Rythmologie : de la génétique au cathéter d'ablation
J.-Y. LE HEUZEY, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris
La rythmologie, plus encore que tout autre domaine de la cardiologie, couvre un champ de recherche extraordinairement large allant du subcellulaire (les arythmies génétiques) à la sophistication technologique la plus avancée comme le défibrillateur implantable. Les grands domaines qui ont bénéficié des plus grandes avancées de ces dix dernières années et pour lesquels la prospective à 10 ans est la plus riche sont certainement les arythmies génétiques, le défibrillateur ventriculaire implantable, la thérapie de resynchronisation par stimulation biventriculaire et enfin la fibrillation atriale.
La rythmologie La rythmologie est une sous-spécialité (que je préfère appeler sur-spécialité !) absolument fantastique, dont le développement est extraordinaire ces dernières années. Il s’agit d’une spécialité jeune, rappelons que les premiers enregistrements de l’activité hissienne ne remontent qu’aux années 70. Elle a été longtemps cantonnée chez les hyperspécialistes qui m’ont cependant donné la vocation de devenir rythmologue (ou plutôt « arythmologue » comme le disent les Anglo-Saxons) en observant les remarquables qualités intellectuelles de nos maîtres qui disséquaient les cas et les enregistrements électrocardiographiques les uns après les autres avec brio. Les plus critiques des cardiologues considéraient qu’il s’agissait plutôt de « collectionneurs de papillons » dont le langage restait quelque peu ésotérique pour les autres spécialistes de la pathologie cardiaque et pensaient que ce domaine serait toujours cantonné à quelques cas particuliers. Les dernières années leur ont donné tort. La rythmologie s’est rapidement engagée dans le domaine des grands essais et s’est de plus en plus intéressée à des problématiques générales concernant tous les patients cardiaques, qu’ils soient coronariens ou insuffisants cardiaques. Les mots de conduction cachée, parasystolie ou encore fonction sinusale ont vite laissé la place à ceux de mortalité totale, incidence médico-économique ou registres. Les arythmies génétiques Un risque vital Les arythmies génétiques ont connu une fantastique avancée avec la caractérisation de maladies nouvelles et la redéfinition d’autres plus anciennement connues. La plupart de ces maladies ont comme point commun le risque d’arythmie ventriculaire grave mettant en jeu la vie du malade qui en est atteint. Les thérapies ne sont plus « contemplatives » puisque le défibrillateur implantable peut être indiqué. Il n’en reste pas moins que les décisions d’implantation sont souvent très difficiles à prendre et que l’on est souvent confronté à des problématiques familiales difficiles. Le syndrome de Brugada prend maintenant une place importante dans la préoccupation quotidienne des cardiologues, l’aspect électrocardiographique étant finalement assez souvent rencontré. Il est possible d’imaginer que d’autres syndromes du même type seront découverts dans les années futures à partir d’anomalies électrocardiographiques qui jusqu’ici étaient négligées. L’attention et l’imagination du cardiologue seront toujours appréciées dans ce domaine. Un continuum À côté du syndrome de Brugada, dont on pense de plus en plus souvent actuellement qu’il ne s’agit pas d’une problématique binaire (il existe ou il n’existe pas) mais d’un continuum entre les patients à très haut risque qui nécessitent l’implantation d’un défibrillateur et d’autres sujets qui ont des formes mineures peu dangereuses (mais toute la problématique est de savoir différencier les uns des autres), d’autres entités sont maintenant mieux cernées : - les syndromes du QT long (où l’on en est actuellement à l’individualisation d’au moins 10 formes différentes avec des profils d’anomalies génétiques différents, alors que l’on pensait qu’il pouvait s’agir d’une maladie monogénique il y a 20 ans !), - la dysplasie ventriculaire droite arythmogène, les tachycardies ventriculaires catécholergiques ou encore le syndrome du QT court. Ne doutons pas que dans les années futures d’autres découvertes seront faites dans ce riche domaine. Le défibrillateur ventriculaire implantable Le défibrillateur ventriculaire implantable est un appareil fantastique dont, rappelons-le, les premiers prototypes ont été implantés il y a maintenant 25 ans par M. Mirowski. Il a emporté la conviction de nombreux cardiologues avec un petit film en super 8 (la vidéo n’existait qu’à peine à l’époque) où il montrait un chien à qui il avait implanté des électrodes et qu’il faisait fibriller en délivrant des stimulations rapides. Ce pauvre chien s’écroulait et quelques minutes après remontait sur ses pattes en tirant la langue, sauvé des expérimentateurs qui lui avaient implanté un défibrillateur ! Ce film a fait beaucoup pour la cause du défibrillateur implantable mais M. Mirowski est mort avant de savoir que son innovation thérapeutique allait avoir le succès qu’on lui connaît. Le défibrillateur a maintenant clairement montré qu’il peut sauver des vies, qu’il diminue la mortalité totale dans de nombreux grands essais par diminution de la mortalité rythmique. Cette efficacité a tout d’abord été montrée en prévention secondaire, c'est-à-dire chez les patients qui avaient déjà été victimes d’un arrêt cardiaque ou d’une arythmie menaçant rapidement le pronostic vital, mais également en prévention primaire chez les patients présentant de nombreux facteurs de risque d’être victimes de ce type d’arythmie. Une décision d’implantation difficile À côté de ces succès statistiques indiscutables et justifiant pleinement l’élargissement des indications du défibrillateur implantable, le clinicien est souvent confronté à une décision d’implantation difficile. En effet, implanter un patient avec un défibrillateur implique qu’il existe toujours un risque infectieux puisqu’il s’agit d’une prothèse implantable et qu’il va être nécessaire d’effectuer un suivi très étroit du patient par la suite. Il aura à subir plusieurs changements de boîtier puisque la durée de vie actuelle peut être estimée à 5 ans en moyenne ; enfin, il pourra recevoir des chocs inappropriés pénibles, voire même appropriés tout aussi pénibles s’ils sont trop nombreux. J’ai eu l’honneur de présenter dans plusieurs congrès internationaux, dont le dernier congrès de l’ American Heart Association, le registre français EVADEF qui a été effectué dans 22 centres. Il regroupait plus de 2 400 malades implantés entre juin 2001 et juin 2003 et suivi pendant 2 ans. Le résultat principal et le plus frappant de cette étude est que, quel que soit le diagnostic de la cardiopathie sous-jacente (allant de la cardiopathie ischémique jusqu’aux arythmies génétiques), lorsque l’on analyse et que l’on regroupe les causes de mortalité, on s’aperçoit que la cause principale des décès est une insuffisance cardiaque dans 42 % des cas ou un arrêt cardiaque, incluant une dissociation électromécanique ou un choc cardiogénique, mais sans arythmie fatale documentée, dans 11,3 % des cas. Les décès directement dus à une problématique rythmique ne représentent que 6,2 % des cas. Autrement dit, il est clair que l’insuffisance cardiaque et les arrêts cardiaques sans cause rythmique restent la première cause de décès de ces patients, quelle que soit la raison d’implantation. L’association d’un défibrillateur et d’une thérapie de resynchronisation devrait probablement dans le futur diminuer ces taux de mortalité, principalement en limitant le nombre de décès dus à l’insuffisance cardiaque. Il est normal que les indications d’implantation du défibrillateur s’élargissent car c’est une thérapie d’une redoutable efficacité pour diminuer la mortalité totale en supprimant la mort subite rythmique. Cependant, beaucoup de patients que nous implantons, et c’est de plus en plus souvent le cas actuellement, sont des insuffisants cardiaques qui devront vivre ou survivre avec l’appareil qui, dans bien des cas, ne les empêchera pas d’être victimes de l’évolution fatale, par épuisement de la pompe, de cette maladie redoutable qu’est l’insuffisance cardiaque. Les développements futurs dans le domaine du défibrillateur Un défibrillateur sans sonde Les développements futurs dans le domaine du défibrillateur seront très nombreux : les recherches sont actuellement très actives pour mettre au point un défibrillateur sans sonde. Celui-ci fonctionnerait en délivrant ses chocs entre des électrodes sous-cutanées. On voit l’intérêt d’une telle technique car la technologie des sondes est souvent un facteur limitant dans le devenir à long terme des dispositifs de défibrillation. On peut également attendre des avancées dans ce domaine des sondes de défibrillation elles-mêmes. L’avenir du défibrillateur passe également par la télésurveillance de ces appareils qui pourront être suivis à distance et transmettre, viales réseaux téléphoniques et internet, les paramètres principaux dont certains pourront être traités automatiquement de façon à pouvoir apporter des alertes au cardiologue traitant. Nul doute que la technologie progressera également en ce qui concerne la miniaturisation, actuellement un défibrillateur est à peine plus volumineux qu’un pacemaker d’il y a quelques années. La technologie des sources d’énergie progressera également certainement. C’est pour l’instant un facteur limitant dans la mesure où la durée de vie des défibrillateurs est actuellement de 5 ans en moyenne en sachant, bien entendu, que l’épuisement des batteries est d’autant plus rapide que le nombre de chocs délivrés est important. De nécessaires progrès dans la prise en charge Enfin, dans la prospective du défibrillateur on ne peut qu’espérer que cette thérapie sera correctement prise en charge par la collectivité, permettant un nombre d’implantations raisonnable dans notre pays. Il a été largement démontré aujourd’hui que le coût d’une vie sauvée par le défibrillateur n’est pas plus important que le coût d’une vie sauvée par un certain nombre de médicaments très largement prescrits. La seule différence est que le coût pour le médicament va s’étaler sur des années alors que le coût pour le défibrillateur est important dès la première implantation. Il est plus facile pour les « décideurs » de bloquer la situation à l’occasion de ce coût important mais le coût sur plusieurs années, par comparaison, n’est pas si élevé. Il est vrai que l’on est habitué, notamment dans notre pays, à vivre à crédit et à repousser la dette devant nous… La thérapie électrique de l’insuffisance cardiaque par la resynchronisation Ce domaine constitue l’un des grands acquis de ces dernières années. Les équipes de Rennes et du Val d’Or ont été pionnières
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