L’utilisation largement répandue ces dernières années du concept de « syndrome coronaire aigu » (SCA) représente, comme bien souvent, un côté médaille et un côté revers. Le côté médaille est qu’il met en avant l’unicité physiopathologique d’un phénomène unique : la rupture de la plaque coronaire compliquée de thrombose. Le revers est qu’il accorde un rôle trop central à l’électrocardiogramme (le centre de l’univers devenant le segment ST !). Il est ainsi générateur de quelques confusions faisant par exemple oublier à nos étudiants que l’angor instable est généralement le précurseur de l’infarctus (notion parfaitement rendue par l’appellation « syndrome de menace ») ; il amène aussi à mettre, dans le même fourre-tout des syndromes coronaires aigus sans sus-décalage de ST, des patients très hétérogènes, de pronostic très différents et nécessitant donc des prises en charge également différentes.
Nous allons envisager successivement au sein des syndromes coronaires aigus, les angors instables puis les infarctus myocardiques sans oublier ce qui unit ces deux entités : la rupture de plaque compliquée de thrombose. L’angor instable De ce fait deux catégories de traitement occupent les deux premières marches du podium : les modificateurs de l’hémostase et l’angioplastie « d’urgence ». Autant l’angioplastie coronaire est très certainement sur-utilisée chez le coronarien chronique, notamment chez les patients peu ou pas symptomatiques, autant elle trouve toutes ses lettres de noblesse dans la prise en charge des syndromes coronaire aigus, ce qui correspond aussi bien à une logique physiopathologique si l’on s’attarde quelques instants sur la coupe histologique d’une plaque d’athérome coronaire rompu qu’aux résultats des essais thérapeutiques contrôlés. Les effets de l’angioplastie coronaire sur la survie sont manifestes et de grande ampleur à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde ; le bénéfice est moins spectaculaire dans l’angor instable tout simplement parce que la gravité intrinsèque de cette entité pathologique est moindre ; néanmoins, c’est le plus souvent l’angioplastie coronaire d’urgence qui apporte la solution thérapeutique la plus efficace tant en ce qui concerne la réduction de la mortalité et de la morbidité que la simplification de la prise en charge, notamment le raccourcissement des durées d’hospitalisation. Pour ne pas s’encombrer de soucis de classification très variable au fil des ans, selon les modes du moment, seront envisagés le traitement de toutes les formes cliniques de maladie coronaire exposant à un risque significatif d’évolution rapide vers l’infarctus du myocarde ou la mort subite. Les modificateurs de l’hémostase Ils représentent l’essentiel du traitement médicamenteux ; l’écrasante majorité des angors instables sont la conséquence d’une rupture de plaque compliquée de thrombose elle-même responsable d’une subocclusion et/ou d’épisodes d’occlusion intermittente de l’artère coronaire concernée. Le maniement des modificateurs de l’hémostase représente l’un des soucis majeurs des générations d’internes se succédant dans le service, généralement vers la fin de leur formation cardiologique et très soucieux de connaître le sacro-saint « protocole », auquel notre équipe adhère (à un instant t donné) et qu’il perçoivent comme pouvant être sur le fond, très différent d’une équipe à l’autre… Dans le cadre de ce « banc d’essai », il paraît possible de considérablement simplifier le problème ! Quatre classes médicamenteuses Plusieurs catégories de modificateurs de l’hémostase ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement de l’angor instable : l’aspirine, le clopidogrel, l’héparine et les antagonistes spécifiques des récepteurs IIb/IIIa. Ces quatre classes de modificateurs de l’hémostase ont fait individuellement la preuve de leur efficacité en essais contrôlés contre placebo. La plupart des combinaisons ont été étudiées et il n’existe aucune incompatibilité de type pharmacocinétique ou pharmacodynamique entre ces quatre classes d’antithrombotiques. De surcroît, les doses efficaces ont été bien définies. Le rapport bénéfice/risque De façon volontairement simpliste on peut considérer que plus on additionne les molécules, du moins en utilisant ces quatre classes pharmacologiques, plus l’effet antithrombotique est puissant et le risque hémorragique élevé. L’important n’est donc plus, sauf en recherche clinique, de chercher à tout prix à s’accrocher à tel ou tel « protocole » rigide mais d’essayer de raisonner intelligemment le cas particulier de chacun de nos malades en mettant d’un côté de la balance la sévérité du syndrome coronaire aigu et de l’autre le risque hémorragique individuel encouru compte tenu du terrain de chaque patient. Savoir quand les associer Les critères de gravité du syndrome coronaire amenant à « additionner » les antithrombotiques sont : • la sévérité du tableau clinique, notamment sa réponse ou non au traitement antiischémique ; • l’existence de complications de type rythmique ou hémodynamique ; • la sévérité des signes électrocardiographiques : l’amplitude des modifications du segment ST ou de l’onde T, l’étendue du territoire myocardique concernée, le caractère permanent ou intermittent des signes électriques ; • l’existence de signes de souffrance cellulaire myocardique, au mieux appréciée maintenant par les dosages de troponine. Attention à l’âge du patient Les déterminants du risque hémorragique individuel de chaque patient qui sont identiques à ceux que nous prenons en compte avant la prescription d’un traitement anticoagulant ou thrombolytique. Rappelons l’importance, parfois sous-estimée, de l’âge, sans oublier qu’un âge élevé représente un surrisque hémorragique mais également un surrisque d’évolution péjorative de l’angor instable lui-même. Entrent également en ligne de compte d’éventuels antécédents cérébrovasculaires. L’élaboration de l’ordonnance d’antithrombotiques prendra également en compte la décision ou non d’effectuer à titre systématique une coronarographie. indication de plus en plus largement retenue à juste titre, de même, les résultats d’éventuelles coronarographies antérieures ainsi que l’historique de revascularisations antérieures peuvent faire considérer comme plus probable après la coronarographie, l’indication d’une angioplastie ou plus rarement d’une revascularisation chirurgicale. En bref L’aspirine, sauf très rare contre-indication absolue réellement documentée (allergie) fait partie intégrante de la quasi-totalité des prescriptions. Le clopidogrel (débuté généralement par une dose de charge de 300 mg) a de larges indications, surtout si une coronarographie est programmée à la phase aiguë ; la seule réserve serait que les antécédents coronaires du patient rendent plus vraisemblable l’indication d’un pontage que d’une angioplastie ; mais de plus en plus d’équipes chirurgicales ne considèrent plus qu’un traitement en cours par clopidogrel représente un surrisque hémorragique peropératoire très significatif. L’héparine est, comme l’aspirine, quasi systématique à la phase aiguë, sauf allergie documentée. Les héparines de bas poids moléculaires occupent à juste titre la quasi-totalité du terrain en raison de leur maniement plus facile et de leur efficacité mieux prévisible. Les indications résiduelles de l’héparine non fractionnée se limitent aux difficultés d’utilisation des héparines de bas poids moléculaires, notamment en cas d’insuffisance rénale sévère. Les antagonistes des récepteurs IIb/IIIa, utilisables par voie intraveineuse, ont surtout fait la preuve de leur efficacité en encadrement de la cardiologie interventionnelle à la phase aiguë de l’angor instable avec réduction du risque de thrombose aiguë coronaire pendant et au décours immédiat d’un geste d’angioplastie avec implantation d’un stent. Il n’y a pas d’élément décisif de littérature permettant de donner préférence à un anticorps monoclonal (Réopro) par rapport aux molécules synthétiques (Intégrilin ou Aggrastat). S’il faut absolument proposer une « recette », celle-ci comporterait : • l’association aspirine + HBPM pour les formes à bas risque sur les paramètres cliniques et/ou les formes à risque intermédiaire chez les patients porteurs d’un surrisque hémorragique. • l’association aspirine + clopidogrel + HBPM pour les « gros bataillons » de patients présentant un angor instable sans paramètre de gravité particulier, sans surrisque hémorragique et chez lesquels sera pratiquée une coronarographie rapide. L’adjonction à ce type de traitement d’une 4e molécule sous forme d’un anti-GP IIb/IIIa est justifiée chez les patients sans surrisque hémorragique bénéficiant d’une coronarographie à la phase aiguë d’un angor instable avec signe de gravité clinique ou électrique ou biologique. Les antiischémiques Le traitement antiischémique a fait l’objet de moins d’innovations récentes que le traitement antithrombotique mais il reste le deuxième versant incontournable du traitement médicamenteux de l’angor instable. Les bêtabloquants devraient être de prescription systématique et immédiate sauf contre-indication réellement authentifiée et insurmontable. Ils réduisent la fréquence des récurrences ischémiques, la fréquence et la gravité d’une éventuelle évolution vers l’infarctus du myocarde et participent au contrôle des troubles du rythme ventriculaires d’origine ischémique. Toutes les molécules de cette classe pharmacologique sont efficaces. Sauf très rares exceptions, l’administration par voie orale est suffisante ; il n’est nullement nécessaire de rajouter un énième perfuseur électrique chez un malade qui, souvent, en bénéficie déjà de plusieurs. Des posologies modérées de l’ordre par exemple de 100 mg pour l’aténolol ou le métoprolol sont généralement suffisantes dans ce contexte. La trinitrine administrée par voie intraveineuse a été probablement quelque peu délaissée ces dernières années, les équipes cardiologiques s’étant plus focalisées sur les antithrombotiques et la cardiologie interventionnelle. Cet appoint pharmacologique n’est pas indispensable dans les angors instables sans critère de gravité et ne récidivant pas sous traitement. Dans tous les autres cas, la trinitrine intraveineuse est indiquée car susceptible d’améliorer la perfusion coronaire par vasodilatation directe et la balance énergétique du myocarde par réduction des besoins. L’utilisation de faibles posologies initiales met à l’abri d’une vasodilatation excessive avec chute tensionnelle et/ou d’une réaction vagale paradoxale. Ces posologies de démarrage volontairement faibles nécessitent presque toujours un réajustement à la hausse facilité par la très brève demi-vie d’élimination de la trinitrine ; les ajustements posologiques sont possibles toutes les 20 minutes. Autant les bêtabloquants, traitement de la phase aiguë, doivent être prolongés sur le long terme, autant les dérivés nitrés ne
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