A. HAGÈGE, hôpital européen Georges Pompidou, Paris
Dans les 6 ans suivant un syndrome coronaire aigu, 18 % des hommes et 35 % des femmes auront un nouvel accident coronaire tandis que la plupart des arrêts cardiaques surviennent dans les 18 mois après la sortie de l’hôpital suite à un infarctus(1-4). Les patients ayant fait un infarctus ont un taux de mort subite 4 à 6 fois plus élevé que celui de la population générale. De plus, 70 % des décès coronaires et 50 % des infarctus surviennent chez des sujets ayant des antécédents de coronaropathie et la probabilité d’infarctus mortel est 4 à 7 fois plus élevée chez les coronariens avérés(3). On comprend alors l’importance majeure d’une prise en charge optimale en ville du patient en postinfarctus : elle doit inclure un bilan initial permettant de fixer le pronostic et une optimisation thérapeutique (médicaments, contrôle des facteurs de risque et éducation).
Bilan complémentaire après la sortie de l’hôpital Lors de la prise en charge initiale en ville d’un patient en postinfarctus, il faut disposer de plusieurs examens (1-4). Échocardiographie Doppler Elle doit notamment évaluer la dilatation du ventricule gauche et l’altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG). En postinfarctus, une FEVG 30 % et/ou un volume télésystolique > 130 ml sont des facteurs prédictifs indépendants de morbi-mortalité à long terme. ECG d’effort Il permet d’apprécier la capacité fonctionnelle, l’efficacité du traitement médical et le risque d’événements cardiaques. En l’absence de coronarographie, un test d’effort doit être réalisé précocement afin d’évaluer la présence et l’étendue d’une ischémie inductible. Différentes alternatives à l’ECG d’effort ont été proposées. L’ECG d’effort peut être remplacé par une scintigraphie myocardique d’effort lorsque les anomalies ECG empêchent l’interprétation à l’effort (bloc de branche gauche ou pace-maker) ou par une échographie sous dobutamine lorsque l’ECG d’effort est impossible ou ininterprétable. La supériorité de l’échographie d’effort sur l’ECG d’effort classique après infarctus n’a pas été établie. Les tests d’effort doivent idéalement être réalisés après arrêt des bêtabloquants, le traitement devant être interrompu la veille de l’examen et repris juste au décours. Un test d’effort maximal et démaquillé négatif a une excellente valeur prédictive négative (taux d’événements cardiaques de 10 % à 1 an et de décès de 2 % à 6 mois) (tableau). Échocardiographie de stress (5) L’échographie de stress est utile pour le suivi du coronarien. Elle vient en complément de l’ECG d’effort, permettant une évaluation des patients incapables de réaliser un effort (échographie sous dobutamine) ou présentant un ECG non interprétable (bloc de branche gauche complet par exemple). Elle permet de préciser la topographie et l’extension de l’ischémie myocardique chez les patients revascularisés ou ayant fait un infarctus du myocarde. Enfin, il n’est probablement pas illicite de réaliser à titre systématique ce type de test chez le diabétique, ou de rechercher une aggravation à l’effort d’une fuite mitrale ischémique, marqueur de mortalité indépendant des paramètres classiques comme la FEVG. Holter-ECG (6) Il est utile chez les patients à risque élevé (FEVG 40 %), l’existence de troubles du rythme ventriculaire complexes étant un marqueur du risque de mort subite. Le risque d’arythmie ventriculaire maligne est plus élevé durant la première année en postinfarctus. Arythmies ventriculaires La détection d’une arythmie ventriculaire fréquente ou complexe au Holter ECG en postinfarctus constitue un marqueur du risque de survenue d’arythmies ou de mort subite. La réduction significative de ces anomalies sous traitement médical a une valeur plus discutée. De nombreuses études menées en postinfarctus confirment que les extrasystoles ventriculaires fréquentes (> 10/h), répétitives ou complexes, ou les TV non soutenues, majorent de 2 à 3 fois le risque de mortalité globale et de 3 à 4 fois le risque de mort subite. Il s’agit d’un facteur de risque indépendant surajouté au risque lié à la baisse de la FEVG. Mais, lorsque la FEVG est conservée, il n’y a pas intérêt à faire disparaître significativement au Holter les arythmies ventriculaires par un traitement antiarythmique de classe IC, avec une surmortalité démontrée par l’étude CAST. Dès lors, la réalisation d’un Holter en postinfarctus n’est pas recommandée en routine en l’absence de dysfonction ventriculaire gauche. Ischémie myocardique silencieuse Il s’agit d’une manifestation très fréquente de la maladie coronaire représentant 70 à 80 % de la totalité des épisodes ischémiques sur le Holter-ECG. Elle constitue un facteur de mauvais pronostic aussi bien dans l’angor stable ou instable qu’en postinfarctus : en sa présence sur un Holter réalisé 8 jours après infarctus, la mortalité à 1 an est de 30 % (contre 11 % en l’absence d’ischémie silencieuse). Variabilité sinusale La variabilité sinusale (VRS) reflète l’équilibre du système nerveux autonome et peut être étudiée par Holter. Une analyse globale est réalisée par mesure de la déviation standard de l’ensemble des intervalles RR entre deux QRS normaux (SDNN). De plus, la déviation standard des intervalles RR en comparant des périodes moyennes de 5 min témoigne de l’état du tonus sympathique. L’analyse temporelle permet aussi d’apprécier l’état du tonus vagal par l’étude des cycles RR adjacents. En postinfarctus, une valeur de SDNN 50 à 70 ms est un facteur indépendant de mortalité cardiovasculaire. La valeur prédictive positive de ce paramètre est comparable à celle de la FEVG pour prédire la mortalité globale et supérieure à celle-ci pour prédire la survenue de tachycardies ventriculaires (TV) et la mort subite. Dynamique de la repolarisation Si l’allongement de l’intervalle QT est un facteur de risque de mort subite, il est moins bien corrélé au risque rythmique en postinfarctus. Par contre, la dispersion de l’intervalle QT, qui témoigne des différences régionales des périodes réfractaires, est un bon facteur prédictif d’arythmies ventriculaires. Les sensibilité et spécificité d’une dispersion de 80 ms sont d’environ 65 et 85 % respectivement. La dispersion du QT augmente avec la taille de l’infarctus et avec l’altération de la FEVG en dessous de 40 %. L’alternance de l’onde T peut permettre d’identifier des pa-tients à haut risque d’arythmies ventriculaires. Il s’agit de variations morphologiques dans la forme, l’amplitude ou la polarité de T, analysables par numérisation du signal ECG en activité normale ou lors d’un test d’effort. L’amplitude de l’alternance de l’onde T est définie par le produit de la durée et des épisodes d’alternance par l’amplitude de ses alternances ; la valeur prédictive positive la plus utilisée est > 550 µV. Autres examens Rechercher une arythmie Le risque d’arythmies ventriculaires peut être évalué après infarctus par des tests incluant, outre le Holter, la recherche de potentiels tardifs, l’étude de la variabilité de la fréquence cardiaque, de l’alternance et/ou de la variabilité de l’onde T. Bien que la valeur prédictive négative de la plupart de ces tests pris isolément soit élevée (> 90 %), leur valeur prédictive positive est très faible ( 30 %) et, en raison de leur coût, ces tests ne sont pas actuellement recommandés en routine. Potentiels tardifs ventriculaires (6) La présence de potentiels tardifs ventriculaires (PT) témoigne de l’existence d’une zone de conduction lente à potentiel arythmique au niveau de la cicatrice de l’infarctus. La prévalence des PT après infarctus est de 25 à 35 %. Leur présence est influencée par la perméabilité de l’artère coronaire responsable de l’infarctus (6 à13 % si l’artère est perméable vs 26 à 40 % si elle est occluse). La période la plus appropriée d’enregistrement des PT se situe à la 2 e semaine après infarctus. En présence de PTV, l’incidence des événements cardiaques (TV ou mort subite) est multiplié par 8 (1 vs 2 %). Si leur valeur prédictive négative est excellente, autour de 95 %, leur valeur prédictive positive est médiocre, de l’ordre de 20 %, mais peut être augmentée par l’association à d’autres marqueurs du risque, notamment la FEVG (figure 1). Figure 1. Potentiels tardifs ventriculaires. Viabilité Environ un tiers des patients coronarien avec FEVG 40 % peuvent améliorer leur fonction après revascularisation (7-9), témoignant de la présence de myocarde hibernant (non revascularisé en hypoperfusion chronique avec hypocontractilité). Cet état est défini a posteriori par la récupération de fonction contractile après revascularisation et sa détection a des conséquences pronostiques et thérapeutiques importantes. Si l’on divise le ventricule gauche en 17 segments, 25 % des patients ont plus de 5 segments hibernants (soit environ 20 % de la masse ventriculaire), et 25 % moins de 4 segments. Dans le premier cas, la revascularisation a un impact favorable sur le pronostic vital, et, dans le second, un impact fonctionnel (amélioration de la FEVG et des symptômes) (10). L’amélioration de FEVG après revascularisation des segments myocardiques hypo- ou akinétiques mais viables est notée dans près de 40 % des cas, parfois au-delà de la première année, d’amplitude moyenne de 8 % (10). Plusieurs techniques d’imagerie sont utilisées pour la détection de la viabilité : tomographie à émission de positrons (TEP), tomoscintigraphie (SPECT), échocardiographie dobutamine, imagerie par résonance magnétique (IRM). Chacune explore des paramètres différents, reflets de la perfusion myocardique ou du métabolisme cellulaire. De manière générale, le TEP s’avère extrêmement sensible, tandis que les examens isotopiques paraissent moins spécifiques d’une récupération après revascularisation (figure 2). Figure 2. Sensibilités (en bleu) et spécificités (en jaune) des examens d’imagerie pour prédire une récupération de fonction contractile après revascularisation (viabilité myocardique) (8). Échocardiographie sous dobutamine L’échocardiographie sous dobutamine à faible dose (10 à 15 g/ kg/min en IV) est actuellement la technique la plus utilisée (figure 3). La mise en évidence d’une réserve contractile prédit la récupération de fonction après revascularisation avec des sensibilité et spécificité de l’ordre de 80 %. La réponse biphasique – akinésie s’améliorant sous faible dose, puis qui voit sa contraction à nouveau se détériorer à forte dose – est la plus fiable pour prédire la récupération après revascularisation (7). Figure 3. Échocardiographie dobutamine : réponses possibles du territoire infarci. Échocardiographie de contraste myocardique (5,11) L’échocardiographie de contraste émerge comme une technique non invasive prometteuse pour l’analyse de la perfusion myocardique. Elle permet l’étude de la viabilité myocardique : l’absence d’opacification d’un segment dysynergique est associée à une
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