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Coronaires

Publié le  Lecture 12 mins

Pontage coronarien sans CEC

S. JAZAYERI, CHU de DIJON

Depuis plus de trois décennies la chirurgie coronarienne conventionnelle par sternotomie médiane sous circulation extracorporelle (CEC) et cardioplégie est devenue le traitement de choix pour les patients pluritronculaires candidats à une revascularisation coronarienne. La chirurgie conventionnelle sous CEC a démontré au fil de ces années son efficacité et ses excellents résultats à long terme. Actuellement, plus de 800 000 opérations à cœur ouvert sont réalisées chaque année à travers le monde. Malgré des bénéfices indiscutables, la CEC s’accompagne d’effets néfastes reconnus et décrits (tableau). Kirklin, en 1991, a émis rapidement l’hypothèse que ces effets délétères étaient consécutifs au contact entre le sang et le circuit de CEC, entraînant une réponse inflammatoire en cascade communément nommée « syndrome vasculaire disséminé post-pompe ».

Principaux effets néfastes de CEC - Activation du complément et des neutrophiles avec augmentation de la perméabilité capillaire aboutissant à un transfert du liquide vers le compartiment interstitiel ; - Altération des plaquettes et l’hémostase ; - Hémodilution : avec diminution de la pression oncotique aboutissant à un œdème (y compris œdème pulmonaire) ; - Coagulopathie due à l’utilisation de l’héparine, hémolyse, consommation des facteurs de coagulation et des plaquettes, dysfonctionnement des plaquettes ; - Altération de la fonction cardiaque, diminution du débit cardiaque et arythmie cardiaque ; - Altération de la fonction du système nerveux central due aux emboles gazeux, graisseux, etc. et à l’inflammation ; - Altération de la fonction pulmonaire : œdème pulmonaire, atélectasie, SDRA ; - Altération de la fonction gastro-intestinale avec vasoconstriction splanchnique, ischémie intestinale et hémorragie. Les acteurs de cette réaction inflammatoire, qui se généralise à l’ensemble de l’organisme et qui est responsable de la morbidité postopératoire, sont : • l’activation du complément et des leucocytes, • la libération des cytokines pro-inflammatoires, • l’altération du métabolisme du NO, • l’augmentation des radicaux libres qui, dans certains cas, peut aboutir à des lésions dues au stress oxydatif. Dans le but de diminuer les effets délétères de la CEC, il est possible de réaliser une chirurgie coronaire sans CEC, encore appelée à cœur battant. Cette chirurgie n’est pas une technique nouvelle. Kolesov, en 1957, a effectué les premiers pontages coronariens à cœur battant. Cette chirurgie s’est surtout développée ces dernières années avec l’arrivée sur le marché de nouveaux instruments : les stabilisateurs mécaniques (figure 1). On arrive actuellement à réaliser des pontages multiples (revascularisation complète) sans CEC dans de très bonnes conditions. Chez les patients à haut risque opératoire on parviendrait à diminuer la morbidité postopératoire en évitant la CEC et les manipulations de l’aorte ascendante. Figure 1. Stabilisateur mécanique placé sur la face postérieure du cœur pour la réalisation d’un pontage sur la circonflexe. Historique La chirurgie coronarienne à cœur battant fait partie des nouvelles techniques développées dans les années 90, globalement dénommées techniques moins invasives ( minimally invasive cardiac surgery). Celles-ci visent toutes à améliorer la qualité de la chirurgie tant du point de vue de la technique chirurgicale pure que de la diminution des douleurs, de l’amélioration de la récupération postopératoire et éventuellement de la sortie accélérée de l’hôpital. Cela voudrait-il dire que la chirurgie cardiaque dite conventionnelle ne donnerait plus entière satisfaction ? Evidemment non, mais au cours des trois dernières décennies – qui ont permis à la chirurgie cardiaque de conquérir ses lettres de noblesse – plusieurs facteurs péjoratifs qui tendent à rendre cette chirurgie plus lourde à supporter pour le patient, ont pu être dégagés : • l’utilisation de la CEC avec manipulation de l’aorte ascendante, • la cardioplégie, • la sternotomie. Par ailleurs, avec les progrès des techniques d’angioplastie et l’arrivée des stents actifs, les patients adressés en chirurgie sont de plus en plus âgés et présentent plus de facteurs de risque, ce qui tend à augmenter le risque de morbi-mortalité après chirurgie conventionnelle. Le MIDCAB Dans le but de diminuer ce risque, la chirurgie coronarienne sans CEC depuis 1995 est passée par différentes étapes débutant par le minimally invasive direct coronary artery bypass (MIDCAB). Cette technique permet la revascularisation d’une seule artère coronaire par une petite incision de quelques centimètres sous le sein gauche (minithoracotomie antérolatérale gauche située au niveau du 4 ou 5 e espace intercostal). Le prélèvement de l’artère mammaire peut être réalisé soit en vision directe à travers la thoracotomie soit à l’aide d’une technique vidéo assistée (thoracoscopie). Le MIDCAB permet d’éviter la sternotomie et la CEC mais ses indications sont très limitées et s’adressent seulement aux lésions monotronculaires de l’IVA ou de la coronaire droite. Le MIDCAB peut, dans certaines indications, être combiné à une ou plusieurs angioplasties coronariennes. On parle alors de procédure hybride. L’OPCAB Très rapidement l’OPCAB ( Off-pump Coronary Artery Bypass) ou chirurgie coronarienne sans CEC qui conserve la sternotomie mais élimine la CEC, est devenue la technique la plus couramment utilisée. Grâce aux nouvelles techniques d’exposition et de stabilisation myocardique, l’OPCAB permet de réaliser une revascularisation complète. Cette intervention est techniquement plus difficile pour le chirurgien et sa réalisation dépend non seulement de l’anatomie des artères coronaires mais aussi des conséquences hémodynamiques de la luxation cardiaque lors de l’exposition de la paroi postérieure. C’est la raison pour laquelle, dans la plupart des institutions, cette technique est réservée à des patients sélectionnés. La TECAB Récemment, l’apparition de la robotique a autorisé le développement de la chirurgie cardiaque à thorax fermé : TECAB ou totally endoscopic coronary artery bypass (figure 2). Cette technique reste néanmoins très coûteuse ; elle augmente le temps d’intervention et nécessite le plus souvent le recours à une CEC adaptée par cannulation périphérique et clampage endoluminal (système Heartport). De plus, pour des raisons anatomiques, toutes les lésions coronaires ne sont pas abordables et des pathologies associées peuvent contre-indiquer son utilisation, comme par exemple l’artérite ou des problèmes pulmonaires sévères. Finalement, les indications de cette technique sont encore très limitées et son but ultime, qui était de réaliser des pontages coronaires à cœur battant et à thorax fermé, n’est pas encore atteint de manière routinière. Figure 2. TECAB ou Totally Endoscopic Coronary Artery Bypass. Sélection des patients Les indications de la chirurgie sans CEC dépendent essentiellement de l’expérience du chirurgien dans ce type de chirurgie et, en pratique, il existe très peu de contre-indications absolues et seulement quelques contre-indications relatives. Certains chirurgiens réalisent pratiquement toute la chirurgie coronarienne à cœur battant. Avant le développement des techniques d’exposition et des stabilisateurs performants, cette chirurgie était réservée aux patients nécessitant un ou deux pontages sur la face antérieure du cœur et, si besoin, en association avec une angioplastie par voie percutanée : technique hybride. Avec l’expérience, la chirurgie sans CEC est utilisée pour un nombre de plus en plus important de patients et ses principales indications sont présentées dans le tableau ci-dessus. En revanche, les patients ayant des artères de petit calibre avec une atteinte diffuse ou présentant des artères coronaires intramyocardiques sont sans doute des candidats difficiles pour cette chirurgie. De même, les patients instables soit hémodynamiquement soit présentant des signes électriques susceptibles de ne pas tolérer les manipulations cardiaques seront préférentiellement revascularisés sous CEC. La technique chirurgicale et la technologie La chirurgie La sternotomie médiane est nécessaire pour la réalisation d’une revascularisation complète. Cette voie d’abord permet le prélèvement des deux artères mammaires et d’aborder l’ensemble du réseau coronarien. La sternotomie partielle ou les incisions parasternales n’ont pas prouvé leur supériorité en ce qui concerne la réduction de la morbidité postopératoire ou la douleur. En plus, si une conversion vers une chirurgie standard sous CEC est nécessaire, la sternotomie médiane permet un accès plus facile pour la cannulation. La position Trendelenburg et les rotations latérales de la table facilitent l’exposition de l’artère cible tout en préservant une bonne condition hémodynamique (avec l’augmentation du débit cardiaque par amélioration du retour veineux). L’exposition de l’artère cible est l’élément-clé de la réussite de l’intervention. Les deux moyens utilisés sont des points de tractions péricardiques et les appareils utilisés pour la suspension de point du cœur par succion (figure 1). La stabilisation de l’artère cible, dont dépend la réalisation d’une anastomose de bonne qualité, est obtenue par l’utilisation d’un stabilisateur mécanique. Il existe deux grands types de stabilisateurs : • des stabilisateurs par compression en appuyant sur l’épicarde, • des stabilisateurs par succion qui immobilisent le cœur en aspirant l’épicarde qui entoure le vaisseau cible. L’anastomose est alors réalisée pratiquement dans les mêmes conditions que lors de la chirurgie standard. Pour obtenir un champ opératoire exsangue, deux procédures peuvent être utilisés : • l’utilisation d’un fil Silastic pour clamper la partie proximale de l’artère, • l’utilisation d’un shunt intracoronaire qui évite l’ischémie dans le territoire de l’artère coronaire pontée. Cependant d’une manière générale l’utilisation de shunt n’est pas indispensable car la durée d’ischémie est très courte et le clampage est très bien supporté. Dans de rares cas, du fait des modifications électriques ou des troubles du rythme lors du clampage d’une grosse artère coronaire droite, l’utilisation d’un shunt devient obligatoire. L’anesthésie Elle doit s’adapter à cette nouvelle chirurgie. Ses buts sont multiples : maintenir la stabilité hémodynamique et assurer à la fois une surveillance adéquate, une protection myocardique et une réversibilité de l’anesthésie la plus rapide possible. Une très bonne communication entre le chirurgien et l’anesthésiste est capitale pour la réussite de l’intervention. La décoagulation La posologie conseillée de l’héparine varie selon les protocoles de 100 à 150 UI/kg de manière à obtenir un ACT > 250 secondes pendant toute l’intervention. Concrètement, la dose d’héparine est divisée par 2, voire par 3 par rapport à la

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