Quoi de neuf dans l'évaluation et la prise en charge des valvulopathies ?
J.-L. MONIN, CHU Henri Mondor, Créteil
Comme chaque année à l’ESC, les sessions consacrées aux valvulopathies sont toujours aussi nombreuses et fréquentées. Cela s’explique probablement par la part croissante des valvulopathies dégénératives dans la pratique cardiologique quotidienne et par l’apparition récente de nouveaux outils diagnostiques (échographie 3D temps réel, 2D strain, échographie de stress, dosage des neuropeptides, etc.) et thérapeutiques (bioprothèses percutanées). Parmi les 17 abstracts sélectionnés cette année, on comptait de nombreuses études sur l’évaluation et le traitement du rétrécissement aortique calcifié (RAC), qui est actuellement la valvulopathie la plus fréquente en Europe, ainsi que la première indication de chirurgie cardiaque dans de nombreux centres. Nous parlerons également d’insuffisance mitrale fonctionnelle (ischémique), de l’intérêt des bioprothèses stentless, des effets cardiaques du MDMA (ou Ecstasy), de valvulopathies liées aux tumeurs carcinoïdes et, enfin, du mismatch, ou discongruence patient-prothèse, qui reste l’un des sujets les plus controversés actuellement.
Évaluation du rétrécissement aortique en 2007 Écho-Doppler cardiaque ou cathétérisme ? Indépendamment du risque inhérent à tout cathétérisme cardiaque, le franchissement d’un RAC expose au risque d’embolie cérébrale, estimé à 20 %, dont 3 % ayant une traduction clinique (1). Bien que l’écho-Doppler cardiaque soit actuellement considéré comme la méthode de référence pour l’évaluation des valvulopathies, le cathétérisme est encore assez largement pratiqué, comme le montre cette étude anglaise, fondée sur les réponses de 232 cardiologues exerçant à l’hôpital ou en clinique et de 52 chirurgiens cardiaques. En cas de RAC modéré, il est franchi dans plus de la moitié des cas (53 %), la raison invoquée étant la vérification des données écho-Doppler (85 %) et/ou l’entretien de la technique de franchissement (24 %). En cas de RAC sévère, il est régulièrement franchi par 38 % des cardiologues de 50 ans ou plus, contre seulement 13 % des 30-40 ans. Concernant les chirurgiens, bien que 92 % d’entre eux affirment faire confiance à l’écho-Doppler, 26 % concèdent préférer le franchissement lors du cathétérisme ; à noter que 53 % des chirurgiens pensent que le cathétérisme est plus fiable que l’écho-Doppler. Ces données contradictoires montrent, d’une part, une certaine évolution des pratiques et, d’autre part, le long travail qui reste à faire pour convaincre les esprits les plus réticents. (Fazal et al. Abst. 2489). Pourquoi faut-il utiliser la sonde Pedof ? La contrainte de temps liée à notre pratique quotidienne ajoutée aux performances excellentes des sondes Doppler couplées à l’imagerie font que la mesure du gradient transvalvulaire aortique est faite, le plus souvent, par la sonde couplée sans utiliser la Pedof. Cette étude menée sur 58 patients consécutifs d’âge moyen 62 ± 14 ans, ayant un RAC moyennement serré à serré, a évalué systématiquement les gradients par voie apicale puis parasternale droite (figure 1) avec les deux sondes successivement. Les résultats montrent une faisabilité de 100 et 83 % pour la sonde couplée, respectivement par voie apicale et parasternale droite contre 93 % pour la sonde Pedof dans les deux incidences. La mesure des gradients est comparable par voie apicale pour les deux sondes (tableau 1). En revanche, la Pedof permet souvent d’enregistrer des gradients plus élevés par voie parasternale droite, ce qui évite de sous-estimer la sévérité du RAC dans 25 % des cas. Ces résultats démontrent la nécessité d’explorer systématiquement la voie parasternale droite en utilisant la sonde Pedof en cas de RAC. (Marinigh et al. Abst. 747). Figure 1. Rétrécissement aortique calcifié : intérêt d’utiliser la sonde Pedof par voie parasternale droite. Par voie apicale : le pic de vitesse et le gradient moyen trans-valvulaires sont à la limite de sévérité. Par voie parasternale droite : un meilleur alignement sur le flux transvalvulaire permet d’enregistrer un pic de vitesse nettement supérieur (+ 23%), de même que le gradient moyen ; ce qui ne laisse plus aucun doute sur le caractère sévère du RAC (Abst. 747). Risque opératoire : EuroSCORE vs test de marche de 6 minutes L’EuroSCORE est validé pour l’évaluation du risque opératoire dans les valvulopathies et le test de marche de 6 minutes a une bonne valeur pronostique dans l’insuffisance cardiaque. Ce travail a comparé les deux tests chez 210 patients opérés d’un RAC sévère et randomisés dans l’étude ASSERT (bioprothèses à armature vs Stentless). L’EuroSCORE (additif) moyen était de 3,8 ± 2,2, ce qui donnait 31 % de patients à faible risque (EuroSCORE : 0-2), 45 % à risque intermédiaire (EuroSCORE : 3-5) et 24 % à haut risque (EuroSCORE : > 6). Les événements pris en compte (décès ou AVC dans les 12 mois postopératoires) sont survenus chez 6 % des patients à risque faible ou intermédiaire, contre 18 % des patients à haut risque d’après l’EuroSCORE (p = 0,006). Par ailleurs, les mêmes événements sont survenus chez 13 % des patients ayant parcouru moins de 300 m au test de 6 minutes, contre seulement 4 % de ceux ayant parcouru plus de 300 m (p = 0,001). Les auteurs concluent que le test de 6 min ajoute à la valeur pronostique de l’Euro SCORE (figure 2), les deux paramètres étant des facteurs pronostiques indépendants en analyse multivariée. Cependant, l’innocuité de ce test d’effort (sous-maximal) dans le cadre du RAC serré symptomatique mérite d’être confirmée plus amplement avant qu’il soit recommandé en pratique courante. (Perez De Arenaza et al. Abst. 256). Figure 2. Valeur pronostique indépendante du test de marche 6 minutes par rapport à l’EuroSCORE parmi une population de RAC sévères en bilan préopératoire. Noter la différence significative (p=0,036) du taux d’événements postopératoires en fonction du test de marche préopératoire dans le groupe des patients à haut risque d’après l’EuroSCORE (Adapté d’après Perez De Arenaza et al. Abst. 256). RAC asymptomatique : valeur additionnelle du BNP Pour cette étude, 77 patients asymptomatiques d’âge moyen 69 ± 12 ans ayant un RAC moyennement serré à serré (surface aortique ≤ 1,5 cm 2 et/ou pic de vitesse transvalvulaire ≥ 3,0 m/s), avec une fonction ventriculaire gauche normale et sans insuffisance rénale, ont été suivis de manière prospective pendant 2 ans en moyenne. À l’entrée dans l’étude, l’examen clinique, l’écho-Doppler cardiaque et le dosage du BNP ont été pratiqués chez tous les patients, complété d’un ECG d’effort chez 68 d’entre eux. L’ensemble des examens était répété lors de visites de contrôle, espacées de 6 à 12 mois. Cinquante-sept patients avaient un RAC serré et 20 une sténose moyennement serrée. Les événements suivants sont survenus chez 39 patients après 8 mois en moyenne : décès (n = 3, dont 1 endocardite et 2 décès d’origine extracardiaque), ECG d’effort positif (n = 7) ou apparition de symptômes (n = 29). À l’opposé, 38 patients sont restés asymptomatiques après 27 mois de suivi moyen. En cas d’évolution défavorable, le BNP initial était significativement plus élevé (76 pg/ml [44-168] vs 35 pg/ml [14-66], p = 0,03) et doublait lors du premier suivi alors qu’il restait stable dans l’autre groupe (161 pg/ml [57-89] vs 37 pg/ml [16-77] ; p = 0,007). Les trois seuls facteurs prédictifs indépendants de la survenue d’événements étaient le pic de vitesse transvalvulaire, la surface indexée et le taux de BNP à l’entrée dans l’étude (tableau 2), ce dernier ajoutant à la valeur pronostique des deux autres paramètres. En cas de confirmation sur de plus larges effectifs, le taux de BNP pourrait être d’une aide précieuse pour poser l’indication opératoire en cas de RAC asymptomatique. (Monin et al. Abst. 3149). RAC en bas débit : valeur additionnelle du BNP La valeur pronostique du BNP a été comparée à celle de la réserve contractile ventriculaire (évaluée par écho-dobutamine) parmi 69 patients ayant un RAC en bas débit (étude multicentrique TOPAS : True Or Pseudo severe Aortic Stenosis (2)). Les critères d’inclusion étaient une surface aortique indexée 0,6 cm 2/m 2 avec un gradient moyen 40 mmHg et une fraction d’éjection 40 %. Les résultats montrent une survie à 1 an nettement différente en fonction du taux de BNP initial : 47 % en cas de taux ≥ 550 pg/ml contre 97 % en cas de BNP 550 pg/ml (p 0,0001). Plus intéressant, en l’absence de réserve contractile, le pronostic est péjoratif uniquement en cas de BNP élevé (50 % de survie à 1 an vs 100 % en cas de BNP 550 pg/ ml (p 0,014). Ces résultats sont à interpréter en tenant compte des faibles effectifs de chaque groupe (environ 15 patients par groupe) et surtout du mélange de patients opérés et traités médicalement, ce qui change radicalement le pronostic dans ce contexte. La poursuite du registre TOPAS permettra peut-être de préciser l’utilité du BNP pour l’indication thérapeutique dans le groupe problématique des patients sans réserve contractile. (Bergler-Klein et al. Abst. 3150). Valeur de l’échographie de stress en cas de RAC asymptomatique À la suite de l’étude de Lancellotti et al. (3), l’équipe de Rennes poursuit la validation de l’échographie d’effort en cas de RAC asymptomatique. Une échographie d’effort sur table ergométrique a été pratiquée chez 44 patients consécutifs ayant un RAC serré asymptomatique. Le test d’effort était positif chez 26 patients (symptômes : n = 20 ; réponse tensionnelle anormale : n = 10 ; anomalies ECG : n = 12 ou arythmie ventriculaire : n = 1) ; seuls 18 patients avaient un test d’effort négatif. Les auteurs insistent sur l’inutilité du test d’effort pour dépister les lésions coronaires dans ce contexte et rapportent l’absence de différence significative entre les deux groupes au repos en termes de surface aortique, pic de gradient, débit cardiaque et pressions pulmonaires. En revanche, dans le groupe des patients réellement asymptomatiques, le débit cardiaque (+4,3 ± 1,8 vs +2,9 ± 2 l/min ; p = 0,04) et la surface aortique (+0,15 ± 0,24 vs -0,04 ± 0,18 cm 2 ; p = 0,015) augmentaient significativement à l’effort par rapport à l’autre groupe. Ces résultats intéressants méritent confirmation sur de plus larges effectifs ; une des limites de cette approche réside dans la difficulté technique du recueil des paramètres Doppler pendant l’effort, notamment le flux sous-aortique en Doppler pulsé. (Leurent et al. Abst. 3391). Discongruence patient-prothèse (mismatch) : mythe ou réalité ? La controverse sur le mismatch est un des « monstres de papier » de la littérature cardiologique depuis 10 ans, date des premières publications de P. Pibarot et J.-G. Dumesnil (Université Laval, Sainte Foix, Québec) sur le sujet. Au moins trois études importantes ont été rapportées cette année à l’ESC : elles sont toutes les trois négatives en ce qui concerne l’influence du mismatch sur la mortalité postopératoire. Influence du mismatch sur la mortalité et la qualité de vie Cette équipe présente les résultats couvrant la période 1990-2002, soit 1 087 remplacements valvulaires aortiques isolés (56 %) ou associés à d’autres
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