Aller au contenu principal
TwitterFacebookLinkedinPartager

Coronaires

Publié le  Lecture 12 mins

Comment optimiser le traitement médicamenteux de l’angor réfractaire non revascularisable ?

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Il peut sembler quelque peu provocant, à l’ère de l’angioplastie triomphante de s’intéresser aux patients non revascularisables ! Les progrès synchrones du matériel d’angioplastie et de la virtuosité des opérateurs ont indiscutablement considérablement élargi les indications de l’angioplastie chez les patients symptomatiques.
De même, les possibilités de la chirurgie coronaire se sont-elles aussi étendues, notamment vers les patients les plus âgés ou porteurs de pathologies associées qui, grâce aux progrès des techniques d’anesthésie et de réanimation, peuvent actuellement être revascularisés chirurgicalement moyennant, là aussi, un risque iatrogène réduit. Malgré ces importantes avancées des techniques de revascularisation, il reste des patients porteurs d’un angor réfractaire et non revascularisables.

Deux situations Une athéromatose diffuse et sévère L’extension et la sévérité des lésions sur le lit d’aval se voient plus volontiers chez le diabétique, mais également chez le coronarien âgé ayant, grâce aux bons soins de la corporation des cardiologues, survécu plusieurs décennies à l’épisode coronarien inaugural. De telles situations se rencontrent, bien entendu, de plus en plus fréquemment chez les patients déjà pontés ou multidilatés. Malgré les progrès précédemment évoqués des techniques de réanimation postopératoires, certaines pathologies lourdes extracardiaques, neurologiques ou pulmonaires notamment, restent des contre-indications formelles à la revascularisation. Dans tous ces cas de figure, les patients peuvent rester symptomatiques de leur angine de poitrine, au repos et à l’effort, sans solution de revascularisation et nécessiter donc un réajustement pharmacologique. Une angioplastie à risque chez un patient jeune monotronculaire Une autre catégorie de patients pose un tout autre problème. Il s’agit de coronariens jeunes, symptomatiques et porteurs d’une lésion monotronculaire ne concernant pas la partie proximale d’un gros tronc épicardique, donc plus distale et comportant, par exemple du fait de tortuosité, de calcification, d’une bifurcation, un risque « de complication perprocédure » d’angioplastie largement supérieur à la norme. Dans ce cas de figure, il peut être légitime de tenter une ou deux étapes d’optimisation du traitement pharmacologique avant de se résoudre à poser l’indication d’une angioplastie à risque. Dans ce deuxième cas, bien entendu, il ne s’agit pas de malades non revascularisables, mais de patients pour lesquels le rapport bénéfice/risque de l’approche interventionnelle et de l’approche purement pharmacologique mérite des réévaluations successives. Comment optimiser le traitement médical ? La première étape comporte la recherche de facteurs adjuvants, aggravant l’ischémie myocardique et devant être dans la mesure du possible corrigés Le plus habituel d’entre eux est l’anémie, facteur fréquent d’aggravation des symptômes coronaires chez le sujet âgé. Bien entendu, le diagnostic étiologique et le traitement spécifique de l’anémie est l’étape la plus importante. Dans certaines situations telle l’insuffisance rénale chronique, certaines anémies d’origine centrale et certaines anémies inflammatoires, un traitement symptomatique est indispensable. Il est habituellement suffisant d’obtenir un taux d’hémoglobine supérieur à 10 g ; il existe néanmoins une certaine variabilité interindividuelle et, dans certains cas, un angor réfractaire peut être contrôlé par la poursuite, jusqu’à 11 g, voire légèrement plus, de la correction de l’anémie. Le contrôle optimal d’une hypertension artérielle fait partie intégrante du traitement de l’angor réfractaire ; il peut être nécessaire d’avoir recours, en plus des anti-ischémiques, à certains antihypertenseurs non anti-ischémiques, tels les diurétiques ou les inhibiteurs de l’angiotensine II, qui pourront indirectement, par simple réduction des chiffres de pression artérielle systolique, contribuer aux contrôles de la symptomatologie angineuse. Les autres facteurs aggravants, tels un trouble du rythme avec tachycardie, une hyperthyroïdie, un syndrome inflammatoire chronique, méritent d’être diagnostiqués et corrigés. Enfin l’interruption de certaines thérapeutiques médicamenteuses augmentant les besoins en oxygène du myocarde (bêtamimétiques inhalés, théophylline) ou réduisant les apports (anti-inflammatoires non stéroïdiens) participent pleinement au contrôle de l’ischémie myocardique. À gauche : IVA et circonflexe multisténosées en OAG caudale. À droite : OAD 10/40. La deuxième étape est la réévaluation critique de la non-prescription des antiangineux Lorsque le patient est référé pour angor réfractaire non revascularisable et que son ordonnance ne comporte pas de bêtabloquant pas d’inhibiteur calcique pas de dérivé nitré, il convient de revenir, en reprenant l’interrogatoire et l’examen du dossier médical sur le bien-fondé d’une éventuelle contre-indication à l’une de ces trois classes pharmacologiques majeures. C’est certainement dans le domaine des bêtabloquants que l’on retrouve le plus souvent des contre-indications abusives et que l’on dégage donc les plus importants « gisements » d’optimisation du traitement médicamenteux : - en cas de dysfonction ventriculaire gauche il reste fréquent de constater que le traitement bêtabloquant n’avait pas été initialement prescrit, il y a 10 ou 12 ans, alors qu’il n’y avait aucune symptomatologie d’insuffisance cardiaque. En se remplaçant dans le contexte « historique » du milieu des années 80 une telle prudence n’était pas déraisonnable. À la lumière des acquis plus récents de la pharmacologie il est clair que la dysfonction ventriculaire gauche et même, bien sûr, l’insuffisance cardiaque symptomatique ne sont pas des contre-indications à l’utilisation des bêtabloquants. Ils représentent au contraire une indication supplémentaire d’avoir recours, moyennant les précautions d’usage lors de l’initiation du traitement, à cette classe pharmacologique ; - la notion de bradycardie excessive induite par les bêtabloquants est probablement la deuxième raison de la non-prescription de cette catégorie d’antiangineux notamment chez le sujet âgé. Lorsque la symptomatologie angineuse prédomine à l’effort, l’existence d’une dysfonction sinusale avec bradycardie de repos ne doit pas faire renoncer à l’utilisation des bêtabloquants. Après réévaluation critique du rapport bénéfice-risque de la revascularisation, lorsque celle-ci est jugée vraiment déraisonnable, il peut être judicieux d’implanter un pacemaker permettant ainsi de s’affranchir de la bradycardie excessive de repos tout en faisant bénéficier au patient, notamment à l’effort et lors des stress, des effets anti-ischémiques et antiangineux des bêtabloquants ; - l’asthme et, dans une moindre mesure, la bronchite chronique à composantes bronchospastiques restent une contre-indication incontournable aux bêtabloquants. Dans certaines situations cependant le diagnostic d’asthme, ayant conduit à la non-prescription du bêtabloquant, doit être reconsidéré par le cardiologue avec un œil très critique. Lorsque cet « asthme » a débuté à un âge tardif, au-delà de la soixantaine, surtout si la coronaropathie était déjà connue, ne s’agissait-il pas d’une manifestation bronchospastique d’IVG ? D’un asthme cardiaque ? Une réévaluation soigneuse de la pathologie bronchique doit donc être entreprise en collaboration avec le pneumologue. Il est fréquent que le diagnostic d’asthme bronchique soit rétrospectivement remis en cause et que les bêtabloquants puissent être introduits en toute sécurité ; - l’asthénie : certains patients ont refusé, vers la cinquantaine, la prescription de bêtabloquants en raison de leur mauvaise réputation en matière de dynamisme intellectuel, physique et sexuel... En reprenant l’interrogatoire, il est assez fréquent de constater que ce genre de contre-indication est rarement lié à une interruption de traitement après une constatation effectivement d’un tel effet indésirable mais plus souvent la conséquence d’un préjugé défavorable du patient, voire du médecin prescripteur ! Une telle crainte est compréhensible chez un quinquagénaire très actif ; reste-t-elle aussi prioritaire chez le même patient, 20 à 25 ans plus tard, sévèrement handicapé par un angor réfractaire ? Cela mérite, bien entendu, débat ! La non-prescription d’un anticalcique a pu être liée soit à une bradycardie excessive ou un trouble conductif s’il s’agissait du vérapamil ou du diltiazem ; dans quelques cas, bien plus rares, il est vrai qu’avec les bêtabloquants l’appareillage peut être discuté. En ce qui concerne les dihydropyridines, l’œdème des membres inférieurs est rétrospectivement la cause la plus fréquente d’interruption du traitement ; un nouvel essai avec une molécule différente et surtout des posologies peut-être plus faibles peut assez souvent être couronné de succès. Pour les inhibiteurs calciques comme pour les dérivés nitrés c’est parfois l’hypotension qui a amené à renoncer à ces deux catégories d’antiangineux. Là aussi un interrogatoire attentif et la relecture du dossier permet de préciser s’il s’agissait d’une hypotension symptomatique, notamment orthostatique, auquel cas la contre-indication était bel et bien justifiée. Cela n’empêche cependant pas de tenter de réintroduire prudemment, à posologie initialement très faible, l’une de ces deux classes pharmacologiques. Parfois cette notion d’hypotension était essentiellement une maladie du tensiomètre, sans aucune symptomatologie clinique... Dans cette deuxième éventualité non exceptionnelle, la réintroduction d’un antiangineux vasodilatateur est tout à fait légitime. La troisième étape concerne l’ajustement posologique Au fur et à mesure que les essais thérapeutiques ont validé, ces dernières années, de nouvelles classes pharmacologiques, réduisant la morbi-mortalité des coronariens, les prescriptions des cardiologues se sont à juste titre alourdies. Nos ordonnances comportent maintenant rarement moins de 4 à 5 molécules différentes. Certains d’entre nous, et que celui qui n’a pas commis un tel « pêché » jette la première pierre, ont tendance à essayer, plus ou moins consciemment, de contrebalancer la lourdeur de cette polyprescription par l’utilisation de faibles posologies de chacune des classes thérapeutiques. Cette attitude nous donne bonne conscience puisque nous n’avons pas oublié dans notre ordonnance telle ou telle classe pharmacologique sauveuse de vie chez le coronarien, nous sommes donc conformes aux bonnes pratiques. C’est, là aussi, dans le domaine du traitement bêtabloquant, que les posologies sont souvent trop timorées. Rappelons qu’il existe une importante variabilité interindividuelle de la posologie de bêtabloquant nécessaire à l’obtention d’un blocage adrénergique complet. Celui-ci est très mal

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :