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Hypertension pulmonaire

Publié le  Lecture 12 mins

HTAP : quelle prise en charge en 2006 ?

Y. ETIENNE*, Y. JOBIC et I. FRACHON, CHRU de Brest

Maladie grave, longtemps orpheline, l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) suscite un vif regain d’intérêt. En effet, des progrès thérapeutiques importants, alimentés par l’évolution des connaissances fondamentales et épidémiologiques, sont enregistrés à un rythme soutenu : ils bousculent ainsi la communauté médicale en nous incitant à mieux dépister cette affection trompeuse et légitiment l’espoir des patients.
La mise en perspective des vingt années écoulées éclaire la stratégie de prise en charge actuellement recommandée.

Vingt ans pour une révolution thérapeutique : la prostacycline Jusqu’aux années 1980, le diagnostic d’une HTAP idiopathique, typiquement chez une jeune femme, signait un pronostic péjoratif à court terme (médiane de survie : 2,8 ans), légitimant les premières greffes cardio-pulmonaires. En 1984, un tournant décisif est constitué par l’utilisation pour la première fois en Angleterre de la prostacycline, puissant vasodilatateur artériel, en perfusion continue. La jeune patiente ainsi traitée retrouvera une certaine autonomie à domicile. Il faudra attendre 1996 pour qu’un essai randomisé contre traitement conventionnel prouve l’efficacité de la prostacycline sur la mortalité de l’affection (8 décès dans le groupe témoin et aucun dans le groupe traité) : la prostacycline devient le traitement de référence et non plus une solution d’attente à la greffe. Ses modalités de prescription contraignantes vont justifier la poursuite de l’effort de recherche. Trois facteurs vont peser dans le développement thérapeutique ultérieur : • une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques ouvrant d’autres voies pharmacologiques ; • la synergie patients - soignants, concrétisée en France par la création de l’association HTAP-France en 1990 par N. Cabon et F. Brenot ; • l’émergence de centres de référence nationaux, collaborant activement au niveau mondial à la conduite d’essais thérapeutiques d’envergure soutenus par une industrie pharmaceutique dynamique. Une classification pragmatique Cette mise en commun des moyens va motiver la tenue d’un symposium international en juin 2003 à Venise, permettant de proposer une classification opérationnelle des hypertensions pulmonaires, assortie de recommandations de prise en charge (tableaux 1 et 2). Le premier groupe constitue les hypertensions artérielles pulmonaires (HTAP) proprement dites qui bénéficient de la majorité des avancées thérapeutiques. Les HTAP du groupe 4, postemboliques, sont importantes à identifier du fait des possibilités de guérison chirurgicale dans les formes proximales (thromboendartériectomie pulmonaire). Enfin, la discussion thérapeutique pour les HTAP des groupes 2 et 3 (secondaires, respectivement, à une insuffisance ventriculaire gauche et à une maladie respiratoire chronique) renvoie à la prise en charge respective de ces pathologies. Une étape difficile : reconnaître l’HTAP La clarification apportée par la réunion de Venise et de meilleures perspectives thérapeutiques sont autant d’incitations pour le médecin à mieux connaître les différentes facettes de cette affection. Si tout praticien peut être amené à dépister et s’interroger sur la prise en charge d’une HTAP, deux cas de figure peuvent être néanmoins distingués. L’HTAP associée à une autre pathologie Une HTAP complique 10 à 15 % des sclérodermies, particulièrement dans les formes limitées de sclérodermie systémique (CREST syndrome). Elle grève alors lourdement le pronostic de la maladie et nécessite à ce titre un dépistage par une échocardiographie annuelle. L’hypertension portale, en majorité secondaire à une cirrhose du foie, est associée à deux entités pulmonaires distinctes. On peut observer, d’une part une hypoxémie liée au développement de shunts intrapulmonaires (syndrome hépato-pulmonaire) et, d’autre part, une hypertension artérielle pulmonaire (hypertension porto-pulmonaire). Ces entités sont d’expression clinique et de mécanisme physiopathologique différents. Les patients infectés par le VIH développent une HTAP dans environ 0,5 % des cas, indépendamment de leur statut immunitaire. Dans ce contexte, le dépistage de l’HTAP par échocardiographie devant une dyspnée inexpliquée est nécessaire. L’incidence des HTAP associées à la prise d’anorexigène a reculé après le retrait des autorisations de mise sur le marché de la fenfluramine en 1996, trente ans après celui de l’aminorex. Toutefois, le risque d’HTAP (1/10 000 sujets exposés) persiste de nombreuses années après l’exposition. Enfin, 10 % des cardiopathies congénitales avec shunt gauche-droit développeront une HTAP ultérieure. L’exploration d’une dyspnée inexpliquée Dans le deuxième cas de figure, c’est la dyspnée inexpliquée, chez un patient exempt en apparence de toute pathologie, qui va faire suspecter une HTAP encore méconnue. Circonstances de découverte Si la découverte de l’affection se fait en règle chez des patients âgés de 20 à 40 ans, il n’est pas exceptionnel de faire le diagnostic chez des patients plus âgés. On recense 1,7 cas féminins pour 1 cas masculin. Le délai entre les premiers symptômes de la maladie (dyspnée d’effort essentiellement) et le diagnostic d’HTAP est d’environ 23 mois. Le diagnostic est encore majoritairement porté chez des patients à un stade évolué. En effet, la symptomatologie d’appel est souvent fruste et peu spécifique, dominée par la dyspnée d’effort. Parfois, une asthénie, des douleurs précordiales ou des syncopes à l’effort vont attirer l’attention. Quand les examens de débrouillage (radiographie de thorax, ECG, spirométrie) pratiqués usuellement devant une dyspnée ne sont pas probants, le recours systématique à une échographie cardiaque et à une scintigraphie pulmonaire peut aiguiller vers une anomalie cardiovasculaire. La symptomatologie d’appel est souvent fruste et peu spécifique, dominée par la dyspnée d’effort. Apport de l’échocardiographie Si la radiographie thoracique et l’ECG s’avèrent rarement normaux dans cette affection, l’échocardiographie constitue cependant l’examen-clé dans la prise en charge d’un patient suspect d’HTAP (figures 1-3) et va permettre : • d’en confirmer le diagnostic par la mesure de la pression pulmonaire systolique (PAPS) à partir du flux d’insuffisance tricuspide (IT) obtenu dans 70 à 80 % des cas (si besoin complété par le recueil du flux d’insuffisance pulmonaire) en appliquant l’équation de Bernoulli simplifiée et en tentant d’estimer la pression auriculaire droite (POD) ; il faut cependant garder à l’esprit que le Doppler ne permet pas une mesure directe de la POD, ni de la pression capillaire pulmonaire (PCP) et ne préjuge pas du caractère pré- ou postcapillaire de l’HTAP. Une valeur de PAPS > 35 mmHg sera généralement considérée comme pathologique en sachant que la valeur « normale » augmente avec l’âge. Un algorithme décisionnel a été proposé en fonction de la Vmax de l’IT (figure 4) ; • d’en apprécier la sévérité et le retentissement : dilatation des cavités droites, septum paradoxal, contractilité ventriculaire droite (fraction de raccourcissement de surface, échographie 3-D, Doppler tissulaire de l’anneau, etc.), voire estimation des résistances pulmonaires ; • d’éliminer une dysfonction ventriculaire gauche ou d’apporter une orientation étiologique (shunt gauche–droit, maladie thromboembolique) ; • d’apporter des éléments pronostiques : taille de l’oreillette droite, fonction ventriculaire droite, présence d’un épanchement péricardique, index de Tei, index d’excentricité du ventricule gauche. Figure 1. Incidence apicale 4 cavités. A. Dilatation des cavités droites et HVD ; B. Évaluation de la PAPS à partir du flux d'IT. Figure 2. Incidence PSG petit axe : index d'excentricité VG (D1/D2). Figure 3. Doppler tissulaire de l'anneau tricuspidien : FEVD 45 % si S 11,5 cm/s. Figure 4. Définition du risque d'HTAP. La scintigraphie pulmonaire Elle est systématique quel que soit le résultat de l’échographie cardiaque. En effet, l’HTAP postembolique, liée à la persistance et à l’organisation fibreuse de caillots, est une entité trompeuse : l’anamnèse ne retrouve aucun antécédent évocateur d’une maladie thromboembolique dans la moitié des cas et l’angioscanner spiralé ainsi que l’écho-Doppler veineux des membres inférieurs peuvent être négatifs. Intérêt de la structuration des soins Confirmer le diagnostic par cathétérisme cardiaque droit et élaborer la stratégie thérapeutique : la mission des centres de référence. L’effort important consenti en France pour la prise en charge des maladies orphelines (plan d’action pour les maladies rares) a abouti à la reconnaissance récente d’un réseau de soins regroupant les centres de proximité et le centre de référence de l’hôpital Antoine-Béclère. Cette structuration permet de proposer une démarche standardisée et une prise en charge nécessairement multidisciplinaire, et facilite l'accès des patients aux innovations thérapeutiques, grâce à leur inclusion dans des études cliniques. Le cathétérisme cardiaque droit Cette exploration constitue l’examen de référence dans l’évaluation de l’HTAP. Ses modalités de réalisation doivent répondre aux recommandations internationales largement diffusées. Le cathétérisme donne accès de manière fiable à des paramètres non obtenus en échoDoppler (POD, PCP, résistances vasculaires pulmonaires, pression veineuse sus-hépatique bloquée) (figure 5) et aux gazométries étagées ; le diagnostic d’HTAP pré- ou postcapillaire sera ainsi affirmé et, en fonction des paramètres de base, seront réalisés des tests complémentaires tels que le test de réactivité au NO, l’épreuve de remplissage ou le test d’effort. Figure 5. Le cathétérisme cardiaque droit. Outre le diagnostic positif, le cathétérisme va permettre de faire un diagnostic de sévérité, sera utile pour finaliser le choix thérapeutique comme le suivi du patient sous traitement et apportera des éléments pronostiques : diminution de la saturation veineuse centrale, non-réponse au NO, POD moyenne > 12 mm Hg, PAP moyenne > 65 mmHg. L’échocardiographie-Doppler constitue l’examen clé dans le dépistage de l’HTAP, le cathétérisme droit l’examen de référence pour en préciser le caractère pré- ou postcapillaire. L’évaluation fonctionnelle initiale En complément de cette exploration invasive, le bilan initial va s’appuyer sur des données aisément obtenues. La classification fonctionnelle adaptée de celle de la NYHA (tableau 3) est utile tant pour caractériser aisément les groupes de patients inclus dans les études – on la retrouvera donc dans les

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