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Coronaires

Publié le  Lecture 17 mins

Pourquoi rechercher l'ischémie asymptomatique chez le patient à haut risque ?

P. DOS SANTOS, Hôpital Haut Lévêque, Pessac

Les épisodes d’ischémie silencieuse sont particulièrement fréquents chez les patients atteints de maladie coronarienne, symptomatiques ou non. Leur impact pronostique doit être considéré comme strictement équivalent à celui des épisodes ischémiques accompagnés de manifestations cliniques. Il est donc recommandé de dépister leur existence, particulièrement sur des groupes de patients à haut risque totalement asymptomatiques, chez lesquels la prévalence de l’ischémie myocardique peut dépasser 20 % et l’existence d’une coronaropathie être totalement ignorée. Le dépistage de l’ischémie chez les patients asymptomatiques doit privilégier les tests de provocation par l’effort. La prise en charge doit insister sur le contrôle des facteurs de risque, particulièrement le diabète et l’hypertension artérielle, et la réduction contrôlée des manifestations ischémiques en respectant un arbre décisionnel finalement assez similaire à celui suivi chez les patients symptomatiques.

Problématique C’est au début des années 1970 que les études confirmant et quantifiant l’existence d’épisodes d’ischémie myocardique en l’absence de manifestations cliniques, notamment précordialgiques, et s’appuyant sur l’enregistrement continu ambulatoire de l’électrocardiogramme, ont connu leur premier essor. Ces travaux initiaux ont rapidement conduit à la définition du syndrome d’ischémie myocardique silencieuse (IMS). Depuis, il a été maintes fois démontré que les patients souffrant d’une maladie coronarienne connue et décrivant des épisodes angineux présentent également des épisodes d’ischémie silencieuse, particulièrement lors d’élévations de la pression artérielle ou de la fréquence cardiaque. Certaines études ont même rapporté que près de 90 % des épisodes d’ischémie pouvaient être « silencieux ». Il est maintenant reconnu que les patients présentant des épisodes fréquents et prolongés d’ischémie silencieuse ont plus volontiers une maladie pluritronculaire et que les épisodes ischémiques, qu’ils soient symptomatiques ou non, ont la même signification pronostique. Par ailleurs, d’innombrables études ont montré que l’existence d’épisodes d’ischémie myocardique chez des patients par ailleurs totalement asymptomatiques est associée à une incidence accrue d’événements cardiovasculaires. Il est depuis commun de classer les patients manifestant des signes d’ischémie myocardique silencieuse en trois types : - le type I caractérise les patients totalement asymptomatiques qui n’ont jamais présenté la moindre manifestation angineuse ou fait d’infarctus du myocarde ; - le type II caractérise les patients asymptomatiques ayant survécu à un infarctus du myocarde et manifestant des signes d’ischémie myocardique silencieuse lors de tests de provocation ou de dépistage ; - le type III caractérise les patients souffrant d’angine de poitrine et présentant également des épisodes d’ischémie silencieuse. Parmi ces trois types, seuls les deux premiers regroupent des patients totalement asymptomatiques, alors que les deux derniers regroupent les patients porteurs d’une maladie coronaire déjà connue. Alors que l’intérêt pronostique de la détection de l’IMS est maintenant clairement établi chez les patients hospitalisés pour un syndrome coronarien aigu ou souffrant d’angor stable, son indication chez des sujets totalement asymptomatiques est discutée. Les études cliniques réalisées dans le domaine de l’IMS depuis plus de 20 ans, sa prévalence, son pronostic, ses facteurs de risque, ont clairement établi le besoin de définir des stratégies pour sa détection dans des sous-groupes particuliers de patients, et plus particulièrement chez les diabétiques, les hypertendus et les personnes âgées. Les résultats de ces études, dont certaines insistent sur l’importance pronostique de l’IMS chez des sujets par ailleurs totalement asymptomatiques, ont conduit l’ American Heart Association à recommander un test d’effort pour tout homme de plus de 45 ans ou toute femme de plus de 55 ans, apparemment en bonne santé, souhaitant s’engager dans un programme d’entraînement physique, même en l’absence de facteur de risque. Cependant, l’intérêt d’un dépistage de l’IMS en routine, chez des sujets asymptomatiques apparemment « sains » reste un sujet de débats acharnés. La persistance de la controverse provient largement de ce que les stratégies de détection ont souvent été développées de manière non optimale, sur des groupes de patients ayant une probabilité prétest de maladie coronaire faible. Ainsi, il apparaît qu’une stratégie de dépistage resserrée, appropriée, pourrait identifier les sujets à haut risque d’événement cardiovasculaire et déboucher sur des stratégies de prise en charge thérapeutique. À ce titre, l’étude de Laukkanen et coll., publié en 2001, a étudié la valeur pronostique de l’ischémie silencieuse détectée par un test d’effort chez 243 hommes âgés de 53 ans en moyenne. Comparée à la population témoin, la population avec IMS présentait un cholestérol-LDL et une tension artérielle systolique plus élevée. L’étude montre que l’existence d’une ischémie silencieuse chez ces patients est associée à une plus forte incidence d’événements cardiovasculaires et ce, d’autant plus que les patients étaient par ailleurs fumeurs (multiplication du risque relatif [RR] de mortalité cardiovasculaire par 5,9), hypertendus (multiplication du RR de mortalité cardiovasculaire par 4,7) ou hypercholestérolémiques (multiplication du RR de mortalité cardiovasculaire par 3,8). Ischémie silencieuse ou pas : quelle importance ? Bien que la plupart des études passées s’intéressant au pronostic de la coronaropathie et à l’impact des stratégies thérapeutiques aient privilégié l’inclusion de patients symptomatiques ou ayant un antécédent d’infarctus du myocarde, les données d’études plus récentes ont montré qu’un épisode d’ischémie sans symptôme ne doit pas être considéré comme moins dangereux qu’un épisode avec manifestation angineuse. Il apparaît clairement que la présence ou non de manifestations douloureuses lors d’un test d’effort positif ne modifie en rien le pronostic et que ce dernier n’est déterminé que par l’ischémie. Dans une étude utilisant la scintigraphie myocardique, Klein J et coll. ont montré que la sévérité et l’étendue des manifestations ischémiques n’étaient statistiquement que très faiblement augmentées en cas de symptômes. Enfin, des études réalisées chez des victimes de mort subite ou des survivants d’arrêt cardiaque n’ont pas montré de différence dans l’étendue des lésions coronariennes selon la présence ou non d’une symptomatologie angineuse préalable. L’ensemble de ces données suggère fortement que le pronostic cardiovasculaire en cas de coronaropathie est déterminé par le niveau d’ischémie, indépendamment de l’existence de symptômes. Mécanismes responsables du risque associé à l’ischémie silencieuse chez les patients asymptomatiques Le mécanisme précis par lequel l’ischémie silencieuse produit ses effets délétères chez les sujets asymptomatiques apparemment « sains » est imparfaitement élucidé. Plusieurs hypothèses peuvent cependant être émises. Il est communément admis que la présence de signes d’ischémie lors d’un test de provocation identifie des patients souffrant (sans symptôme) d’une coronaropathie. Bien que l’ischémie soit généralement la conséquence d’une lésion sténosante limitant le flux, l’athérosclérose est un processus diffus associant des plaques à diverses phases de progression ou de stabilisation, de composition lipidique ou en cellules inflammatoires variable déterminant in fine une probabilité de rupture et d’événement thrombotique indépendant des symptômes. L’ischémie silencieuse peut également être l’inducteur d’événements rythmiques ventriculaires graves, particulièrement s’il s’y associe un substrat favorable (hypertrophie primitive ou secondaire, dysfonction ventriculaire). Enfin, des épisodes répétés, rapprochés et prolongés d’ischémie silencieuse sont susceptibles d’engendrer une déplétion du contenu cardiomyocytaire en ATP, une élévation du contenu en calcium et de favoriser les phénomènes de mort cellulaire. Prévalence et diagnostic de l’ischémie myocardique silencieuse Les valeurs de la prévalence de l’IMS rapportées dans la littérature varient de 10 à près de 60 %. L’extrême largeur de cette fourchette s’explique sans conteste par le fait que ces études ont étudié des groupes de patients différents, utilisé des critères de définition et des stratégies de détection de l’IMS différents allant de l’électrocardiogramme de repos à la coronarographie, en passant par le test d’effort, l’échocardiographie de stress et la scintigraphie. La plupart de ces études soulignent l’importance du sexe. L’incidence de l’IMS est plus élevée chez l’homme que chez la femme non ménopausée. Cette différence, cependant, s’atténue rapidement après la survenue de la ménopause. Elle s’explique en partie par des nuances dans la distribution des facteurs de risque en fonction du sexe. En effet, l’association entre dyslipidémie et maladie coronarienne est plus faible chez la femme que chez l’homme, alors que la prévalence de l’hypertension chez la femme augmente rapidement après la ménopause pour atteindre près de 80 % après 75 ans. L’intérêt (Bayésien) de cibler une population à haut risque L’intérêt de la détection de l’IMS résulte du bénéfice que le patient pourrait tirer de son traitement, de l’amélioration globale de la prise en charge de la maladie et de son coût par la prévention des événements cardiovasculaires dans une population donnée. Il est donc fondamental de cibler une population dans laquelle la prévalence de la maladie est forte pour que la stratégie de dépistage soit rentable. Considérons dans un premier temps une stratégie de détection performante, offrant une sensibilité de 80 % et une spécificité de 90 %, appliquée à une population de 2000 patients où la prévalence de la maladie coronarienne est de 5 % (figure 1). On doit statistiquement avoir dans cette population 100 patients atteints de maladie coronarienne parmi lesquels 80 seront détectés (vrais positifs) ; 1 900 patients, statistiquement, n’ont pas la maladie, parmi lesquels 190 vont conduire à un test positif (faux positifs). Ainsi, la valeur prédictive positive de la stratégie de détection est de 80/(190 + 80) = 0,3. Une telle stratégie pourrait donc conduire à un traitement par excès ou à la prescription abusive d’explorations invasives chez 70 % des patients détectés. L’application de la même stratégie de détection sur une population où la prévalence de la maladie est de 20 % conduirait à une valeur prédictive positive de 67 %. Figure 1. Intérêt de cibler une population dans laquelle la prévalence de la maladie est forte pour que la stratégie de dépistage soit rentable. La figure illustre l’effet d’une augmentation de la prévalence de la maladie dans la population testée de 5 % (partie gauche) à 20 % (partie droite) sur la valeur prédictive d’une stratégie de

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