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Vasculaire

Publié le  Lecture 15 mins

Les infarctus cérébraux : quel bilan étiologique ?

V. DOMIGO, Hôpital Saint Anne, Paris

L’infarctus cérébral, contrairement à l’infarctus du myocarde, est une maladie hétérogène dont les causes sont nombreuses. Malgré les importants progrès réalisés au cours des dernières années dans la compréhension des mécanismes et des causes des AVC, une large proportion reste encore inexpliquée. La stratégie diagnostique devra tenir compte des éléments anamnestiques et de l’examen clinique mais elle repose essentiellement sur les examens complémentaires. La hiérarchisation de ceux-ci se fera en fonction d’une éventuelle orientation diagnostique initiale (athérome des gros troncs, cardiopathie emboligène, etc.) mais un bilan systématique est nécessaire afin d’éliminer d’autres causes associées.

Étiologie des accidents ischémiques cérébraux (AIC) et des AIT (tableau 1) Les causes d’AIC sont nombreuses mais trois d’entre elles prédominent par leur fréquence : l’athérosclérose extra- et intracrânienne, les infarctus « lacunaires » liés à une maladie des petites artères perforantes et les embolies d’origine cardiaque. Les autres causes représentent un pourcentage mineur des AIC. Dans un tiers des cas, le bilan étiologique est négatif. C’est dans ce cadre qu’il faudra s’assurer de l’exhaustivité du bilan complémentaire avant d’affirmer sa négativité. La fréquence des causes varie selon l’âge ; si la première cause d’AIC chez le sujet âgé reste l’athérosclérose, c’est la dissection qui dans un tiers des cas reste l’étiologie la plus fréquente chez le sujet de moins de 55 ans (figure 1). Figure 1. Fréquence relative des principales causes d’infarctus cérébral en fonction de l’âge. L’athérosclérose des vaisseaux extra- et intracrâniens Elle est la cause d’environ 20 % des AIC. Toutefois, ce pourcentage dépend des critères retenus pour porter ce diagnostic, en particulier du degré de sténose ; si l’on prend une sténose de carotide > 50 % dans le territoire de l’infarctus, la fréquence passe à 30 % des AIC. Elle touche essentiellement les artères de grand ou moyen calibre. Ces lésions s’étendent depuis la crosse de l’aorte jusqu’aux artères intracrâniennes et se développent en des points de prédilection (figure 2). Les lésions sont hétérogènes dans leur distribution et leur sévérité et varient en fonction des populations étudiées. L’atteinte extracrânienne est plus fréquente chez les sujets blancs et les localisations intracrâniennes (siphon carotidien, segment M1 de l’artère cérébrale moyenne, origine de l’artère cérébrale antérieure, tronc basilaire) prédominent chez les sujets noirs et asiatiques. Figure 2. Schéma de la répartition et de l’intensité des lésions athéroscléreuses sur l’arbre artériel cervico-céphalique (Poirier J, Gray F, Escourolle R, Manuel de neuropathologie, 3 e édition, Masson, 1989). Les principaux éléments en faveur d’un AIC lié à l’athérosclérose sont l’existence de facteurs de risque d’athérome, d’autres localisations athéroscléreuses, d’un souffle carotidien, d’un infarctus limité à un seul territoire vasculaire ou des infarctus répétés dans le même territoire artériel à l’imagerie. Le bilan étiologique s’acharnera à visualiser tous les sites de prédilection des plaques, de la crosse aortique (qui peut être fréquemment le siège d’athérosclérose à la source d’embolies cérébrales en particulier pour les plaques > 4 mm) aux troncs supraaortiques, sans oublier les artères intracrâniennes. Le mécanisme des AIC d’origine athéroscléreuse est le plus souvent embolique par migration de matériel athéromateux à partir d’une plaque ulcérée. L’évolution in situ de la plaque – son ulcération, la formation d’un hématome intraplaque – peut aboutir à un accroissement brutal du degré de sténose, voire à une occlusion de l’artère, la plus courante étant l’occlusion de la carotide interne au niveau du bulbe. Des AIC hémodynamiques peuvent survenir sur des sténoses serrées carotidiennes ou du tronc basilaire par hypoperfusion en aval de ces sténoses ; toute baisse brutale de la pression artérielle dans ce cadre peut majorer cette hypoperfusion et aboutir à la constitution de lésions ischémiques cérébrales irréversibles. Le risque de premier AIC ipsilatéral augmente avec le degré de sténose carotidienne, il est estimé à 2 %/an pour les sténoses > 50 %. Ce risque semble décroître chez les patients ayant une sténose > 90 % ou une occlusion. Après un premier AIC, le risque de récidive sur une sténose serrée (> 70 %) de carotide interne est de 10 %/an pendant les 2 premières années (5-6 % pour les sténoses entre 50 et 70 %) puis il revient à un niveau similaire à celui d’une sténose carotidienne asymptomatique. Le risque de récidive étant particulièrement élevé juste après un premier AIC, il justifie d’un geste d’endartériectomie en urgence pour les sténoses carotidiennes > 70 % symptomatiques. La sténose carotidienne est un marqueur de la diffusion de la maladie athéroscléreuse. Environ un tiers des sujets qui ont une sténose carotidienne sont aussi atteints d’une maladie coronaire. Le risque coronaire et la mortalité cardiovasculaire chez des patients ayant une sténose de carotide sont d’environ 5 % par an et la mortalité est le plus souvent attribuable à la maladie coronaire. Maladie des petites artères : infarctus « lacunaires » (figure 3) La lipohyalinose désigne une affection des artères cérébrales de petit calibre ( 300 µm) dont la paroi est le siège d’une désorganisation segmentaire et de micro-anévrismes miliaires décrits par Charcot et Bouchard. Cette microangiopathie est fortement associée à l’hypertension artérielle ; le diabète pourrait également jouer un rôle dans son développement. L’occlusion in situ de ces petites artères provoque des petits infarctus profonds ( 1,5 cm), dits lacunaires. Ce type d’infarctus n’est pas spécifique d’un mécanisme lésionnel, d’autres causes, notamment cardiaques, doivent donc être recherchés dans le bilan étiologique avant de poser ce diagnostic (extension à l’ostium de la petite artère d’une plaque située sur l’artère d’origine, embolies artérielles en amont ou cardiaques, ou causes rares de microangiopathie comme une artérite ou des affections hématologiques). Seule l’IRM cérébrale et un bilan complémentaire exhaustif permettra de porter ce diagnostic, les symptômes cliniques, classiquement décrit auparavant comme des syndromes lacunaires, ne pouvant préjuger de l’étiologie de ces AIC. Figure 3. Infarctus lacunaire thalamique gauche (IRM cérébrale). Dissections artérielles Elles sont responsables d’environ 2 % des infarctus cérébraux mais représentent 25 % des AVC des sujets de moins de 45 ans. Elles résultent du clivage de la paroi artérielle par une hémorragie qui peut être d’origine traumatique ou survenir de façon apparemment spontanée, parfois chez un patient ayant une artériopathie sous-jacente (dysplasie fibromusculaire en particulier). Elles sont beaucoup plus fréquentes en extracrânien qu’en intracrânien et dans le territoire carotidien que vertébrobasilaire. La topographie des lésions est radicalement différente des lésions d’athérome, touchant la carotide au niveau sus-bulbaire jusqu’à sa pénétration en intracrânien et la vertébrale dans son segment intratransversaire, parfois de façon bilatérale ou associée. Les dissections des artères intracrâniennes sont beaucoup plus rares. L’hématome pariétal provoque une sténose ou une occlusion de la lumière artérielle qui peut avoir un retentissement hémodynamique et/ou se compliquer d’une thrombose intraluminale, plus ou moins extensive, source d’embolies distales. La dilatation anévrismale de l’artère est parfois responsable d’une compression des structures avoisinantes. Les dissections artérielles se traduisent typiquement par des signes locaux qui sont la conséquence directe de la lésion de la paroi artérielle (douleur céphalique, signe de Claude Bernard-Horner, acouphènes pulsatiles), suivis immédiatement ou après un délai pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines par des signes ischémiques. La précession de ces signes par un traumatisme réalise une séquence hautement évocatrice du diagnostic. Cardiopathies emboligènes (tableau 2) On estime qu’environ 15 à 20 % des AVC ischémiques sont la conséquence d’une embolie d’origine cardiaque Cette proportion varie cependant selon les populations étudiées, elle atteint 30 % chez le sujet âgé, notamment en raison de la forte prévalence de la fibrillation auriculaire dans cette tranche d’âge (figure 1). • Certains arguments neurologiques suggèrent un mécanisme cardioembolique : antécédents ou survenue concomitante d’embolie systémique, survenue de l’AVC dans un contexte de symptômes cardiaques, infarctus multiples dans différents territoires vasculaires, occlusion embolique d’une ou plusieurs artères cérébrales ou de la terminaison du tronc basilaire, sans artériopathie proximale qui aurait pu en être la source. Toutefois, aucun de ces éléments n’a une valeur prédictive suffisamment élevée pour affirmer le diagnostic, qui repose essentiellement sur la mise en évidence d’une source cardiaque d’embolie. Le diagnostic est alors d’autant plus probable que la source identifiée est connue pour son risque emboligène élevé et qu’il n’existe pas d’autre cause potentielle d’AVC. Il est devenu habituel de séparer les cardiopathies potentiellement emboligènes en deux catégories : • Les sources majeures sont associées à un risque absolu élevé d’AIC dont le mécanisme cardioembolique est bien documenté. • À l’inverse, d’autres anomalies cardiaques, qualifiées de sources mineures, souvent fréquentes dans la population générale (prolapsus valvulaire mitral), ne comportent qu’un risque absolu faible ou inconnu dont le mécanisme est souvent mal élucidé. Le lien de causalité avec l’AIC est ici beaucoup plus incertain et ne se discute en tout cas qu’après exclusion de toutes les autres causes. • Parmi les cardiopathies comportant un risque absolu élevé d’AVC ischémique, la FA représente à elle seule 50 % des cas. Sa prévalence allant de moins de 1 % chez les sujets de moins de 60 ans à près de 9 % chez ceux de plus de 80 ans, elle constitue un puissant facteur de risque d’infarctus cérébral, multipliant son risque de survenue par 5. Le risque absolu d’AVC ischémique est, toutes causes confondues, d’environ 5 %/an et celui de récidive de 12 %/an. Environ un tiers des infarctus cérébraux surviennent chez des patients ayant une FA paroxystique. Le mécanisme des AVC est souvent difficile à préciser en raison de la coexistence relativement fréquente, chez le sujet âgé, d’autres facteurs de risque vasculaire, en particulier d’une hypertension artérielle ou de lésions artérielles. Lorsqu’une fibrillation auriculaire transitoire et isolée est découverte à la phase aiguë de l’AVC, il faut

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