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Coronaires

Publié le  Lecture 13 mins

Que faire devant un coronarien stable ?

T. LAPERCHE, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis

Si cette question avait été posée au docteur Parpalaid, la réponse aurait sûrement été de laisser tranquille ce brave coronarien. En revanche, si elle avait été posée à son successeur, le docteur Knock, nous aurions instantanément été avisés de la gravité de la situation tant il est clair que le coronarien stable ne peut être qu’un coronarien instable en sursis. Il existe heureusement un juste milieu entre ces deux attitudes.

Nous considérerons dans cet article le patient symptomatique pour de l’angor d’effort (l’éventail de la fréquence des crises et de la gêne occasionnée étant bien sûr très large) mais également le coronarien indemne d’insuffisance cardiaque et de troubles du rythme ventriculaire. Nous exclurons de notre propos les coronariens ayant une dysfonction ventriculaire gauche systolique (fraction d’éjection < 35 %) qui, même s’ils sont stabilisés voire asymptomatiques, peuvent justifier d’un recours à des stratégies thérapeutiques spécifiques, notamment à visée rythmologique.

Si l’on se réfère aux données de l’étude IONA rapportée en 2002, essai qui évaluait l’intérêt du nicorandil chez des coronariens stables et traités médicalement, le critère principal qui regroupait l’association des décès, des infarctus non mortels et des hospitalisations pour douleurs thoraciques, c’est-à-dire finalement ce qui représente le quotidien des complications du coronarien atteignait dans le groupe placebo 15,5 % sur une période de suivi de 2 ans et demi. Dans l’étude COURAGE parue en 2007, étude qui comparait, chez le coronarien stable, le traitement médical et la revascularisation par angioplastie, le taux de décès et d’infarctus non mortels est de 18,5 % sur un suivi médian de 4,6 ans dans le groupe traité médicalement. La vie des coronariens stables est donc loin d’être un long fleuve tranquille. Le suivi de ces patients impose donc rigueur et vigilance. En premier, informer le patient La première des démarches est, bien sûr, de s’assurer que le patient connaît la nature de sa pathologie et les bonnes attitudes à adopter en cas de déstabilisation aiguë. Il faut qu’il ait à sa disposition de la trinitrine sublinguale et qu’il sache s’en servir, puis qu’il puisse appeler le 15 en cas de douleur prolongée ou ne cédant pas sous trinitrine, cette filière permettant la prise en charge la plus efficace et la plus rapide. Cette démarche n’est pas parfaitement et uniformément intégrée par tous les patients, mais il est du devoir du cardiologue de la leur rappeler. Ce message fait d’ailleurs l’objet de campagnes de sensibilisation répétées auprès du grand public, par le biais de la Fédération française de cardiologie, laquelle met à la disposition des patients des brochures d’information très utiles pour soutenir nos explications. Le contrôle des facteurs de risque La vigilance du cardiologue s’impose vis-à-vis de son patient coronarien et ce, sur plusieurs points. En premier lieu, pour optimiser le contrôle des facteurs de risque, car si cette démarche peut paraître contraignante et peu efficace appliquée individuellement, ce message reste essentiel. La dernière étude EUROASPIRE a montré que, si le profil lipidique des patients était bien meilleur que lors des précédentes enquêtes, en grande partie du fait d’un recours large aux statines (46 % d’hypercholestérolémie contre 94 % dans l’étude réalisée 10 ans auparavant), que si le contrôle du profil tensionnel des coronariens était loin d’être maîtrisé malgré tout l’arsenal thérapeutique à notre disposition (2 coronariens hypertendus sur 3 restent mal contrôlés), cette enquête a bien montré la difficulté à obtenir un sevrage tabagique (1 coronarien sur 5 continue à fumer), ainsi que la médiocrité du contrôle du diabète (prévalence chez le coronarien de 28 % contre 17 % dix ans plus tôt) ou de l’obésité. S’il est aujourd’hui communément admis que les cardiologues sont à même de s’occuper des dyslipidémies et que ceci ne leur pose aucun problème depuis l’introduction des statines, il est de plus en plus évident que nous avons, ou que nous aurons, à prendre en charge l’équilibre du profil glycémique de nos patients. Des recommandations de la Société française de cardiologie ont été émises en ce sens, et les visites des représentants des différentes firmes pharmaceutiques spécialisées en diabétologie commencent à se faire plus fréquentes dans nos cabinets ou services hospitaliers, d’autant que le champ thérapeutique dans ce domaine s’est considérablement accru ces dernières années. Il faut reconnaître que nous tardons trop souvent à réagir devant un diabète. Une enquête menée aux États-Unis et publiée en 2004 montrait que devant une hémoglobine glyquée à 8,6 %, le délai moyen de prescription d’un antidiabétique oral était de 2,5 ans et que, chez un sujet traité par monothérapie présentant une hémoglobine glyquée supérieure à 8,9 %, il fallait encore 2,6 ans pour passer à la bithérapie. Il faut également insister sur la nécessité d’une réduction pondérale et sur l’exercice physique, ce dernier point étant d’ailleurs conforté par les résultats de l’étude d’Hambrecht parue en 2004 puisque, dans ce travail, une rééducation physique menée sur douze mois chez le coronarien stable permettait d’obtenir de meilleurs résultats que l’angioplastie coronaire. L’entraînement physique améliore la capacité fonctionnelle des patients et diminue les symptômes. L’augmentation de la durée de l’épreuve d’effort, du niveau d’effort ou du pic de consommation d’oxygène de 20 à 25 % est obtenue après quelques semaines d’entraînement physique. Ces résultats sont présents, même lorsque l’épreuve d’effort est limitée par une ischémie myocardique. En général, il est conseillé de faire quotidiennement 30 à 60 minutes d’activité physique, ou à défaut cinq jours sur sept. Les structures de réadaptation cardiaque sont d’ailleurs des lieux privilégiés pour prendre en charge ces patients (que ce soit en hospitalisation ou en ambulatoire) et parfaire leur éducation tant sur le plan de l’activité physique que sur le plan du contrôle des autres facteurs de risque, en leur inculquant des informations essentielles sur les règles hygiéno-diététiques et en les aidant pour le sevrage tabagique. Cette prise en charge est le plus souvent proposée après un infarctus du myocarde, une revascularisation par angioplastie coronaire ou par pontages mais très rarement à un coronarien stable, ce qui constitue pourtant une excellente indication de réadaptation cardiaque. L’examen clinique L’examen clinique se doit de rechercher des signes témoignant d’une détérioration de l’état du patient, notamment des arguments pour une dysfonction ventriculaire gauche. Il se doit aussi de s’assurer qu’il n’y a pas d’atteinte d’autres territoires artériels compte tenu du caractère multifocal de la pathologie athéroscléreuse. Il est important pour ce dernier point de s’aider d’un Doppler artériel : en effet, chez le coronarien, l’incidence des sténoses carotidiennes supérieures à 50 % atteint 39 % dans certaines études (la corrélation entre les données auscultatoires et la sévérité d’une sténose artérielle est loin d’être optimale), l’incidence d’un anévrisme de l’aorte abdominale est proche de 10 % (la palpation de l’abdomen a ses limites, surtout chez les sujets pléthoriques), et l’incidence de sténoses des artères rénales (sténoses > 50 %) ou des membres inférieurs (IPS 0,9) atteint 20 à 30 %. L’examen clinique permet également de dépister d’éventuels facteurs de déstabilisation de la maladie coronaire, notamment tachyarythmie, anémie ou hypertension non contrôlée. Sur ce dernier point, la cible est d’obtenir une tension artérielle 130/80. Si l’abaissement de la pression artérielle systolique est clairement corrélé à une réduction des complications cardiovasculaires chez le coronarien, il est possible que la diminution de la pression artérielle diastolique n’ait un rôle bénéfique sur le pronostic cardiovasculaire que si la perfusion coronaire reste adaptée. En pratique, il est recommandé que la pression artérielle diastolique soit abaissée de façon progressive sans descendre en deçà de 60 mmHg. L’ECG, l’échocardiographie L’examen clinique est habituellement complété par un électrocardiogramme (pour l’ European Society of Cardiology, ESC ; il s’agit d’une recommandation de classe IIb avec un niveau de preuves C), lequel sera comparé aux tracés antérieurs, à la recherche de troubles de la repolarisation, du rythme (notamment ventriculaire) ou de la conduction qui pourraient signifier une détérioration de l’état du patient et justifier des examens plus approfondis ou une modification thérapeutique. Une échocardiographie peut être pratiquée tous les 2 à 3 ans (recommandation de niveau II de la Société française de cardiologie: « surveillance tous les 2 à 3 ans, en l’absence de signes d’évolutivité, des patients coronariens traités afin de dépister une dégradation de la fonction ventriculaire gauche »). Quant au test d’effort, sans entrer dans le débat sur sa réalisation avec ou sans traitement bêtabloquant, nous pouvons affirmer que c’est un examen essentiel pour surveiller l’évolutivité de l’état du patient et apprécier son pronostic. Enfin, concernant la surveillance du traitement hypolipémiant, l’HAS précisait en 2005 : « une fois l’objectif thérapeutique atteint, un contrôle biologique annuel semble suffisant (bien qu’aucune étude ne permette d’appuyer cette prise de position). Un contrôle tous les 6 mois peut être une aide à la bonne observance chez certains patients. Il comporte la vérification de la concentration de LDL-cholestérol. Ces recommandations de contrôle annuel s’entendent pour tous les patients qu’ils soient sous traitement diététique seul ou associé à un traitement médicamenteux. La surveillance des paramètres de tolérance biologique hépatique est particulièrement recommandée la première année d’un traitement par statine ou fibrate, la majorité des manifestations d’intolérance clinique survenant au cours de celle-ci ». Revoir les prescriptions médicamenteuses Sur le plan du traitement médical, il faut savoir être critique vis-à-vis de ses prescriptions et s’assurer que le coronarien reçoit bien les médicaments recommandés pour sa pathologie. Il faut d’ailleurs séparer les médicaments qui vont agir sur le pronostic en minorant la survenue d’événements graves et ceux qui sont à visée symptomatique. Dans le premier groupe, il n’y a aujourd’hui aucune contestation quant à l’intérêt d’un traitement antiagrégant plaquettaire (aspirine ou clopidogrel) et d’une statine. Il faut ajouter certains inhibiteurs de l’enzyme de conversion puisque deux ont démontré leur efficacité, le ramipril à la dose de 10 mg par jour (étude HOPE) et le perindopril à la dose de 10 mg par jour (étude EUROPA). En cas d’intolérance aux IEC, le telmisartan représente une alternative pertinente (étude ONTARGET). À côté de ces médicaments que l’on peut considérer comme étant des médicaments de fond de la maladie athéromateuse, le coronarien

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