hypertension artérielle pulmonaire : hémodynamique et classification

Mansour MOSTEFA KARA, unité médico-chirurgicale de cardiologie congénitale adulte, Hôpital européen Georges-Pompidou, APHP, Paris

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Généralités La circulation pulmonaire normale est une circulation à basses pressions (pression artérielle pulmonaire moyenne [PAPm] 14 ± 3 mm Hg) et faibles résistances. L’hypertension pulmonaire est définie par une pression pulmonaire artérielle moyenne (PAPm) supérieure à 20 mmHg mesurée au repos lors d’un cathétérisme cardiaque droit (1). Cette élévation des pressions pulmonaires peut être associée à des résistances vasculaires pulmonaires élevées (> 2 UW), ce qui constitue l’hypertension artérielle pulmonaire « maladie » (HTAP). Cette maladie vasculaire se caractérise par une élévation progressive des résistances vasculaires pulmonaires aboutissant à une insuffisance cardiaque droite et au décès. Par opposition, on parlera d’HTP dans les hypertensions pulmonaires avec des résistances vasculaires « basses » ≤ 2 UW (2). Données épidémiologiques Il s’agit d’une maladie rare dont on peut estimer la prévalence à 1,5/100 000 habitants (2). Cette prévalence est sans doute sous-estimée, comme le montrent les enquêtes de dépistage qui s’accompagnent d’une augmentation de la prévalence de la maladie et d’un changement de présentation clinique des patients. Cette sous-estimation du diagnostic est multifactorielle. Tout d’abord, elle est la conséquence de la consultation assez tardive des patients, en raison de symptômes discrets au départ de la maladie et non spécifiques, puis de la méconnaissance de cette maladie par les médecins, enfin peut-être la réticence de la confirmation du diagnostic par un examen invasif (en particulier chez des personnes âgées et/ou un peu éloignées d’un centre où cet examen est pratiqué en routine). Il s’agit d’une maladie grave. En l’absence totale de traitement, il n’y a pas de possibilité de régression spontanée et la maladie est fatale dans 100 % des cas. Malgré l’arrivée de thérapeutiques spécifiques depuis les quinze dernières années, il n’existe à ce jour pas de thérapeutique qui permette une guérison. Ainsi, les patients gardent un traitement au long cours qui permet une amélioration des symptômes et de l’espérance de vie des patients. Le pronostic vital dépend de : – la gravité de la maladie au moment du diagnostic (et donc de la précocité du diagnostic) (2) ; – le potentiel évolutif de l’hypertension pulmonaire (il existe des patients à progression rapide et des patients à progression lente) ; – la pathologie associée éventuelle (connectivite, VIH, etc.) ; – la réponse au traitement. Actuellement, pour l’hypertension artérielle pulmonaire idiopathique, héritable ou associée aux anorexigènes, la survie est estimée à 86 %, 70 % et 55 %, respectivement à un, deux et trois ans après le diagnostic (3). Pour les patients dont les thérapeutiques ont permis une régression franche des symptômes et une quasi-normalisation du débit cardiaque, il est observé une survie prolongée de nombreuses années, même si la maladie garde à terme un potentiel évolutif (4). Cathétérismes des hypertensions artérielles pulmonaires Décrit pour la première fois par Swan et Ganz en 1970 (5), cette technique fiable avec une faible mortalité est essentielle dans le diagnostic clinique et étiologique de l’hypertension artérielle pulmonaire (6,7). L’examen est réalisé en plaçant un cathéter souple dont une extrémité est reliée à une tête de pression, et l’autre extrémité, introduite par voie veineuse (veine superficielle du bras ou veine profonde), est au contact des pressions sanguines. Cette extrémité est avancée progressivement dans l’oreillette droite (POD), dans le ventricule droit (VD), dans le tronc puis une artère pulmonaire (PAP) puis, lorsque le cathéter est occlusif dans une petite artère pulmonaire, on obtient une mesure de la PAP d’occlusion ou PAPO qui reflète la pression dans le capillaire et donc dans l’oreillette gauche (figures 1 et 2). Cet examen est indispensable au diagnostic, car c’est le seul permettant une mesure très précise de la pression dans la circulation pulmonaire et dans les cavités cardiaques. Le cathétérisme cardiaque donne également d’importantes informations pronostiques : POD et débit cardiaque. L’hypertension artérielle pulmonaire et hémodynamique La pression artérielle est le produit du débit (Q) et des résistances (R) vasculaires (loi de Poiseuille : DP = Q × R). L’hypertension pulmonaire peut ainsi être due à : – une augmentation de débit dans un lit artériolaire pulmonaire « sain » avec des résistances vasculaires pulmonaires basses. C’est par exemple le cas des cardiopathies congénitales avec un shunt gauche-droite ; – une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires par atteinte intrinsèque du lit artériolaire pulmonaire dont la physiopathologie reste mal comprise. Ainsi d’un point de vue hémodynamique on distingue deux types d’hypertension artérielle pulmonaire. Hypertension artérielle pulmonaire précapillaire Il s’agit d’une hypertension qui résulte d’une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires par une atteinte du lit artériolaire pulmonaire. Hémodynamiquement, elle se définit par PAPm ≥ 20 mmHg associée à des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) ≥ 2 UW. Les causes de cette atteinte sont : – idiopathiques ; – héréditaires ; – secondaires à une maladie de système ou infections (connectivites, VIH, bilharziose) ; – secondaires à une prise médicamenteuse (anorexigènes notamment, dasatinib…) ; – secondaires à une évolution naturelle d’une cardiopathie congénitale avec un shunt entre la circulation pulmonaire et systémique laissé en place. Ainsi, ce shunt après avoir été à l’origine d’une augmentation du débit pulmonaire avec résistances vasculaires pulmonaires basses dans un premier temps va évoluer du fait d’une élévation des résistances vasculaires pulmonaires secondaire à une dysfonction endothéliale. Cette élévation est dite « réversible » dans un premier temps, car elle régresse sous l’effet de traitement vasodilatateur comme le monoxyde d’azote puis elle devient « fixée » par la suite. Quand les résistances vasculaires pulmonaires deviennent supérieures aux résistances vasculaires systémiques, il en résulte une inversion du sens du shunt qui devient droitgauche, on parle alors de syndrome d’Eisenmenger. Ce syndrome apparaît dans des délais variables selon la cardiopathie et le patient ; – secondaires à une maladie vasculaire pulmonaire telle que la maladie veino-occlusive (MVO) ou l’hémangiomatose capillaire pulmonaire (HCP). Ces dernières se caractérisent par des lésions de remodelage prédominant sur les capillaires et veinules ; – secondaires à l’hypoxie alvéolaire liée à une maladie respiratoire chronique ; – secondaires à obstruction chronique des artères pulmonaires d’origine thromboembolique. Hypertension artérielle pulmonaire postcapillaire Il s’agit d’une hypertension (PAPm ≥ 20 mmHg) qui résulte de l’élévation de la pression dans les veines pulmonaires au-delà de 15 mmHg qui retentit en amont. Dans cette situation les résistances vasculaires pulmonaires sont basses ( 2 unités Wood). Cette élévation passive des pressions est en lien avec un obstacle au retour sanguin veineux pulmonaire. Les causes d’un tel obstacle sont : – une pathologie des veines pulmonaires ; – une pathologie de la valve mitrale ou aortique ; – une myocardiopathie entraînant une dysfonction diastolique ventriculaire gauche avec élévation des pressions de remplissage. Dans ce type d’hypertension, la levée de l’obstacle s’accompagne toujours d’une baisse des pressions pulmonaires. Tableau 1 Physiopathologie de l’hypertension artérielle pulmonaire et aspects cellulaires Rôle de l’endothélium vasculaire L’endothélium vasculaire joue un rôle déterminant dans la régulation du tonus vasculaire. Il libère des substances vasodilatatrices et antiprolifératives, au premier rang desquelles figurent le monoxyde d’azote (NO) et la prostacycline et des substances vasoconstrictrices dont la plus puissante est représentée par l’endothéline. Dans les situations physiologiques (effort) ou pathologiques (shunt gauche-droite) d’augmentation de débit, l’augmentation des forces de cisaillement (ou shear stress) conduit initialement à une vasodilatation et à la baisse des résistances vasculaires pulmonaires afin de limiter l’élévation des pressions pulmonaires. Cette vasodilatation est un phénomène d’adaptation témoignant d’une fonction endothéliale préservée, mais majore le débit pulmonaire. Cet hyper-débit est responsable des symptômes respiratoires chez les enfants ayant un shunt intracardiaque. Dans certaines situations pathologiques, ces mécanismes adaptatifs sont altérés du fait d’une dysfonction endothéliale aboutissant à un remodelage vasculaire et à l’hypertension artérielle pulmonaire par élévation des résistances. À terme, une insuffisance ventriculaire droite s’installe, pouvant conduire au décès du patient. La progression de la maladie vasculaire pulmonaire dépend de l’étiologie, mais aussi de facteurs individuels et génétiques. Facteurs génétiques La voie de signalisation du TGF-β, impliquée dans de nombreuses affections cardiovasculaires intervient dans le développement de l’HTAP. Des mutations du gène BMPR2 ( bone morphogenic protein receptor 2) ont été identifiées dans les HTAP familiales. D’autres gènes sont en cours d’identification. Dysrégulation apoptotique et néo-angiogenèse La protéine BMP joue un rôle régulateur dans l’apoptose et la mutation de son récepteur, retrouvé dans les HTAP familiales, induit une prolifération des cellules vasculaires. Même en l’absence de mutation BMPR2, une dysrégulation apoptotique a été décrite chez les enfants atteints d’HTAP associée aux cardiopathies congénitales. La prolifération incontrôlée des cellules endothéliales résistantes à l’apoptose aboutit à l’obstruction de la lumière vasculaire et à l’élévation des résistances. Rôle de l’inflammation Le rôle de l’inflammation dans l’HTP a initialement été étudié dans l’HTP associée aux maladies de système. L’augmentation de chémokines et chimiokines circulantes a été retrouvée chez

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