Les myocardiopathies hypertrophiques (MCPH) chez l’enfant recouvrent une diversité sémiologique, échographique et étiologique beaucoup plus importante que celle de l’adulte. En pédiatrie, surtout chez le nouveau-né et le nourrisson, il faut mettre l’accent sur l’enquête étiologique. Ces patients doivent être pris en charge dans des centres très spécialisés avec des compétences non seulement cardiopédiatriques mais aussi génétiques et métaboliques disposant d’un plateau technique et de laboratoires appropriés.
Dans cet article destiné aux cardiologues, nous avons, par un bref rappel embryologique, histologique et physiopathologique du myocarde en formation, tenté d’expliquer les particularités pédiatriques. La conduite à tenir est ensuite traitée en fonction de l’âge sans rentrer dans le détail qui relèverait de la surspécialité.
Pour le lecteur pressé La plupart des MCPH de l’adulte sont souvent asymétriques, exposent avant tout au risque de mort subite et sont le plus souvent dues à un déficit constitutionnel d’une protéine contractile du myocarde qui se transmet de façon autosomique dominante. La différence entre MCPH de l’adulte et de l’enfant tient à ce que la plupart des MCP hypertrophiques primitives apparemment isolées du jeune enfant : • ne survivent pas ; • se sont intégrées secondairement, avec l’apparition de signes extracardiaques, dans un syndrome génétique polymalformatif, myopathique, neurologique ou métabolique particulier ; • se sont transformées en MCP dilatées en raison d’une altération sévère de la fonction systolique, ce qui aboutit à une dilatation du ventricule et à un amincissement des parois (la masse se répartissant sur un volume plus important) ; • ont guéri spontanément sans que l’on sache souvent pourquoi. En pédiatrie, et surtout chez le nourisson, il faut mettre l’accent sur l’enquête étiologique. Cette enquête s’efforcera avant tout de ne pas méconnaître les MCPH secondaires, les seules accessibles à un traitement spécifique, mais aussi à essayer à tout prix de définir l’origine des MCPH primitives. En effet, trouver la cause des MCPH est essentiel pour le pronostic, pour l’indication ou la contre-indication à une transplantation cardiaque, et le conseil génétique concernant les très nombreux cas de décès de MCPH à court terme. L’enquête étiologique repose sur l’enquête familiale, la recherche d’anomalies extracardiologiques, souvent discrètes, voire infracliniques, et lorsqu’elles sont présentes, orientent vers des syndromes génétiques polymalformatifs ou métaboliques dont le pronostic neurologique ou musculaire contre-indiquera éventuellement une transplantation cardiaque (TC). En l’absence de diagnostic, on ira jusqu’à la biopsie endomyocardique. Ces patients doivent alors être pris en charge dans des centres très spécialisés avec des compétences non seulement cardiopédiatriques mais aussi génétiques et métaboliques disposant d’un plateau technique et de laboratoires appropriés. MCPH de l’enfant et de l’adulte : deux approches radicalement différente MCPH de l’adulte La myocardiopathie hypertrophique est une entité bien définie, due — on le sait depuis maintenant 15 ans — à des anomalies constitutionnelles des protéines contractiles du myocarde qui se transmettent de façon autosomique dominante et se traduisent par une hypertrophie myocardique (par adaptation, la quantité remplaçant la qualité) (figure 1). Le pronostic de ces MCPH est très variable, dépendant des différentes variantes (degré d’hypertrophie, obstruction, trouble du rythme, dysfonction diastolique et éventuellement systolique du myocarde), dont certaines sont corrélées avec le génotype. Les principaux centres d’intérêt dans la recherche clinique sur les MCPH de l’adulte se concentrent sur l’évaluation du risque en fonction des différentes formes échographiques et/ou génotypiques (corrélation phénotype/génotype), la valeur prédictive de certains examens (épreuve d’effort, holter, électrophysiologie) et l’évaluation de différentes formes de traitement classiques ou modernes visant à prévenir ou retarder les complications et, en particulier, la mort subite. Définir les meilleures indications du défibrillateur, du pacing pour remodeler le ventricule, d’une levée de l’obstruction sous-aortique par embolisation ou chirurgie et, enfin, de la transplantation cardiaque. Figure 1. Hypertrophie ventriculaire gauche de la paroi du septum. MCPH de l’enfant Au contraire, les MCPH de l’enfant recouvrent des étiologies et des physiopathologies beaucoup plus diverses, avec des profils évolutifs variables, bien qu’en règle très défavorables. Si cette diversité n’existe plus à l’âge adulte, c’est que la plupart de ces patients ont soit guéri, soit sont décédés, soit enfin se sont intégrés dans des chapitres autres de la pathologie, car les signes extracardiologiques sont apparus et ont pris le pas sur le cœur (myopathie, neuropathie, syndrome génétique polymalformatif ou métabolique). La difficulté chez l’enfant tient à ce que les formes qui associent la MCPH à des signes extracardiologiques apparaissent souvent au départ sous la forme de MCPH apparemment isolées. Il est important d’en faire le diagnostic étiologique précoce pour le conseil génétique et pour contre-indiquer éventuellement une transplantation cardiaque, si le pronostic neurologique est péjoratif. Définitions Embryologie Le myocarde est un dérivé du mésoderme. Il s’installe dès les premières semaines de la vie embryonnaire et c’est lui qui assure la circulation fœtale. Au début de la grossesse, les cellules sont relativement lâches avec un aspect de myocarde spongieux, dit non-compacté, relativement pauvre en myofibrilles et riche en fibres conjonctives (figure 2). En cours de gestation, et en particulier pendant le troisième trimestre, les myocytes se divisent très activement, les myofibrilles s’organisent architecturalement en parallèle autour du cytosquelette avec une maturation du capital enzymatique de la fibre myocardique et des canaux ioniques, une transformation de la myosine et une multiplication des récepteurs sympathiques myocardiques. Cet ensemble se traduit par une amélioration de la contractilité, de la relaxation et de la compliance du cœur fœtal en fin de grossesse comme s’il se préparait au stress des premiers jours de vie. Figure 2. Myocarde spongieux non-compacté. Les cellules myocardiques continuent de se diviser en période néonatale (hyperplasie myocardique avec un énorme potentiel de croissance de la masse myocardique). Au-delà de cette période (quelques semaines), la masse myocardique augmente beaucoup plus lentement et par hypertrophie. La même observation peut être faite pour les capillaires coronaires, si bien qu’avec le temps, la réserve coronaire par gramme de myocarde diminue et qu’une trop forte hypertrophie s’accompagne d’une baisse de la réserve coronaire. Histologie Le myocarde est composé de myocytes constitués de filaments d’actine et de myosine qui sont, avec la troponine et la tropomyosine, les principales protéines engagées dans la contraction de la fibre. La dystrophine maintient l’architecture du myocyte et fait partie du cytosquelette. Les cellules myocardiques sont extrêmement riches en mitochondries et le myocarde est l’organe qui consomme le plus d’oxygène par gramme de tissu. Le métabolisme fœtal dépend des sucres et de l’acide lactique sans utilisation d’acide gras, qui deviendront dès la naissance les grands pourvoyeurs d’énergie myocardique. L’endocarde tapisse les cavités auriculaires et ventriculaires ; il est constitué de cellules endothéliales qui sont de véritables glandes autocrines interagissant avec le muscle cardiaque et les myocytes, via les protéines membranaires. Grâce à ses propriétés antiagrégantes plaquettaires, l’endocarde empêche les thrombus intracardiaques. Physiopathologie Adaptation de la masse myocardique au travail du cœur. L’adaptation vise à mettre en harmonie la masse myocardique avec le travail du cœur, de façon à normaliser la contrainte. Physiologiquement, l’adaptation est basée sur la loi de Laplace, qui indique que la contrainte pariétale (CP), ou encore wall stress, qui constitue le véritable travail du cœur est directement fonction de la pression développée dans la cavité (P), du diamètre de cette cavité (D) et inversement fonction de l’épaisseur de la paroi (E) : CP = P x D : E. Ainsi, avec l’augmentation progressive du débit (c’est-à-dire du diamètre) et de la pression, l’épaisseur de la paroi augmentera proportionnellement et la masse myocardique évoluera de façon harmonieuse (par hyperplasie chez le fœtus et le nouveau-né, et par hypertrophie secondairement). On peut considérer comme adaptation physiologique l’hypertrophie myocardique observée dans l’hypertension artérielle (systémique pour le ventricule gauche et pulmonaire pour le ventricule droit) ou les sténoses des valves aortiques ou pulmonaires. Deux circonstances d’ada-ptation pathologique : • la cellule myocardique a un mauvais rendement, la masse myocardique va augmenter pour compenser la faiblesse qualitative de chaque gramme de tissu. Il s’agit des myocardiopathies hypertrophiques observées en cas d’altération de la contractilité de la fibre myocardique, expliquant que l’on peut avoir une contractilité globale maintenue, voire augmentée, alors que la fibre elle-même est hypocontractile. C’est ce qui s’observe couramment dans les myocardiopathies hypertrophiques de l’adulte. • la désadaptation du processus de normalisation de la contrainte pariétale avec : - myocardiopathie hypertrophique si la normalisation se fait pour une contrainte basse, - myocardiopathie hypotrophique (dilatée à paroi mince) lorsque que l’adaptation se fait pour une contrainte élevée. C’est ce qui permet d’expliquer que des sujets normaux peuvent avoir des fractions d’éjection relativement basses avec une masse myocardique faible alors que d’autres ont des fractions d’éjection élevées avec des masses myocardiques élevées. Il est intéressant de noter que les études sur les fibres myocardiques prélevées après transplantation et étudiées individuellement in vitro sur chambre d’organe (étirement vs tension) ont une contractilité normale dans les myocardiopathies hypokinétiques à parois minces, alors que des fibres myocardiques sont hypocontractiles dans les myocardiopathies hypertrophiques et hyperkinétiques ce qui confirme bien que l’hypertrophie est plus un processus d’adaptation que le processus primitif de la CMH. Définition physiologique et échographique des MCP Une myocardiopathie peut provenir d’une altération des propriétés systoliques et diastoliques de la fibre myocardique ou d’une inadéquation de la masse myocardique par rapport à son volume et à son travail. Théoriquement, on parle de MCPH lorsque la masse myocardique est augmentée. En pratique, on parle de MCPH
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