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Coronaires

Publié le  Lecture 12 mins

L'angor vasospastique : le test au méthergin n'est pas assez pratiqué

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Nous n’évoquerons que l’angor vasospastique à coronaires angiographiquement saines, ou en tout cas indemnes de lésions athéromateuses significatives. La fréquence de l’angor vasospastique est impossible à préciser ; la grande variation de la prévalence de ce diagnostic d’une équipe à l’autre tient essentiellement de la stratégie d’exploration retenue et notamment du recours ou non aux tests de provocation chaque fois que les résultats de la coronarographie ne rendent pas suffisamment compte du tableau électroclinique. Dans la mesure où les faux positifs des tests de provocation et notamment du test au méthergin sont très rares, il est raisonnable de considérer les observations des équipes ayant souvent recours à ces tests comme représentatives de la réalité « épidémiologique ».

Quel mécanisme ? La physiopathologie de l’angor spastique à coronaires saines reste largement inconnue. Une maladie capricieuse La prévalence de cette pathologie est certes très variable d’un pays à l’autre : - relativement modeste dans les pays occidentaux, - très prévalente dans certains pays asiatiques, notamment au Japon. Il s’agit d’une maladie d’évolution cyclique : les phases d’activité vasospastique alternant avec de longues phases de quiescence. Il existe dans toutes les séries un rôle favorisant massif de l’intoxication tabagique. Enfin, l’angor spastique à coronaires saines est parfois associé à d’autres manifestations d’hyperréactivité du muscle lisse artériel, telles certaines formes de migraine et de phénomène de Raynaud, ou du muscle lisse bronchique, asthme ou a minima une simple hyperréactivité bronchique. Deux facteurs principaux Deux facteurs principaux sont impliqués : une augmentation du tonus vasoconstricteur neurogène et une diminution diffuse ou localisée de l’activité vasodilatatrice de l’endothélium. Le mécanisme neurogène peut correspondre soit : - à une hyperactivité du système parasympathique responsable de spasmes prédominants sur la coronaire droite ou la circonflexe et survenant plus volontiers lorsque le tonus vagal est élevé, par exemple en deuxième partie de nuit ou dans la période de récupération post-exercice, - à une hypertonie alpha-adrénergique concernant plus volontiers le territoire de l’IVA, ce deuxième mécanisme étant probablement moins fréquent. La dysfonction endothéliale, diffuse ou localisée, est le deuxième mécanisme invoqué, notamment chez les patients porteurs de nombreux facteurs de risque athéromateux classiques. Chez ces patients, il est assez fréquent de retrouver un athérome a minima, notamment par l’échographie endocoronaire. Chez ces mêmes patients, l’exploration de la vasomotricité à médiation endothéliale des artères périphériques est pathologique. Cette dysfonction endothéliale peut être localisée au regard d’une plaque athéromateuse non sténosante ou d’une zone où l’endothélium est soumis à des contraintes répétées, comme un enfouissement myocardique : « pont musculaire » de l’IVA. Cette dysfonction endothéliale peut également être plus diffuse expliquant que, chez un même patient, le territoire concerné par un angor vasospastique peut varier d’un épisode ischémique à l’autre. Bien souvent, l’expression clinique de cette vasomotricité coronaire exagérée nécessite simultanément une composante neurogène et une composante endothéliale. Quand suspecter un spasme ? Devant un tableau d’angor instable Clinique L’origine vasospastique peut être évoquée, voire diagnostiquée, avant même la pratique de la coronarographie en fonction du terrain : sujet jeune, prédominance féminine, forte prévalence du tabagisme, terrain migraineux, antécédent de phénomène de Raynaud… Ces épisodes douloureux de repos surviennent plus volontiers en deuxième partie de nuit ; leur durée est parfois un peu plus longue que dans l’angor instable habituel, pouvant atteindre 15 minutes consécutives, et ils s’accompagnent occasionnellement de palpitations, de lipothymies ou de vraies pertes de connaissance. La douleur reste nitro-sensible. ECG Un électrocardiogramme percritique, s’il est obtenu, affirme le diagnostic avec une quasi-certitude lorsqu’il objective un sus-décalage percritique du segment ST, s’accompagnant volontiers d’une hyperexcitabilité ventriculaire lorsque le territoire concerné est celui de l’IVA et de troubles de la conduction auriculo-ventriculaire lorsqu’il s’agit du territoire de la coronaire droite. Si l’aspect de sus-décalage est quasi pathognomonique du spasme, a contrario, un aspect de sous-décalage transitoire du segment ST n’élimine pas ce diagnostic. L’ischémie d’un angor vasospastique peut, en effet, rester banalement sous-endocardique et donc générer un sous-décalage de ST lorsque le spasme n’est pas complètement occlusif. L’angor d’effort n’est presque jamais d’origine vasospastique, alors que les douleurs survenant électivement dans les cinq premières minutes de récupération d’un effort physique intense sont évocatrices de ce mécanisme. Il existe, en effet, en phase de récupération, surtout après un effort brutal et intense, une hypertonie vagale et une période transitoire d’alcalose, tous deux facteurs favorisant la survenue d’un vasospasme coronaire. Le plus souvent, l’angor vasospastique se présente comme un angor instable tout à fait banal, le diagnostic étant évoqué lorsque la coronarographie ne retrouve pas de lésion sténosante susceptible d’expliquer le tableau clinique. Dans ce cas, le diagnostic est posé par le recours à un test de provocation. À la phase aiguë d’un infarctus Le diagnostic d’angor vasospastique doit être évoqué lorsque le réseau coronaire est normal, cette éventualité représente 5 à 6 % des cas chez les patients 65 ans opacifiés en phase aiguë. Le diagnostic est plus difficile à établir. La pratique de tests de provocation lors de la coronarographie initiale, c’est-à-dire en phase aiguë d’infarctus myocardique, n’est pas recommandée… Le mécanisme vasospastique sera évoqué sur un faisceau d’arguments : - négativité du reste du bilan étiologique, - recherche des éléments cliniques d’orientation précédemment évoqués (migraines, Raynaud…), - recherche d’épisodes de douleurs thoraciques intermittentes de deuxième partie de nuit ayant précédé l’infarctus, - surtout, pratique d’un test de provocation à l’occasion d’une coronarographie renouvelée à quelques semaines de distance de l’infarctus. Ce test de provocation, retardé de quelques semaines pour des raisons de sécurité, reste spécifique (quasiment pas de faux positif) mais la sensibilité n’est pas parfaite (quelques faux négatifs) compte tenu du caractère « cyclique » de la maladie vasospastique coronaire. Lors du bilan étiologique d’une mort subite Un test de provocation doit être pratiqué chez les patients survivant sans séquelle neurologique lorsque le bilan étiologique (recherche de maladie coronaire obstructive et bilan rythmologique) aura été négatif. L’angor vasospastique est, en effet, une étiologie relativement fréquente des arrêts cardiaques extrahospitaliers, prouvant, s’il en était besoin, la dangerosité de la méconnaissance d’un tel diagnostic. Les tests de provocation Quand les réaliser ? À l’étape diagnostique, ils ne seront pratiqués que si le diagnostic n’a pas été déjà formellement établi. En pratique : - si l’on a pu enregistrer, avant la coronarographie, une ischémie électrocardiographique indiscutable transitoire et synchrone de la douleur et si la coronarographie est normale, le diagnostic peut être considéré comme certain et aucun test de provocation n’est nécessaire. Cette éventualité est cependant minoritaire ; - dans les autres cas, la pratique d’un test de provocation s’inscrit pleinement dans la logique de l’exploration complète d’un syndrome douloureux thoracique. Si le cardiologue prescripteur a jugé la douleur suffisamment cliniquement compatible avec un diagnostic d’angor pour poser l’indication d’une coronarographie et si celle-ci ne retrouve pas de lésion sténosante, la non-pratique d’un test de provocation amène à choisir entre deux attitudes qui ne seront pas solidement étayées : • ne proposer aucune prescription médicamenteuse avec le risque de méconnaître un angor spastique dont la prochaine manifestation clinique pourra être un infarctus ou une mort subite ; • prescrire un traitement par inhibiteurs calciques pour une durée prolongée sans certitude diagnostique, exposant inutilement le malade à la contrainte et aux éventuels effets indésirables d’un tel traitement. Cette prescription d’un anticalcique « au bénéfice du doute » peut être considérée comme un compromis acceptable si le patient est hypertendu ; dans ce cas, l’indication du traitement antihypertenseur est nécessaire, pouvant s’orienter préférentiellement vers un inhibiteur calcique sans certitude absolue du mécanisme. Réalisation pratique • Les tests de provocation du spasme font appel à deux agents pharmacodynamiques principaux : - l’acetylcholine et ses dérivés, riches d’enseignements physiopathologiques mais de maniement pratique parfois difficile (doses fractionnées, risque important de bradycardie) ; - des dérivés vasoconstricteurs de l’ergot de seigle ; la molécule utilisée en France étant le méthergin (méthylergométrine), administré par voie intraveineuse soit sous forme de dose unique, soit sous forme de doses fractionnées croissantes, selon les habitudes de chaque équipe (figure). • Les conditions de réalisation du test retenues par notre équipe sont listées dans l’encadré. • Réunir l’ensemble de ces conditions assure une très forte sécurité à ce test en insistant sur la levée immédiate du spasme dès que le test est positif, en résistant à la tentation de multiplier les incidences pour enregistrer les « belles images ». La belle image est celle qui permet un diagnostic de certitude avec une prise de risque iatrogène minimale, c’est-à-dire une beauté fugace ! • Signalons une divergence entre les recommandations du dictionnaire Vidal (édition 2007), qui représentent donc les recommandations françaises les plus « officielles » où seule la voie intraveineuse est recommandée à l’exclusion de toutes autres voies d’administration, et les recommandations européennes faisant une large place à la voie intracoronaire. L’essentiel des publications sur le test au méthergin a été effectué, lors de la validation de cette technique au début des années 80, par voie intraveineuse ; ceci dit, de nombreuses équipes ont recours apparemment sans souci particulier à la voie intracoronaire. Nous restons pour notre part, fidèles aux recommandations du Vidal. • La sensibilité du test au méthergin est excellente lorsqu’il est pratiqué dans les quelques heures ou quelques jours suivant un épisode douloureux spontané. En revanche, du fait du caractère cyclique de la vasospasticité, plus on s’éloigne

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