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Coronaires

Publié le  Lecture 16 mins

Qu’est-ce qu’une sténose coronaire ?

S.WEBER, Hôpital Cochin Paris-Université Paris Descartes
Laquelle va faire souffrir ? Laquelle va tuer ?


C’est ce qui fait souffrir et parfois mourir les patients.
C’est ce qui fait vivre et souvent prospérer les cardiologues.
C’est une réduction de 70 % du diamètre de la lumière d’une artère coronaire (définition classique, avec une promotion à 50 % seulement pour le tronc commun !).
C’est ce qui réduit de 50 à 70 % le diamètre d’une artère (définition mi chèvre mi chou peu informative de certains compte rendus automatisés).
C’est une réduction du calibre d’une artère coronaire responsable d’une ischémie myocardique.
C’est une « justification » à l’implantation d’une endoprothèse coronaire.
C’est une excellente indication à l’implantation d’une endoprothèse coronaire si elle commande un vaste territoire anatomique, ou si elle occasionne une ischémie réfractaire au traitement médicamenteux.
C’est une réduction de calibre amputant la réserve de vasodilatation coronaire.
C’est une lésion coronaire exposant à un haut risque de rupture de plaque à l’origine d’un infarctus du myocarde ou de mort subite.

Chacune de ces nombreuses définitions (la liste aurait pu être plus longue) comporte sa part de vérité, mais également ses limites. La maladie coronaire, pain quotidien des cardiologues est une fidèle compagne que nous pensons, du fait d’une ancienne et quotidienne fréquentation, parfaitement connaître mais qui garde, fort heureusement, toute sa part de mystère et d’imprévisibilité. La sophistication des méthodes actuelles d’exploration et de traitement de la maladie coronaire laisse néanmoins intactes de nombreuses interrogations sur la physiopathologie et donc sur la logique même de certaines de nos indications notamment en matière de revascularisation myocardique. L’évolution de nos connaissances dans ce domaine n’a pas été un long fleuve tranquille. Lorsque Herberden a brillamment donné la première description parfaitement précise de la crise d’angine de poitrine, il a très rapidement dégagé la gravité de ce marqueur clinique de haut risque de mortalité à court et moyen terme. Les quelques corrélations anatomo-cliniques, autopsiques bien entendu, insistaient beaucoup sur le rôle des calcifications coronaires engainant le muscle cardiaque dans un filet rigide inexpansible et rendant compte ainsi des douleurs puis de l’évolution souvent mortelle. Nous étions loin de la sténose focale méritant dilatation ! Les deux siècles suivants sont restés dominés par la confrontation de tableaux cliniques-constatations autospiques. Les 2 principaux phénomènes sous tendant la maladie coronaire ont été rapidement identifiés : infiltration pariétale athéromateuse d’une part et thrombose endoluminale d’autre part. Le rôle respectif de ces 2 protagonistes a cependant été très diversement évalué avec une grande variété dans le temps et dans l’espace des théories dominantes. Le rôle de la thrombose a été privilégié par les cardiologues européens et notamment français, celui de l’infiltration pariétale et de la sténose par les écoles anglo-saxonnes et notamment Nord Américaines. La conception anatomique focale ou plurifocale de la maladie coronaire Il a fallu attendre la fin des années 50 et surtout les années 60 pour que soit construite la théorie « anatomique » de la sténose coronaire sur laquelle restent fondés beaucoup de nos raisonnements et de nos indications. Cette conception, essentiellement développée outre-Atlantique, est comme souvent liée à la conjonction de plusieurs innovations technique tant en physiologie qu’en cardiologie clinique. En physiologie, il a été enfin possible de reproduire expérimentalement la sténose coronaire chez l’animal anesthésié, d’effectuer des mesures physiologiques fines. Le modèle le plus démonstratif a été celui de l’hyperémie réactionnelle dont le principe était simple. La coronaire d’un gros animal était exposée chirurgicalement permettant l’implantation successive de 3 instruments avec d’amont en aval un simple lac permettant d’occlure de façon intermittente l’artère, un constricteur calibré permettant de réduire ad libitum le calibre de l’artère et enfin, un débitmètre électromagnétique pour mesurer le débit sanguin local. Il a ainsi été démontré que l’occlusion temporaire de cette artère s’accompagnait lors du relâchement du lac d’une importante hyperémie réactionnelle (400 à 500 %) (figure 1A). Lorsque le calibre de l’artère était artificiellement réduit par un constricteur calibré variable (type pied à coulisse) cette hyperémie était entièrement préservée jusqu’à 70 % de réduction du diamètre de l’artère. Au-dessous de 30 % de lumière résiduelle, la réserve de vasodilatation commençait à diminuer jusqu’à réduction du débit coronaire de repos au-delà de 95 % de réduction du diamètre luminal (figure 1B). Figure 1A. Degré de significativité d’une sténose. Constricteur externe ouvert (chien à thorax ouvert). Figure 1B. Constricteur externe « fermé ». Création d’une sténose à 90 %. Forte atténuation de l’hypérémie réactionnelle. Cet élégant modèle expérimental a eu un énorme retentissement car il a eu la chance de coïncider avec la mise au point de la coronarographie (fin des années 50) permettant d’estimer chez l’homme (estimer plus que mesurer réellement !) la sévérité d’une sténose. Quelques années plus tard, le pontage aorto coronaire était mis au point. Il devenait donc très tentant d’assimiler les résultats expérimentaux chez l’animal aux chiffres de réduction luminale observée à la coronarographie et d’en déduire les indications du pontage aorto-coronaire. C’est ce qui fut fait, avec au demeurant un certain succès, mais comme souvent d’importantes limites. La généralisation des coronarographies et des pontages a à peu près coïncidé avec la démarche de suivi longitudinal à moyen et long terme des patients coronariens et l’évaluation prospective randomisée des résultats de la chirurgie. Il a rapidement été établi qu’il y avait une bonne corrélation entre le nombre de gros troncs épicardiques porteurs d’une sténose supérieure à 70 % et le pronostic. Cette démarche de corrélation anatomo-pronostique a, au passage amené à abaisser à 50 % le degré de significativité de sténoses du tronc commun dont le pronostic est rapidement apparu comme étant particulièrement péjoratif. Ces études ont amené à une conception « plurifocale » de la maladie coronaire, la paroi artérielle étant implicitement considérée comme une succession de zones saines et de sténoses devenant « significatives » lorsqu’elles dépassaient le sacro saint seuil des 70 %. Cette approche mécanistique s’est avérée dans une large mesure fructueuse, puisqu’elle a rapidement dégagé les indications opératoires sur le tronc commun et les tritronculaires proximaux. Les résultats des études randomisées chirurgie versus absence de chirurgie (tous les patients recevant le traitement médical de l’époque associant aspirine et bêtabloquant) n’ont cependant pas permis de mettre en évidence la supériorité de la revascularisation chez les malades mono et bitronculaires et même chez les tritronculaires respectant l’IVA proximale et sans dysfonction ventriculaire gauche. Ce résultat pouvait sembler paradoxal alors même que les patients étaient porteurs d’une ou plusieurs sténoses dépassant ce seuil magique de 70 % (figure 2). Cette conception plurifocale de la maladie coronaire était encore largement dominante lors des premiers balbutiements de l’angioplastie coronaire. Il n’était pas exceptionnel à cette époque reculée de proposer la revascularisation partielle d’un tritronculaire sur la sténose non pas forcément la plus menaçante mais la plus facile à dilater (la dilatation étant elle-même alors difficile avec un matériel rudimentaire). Le raisonnement étant de transformer un tritronculaire en bitronculaire et d’améliorer ainsi le pronostic ! Figure 2. Théorie focale ou plurifocale de la maladie coronaire. Les limites des indications de revascularisation basées sur la seule anatomie ont amené bien sûr à une réflexion critique sur les fondements même de cette théorie. Au plan expérimental, le modèle animal à thorax ouvert est fiable et rigoureux mais ne reproduit pas loin s’en faut la réalité d’un patient coronarien. Il s’agit d’une constriction artificielle, très localisée sur un arbre artériel globalement sain ; ce modèle aigu d’une pathologie chronique ne prend en compte ni la mise en jeu d’une circulation collatérale ni les possibilités d’adaptation à l’ischémie du myocarde d’aval. Plus encore l’extrapolation à la coronarographie chez l’homme des degrés de sténose obtenus avec un pied à coulisse chez un animal à coronaires saines n’est pas réaliste. La mesure même du degré de sténose est difficile chez le patient coronarien. Dans l’athérome humain, la réduction du diamètre n’est pas le seul paramètre ; entrent bien entendu en compte la longueur de la sténose, sa morphologie et enfin la rigidité des segments artériels d’amont et d’aval. Le calcul précis de la réduction du diamètre de la lumière artérielle est délicat. Il ne s’agit plus de mesurer une réduction de calibre focal sur une artère saine à bords parfaitement parallèles en amont et en aval de l’obstacle. La sténose que l’on mesure n’est généralement que le point culminant d’une lésion athéromateuse s’étendant parfois sur plusieurs millimètres voire plusieurs centimètres de longueur. De plus le choix du segment artériel de référence supposé « sain » peut être difficile car il n’y a pas, dans la maladie coronaire humaine, de segment artériel entièrement indemne d’athérome (figure 3). Figure 3. Conception globale de la maladie coronaire. Il n’y a aucun segment artériel sain. La zone choisie pour référence peut être soit rétrécie par un athérome concentrique, soit au contraire légèrement voire fortement dilatée par cette même maladie athéromateuse. Le recours à l’angiographie quantitative avec détermination « automatique » du degré de sténose, n’améliore que partiellement la précision de la mesure. Certes, elle limite un peu les conséquences de la subjectivité de l’observateur, mais en l’absence de modèle géométrique solide, on retrouve à la sortie du système, les hypothèses (en fait les préjugés) que l’on avait injectés lors de l’élaboration du logiciel ! Tout est dans l’ischémie Pour pallier les insuffisances du modèle tout anatomique, les théories du « tout ischémique » ont été mises en avant la décennie suivante. Cela faisait bien sûr longtemps que, par une simple épreuve d’effort, les cardiologues savaient détecter et, dans une certaine mesure, quantifier l’ischémie myocardique. L’instrument de mesure s’est perfectionné grâce aux progrès des techniques isotopiques classiques (thallium et analogue), puis quelques années plus tard, l’échographique de stress, et plus récemment encore l’IRM de stress. En première analyse, les performances de ces nouvelles méthodes d’évaluation de l’ischémie myocardique paraissent très séduisantes. Elles permettent de mieux quantifier l’ischémie myocardique que la simple épreuve d’effort, d’en évaluer la sévérité, d’en préciser la topographie et de

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