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Cardiomyopathies

Publié le  Lecture 13 mins

Alcoolisation septale dans la CMO - Chez tout patient qui reste symptomatique ?

M.-C. MORICE, Massy et P. Charron, Paris

La cardiomyopathie hypertrophique est caractérisée par une hypertrophie asymétrique du septum, avec ou sans obstruction dynamique de la voie d’éjection, et une élévation des pressions de remplissage diastolique. Il s’agit d’une cardiomyopathie primitive de composante héréditaire. La prévalence de la cardiomyopathie hypertrophique dans la population générale est estimée aux alentours de 1 pour 500. Beaucoup moins nombreux sont les patients symptomatiques, et encore moins nombreux ceux qui le restent sous traitement médical bien conduit. Ce sont ces derniers pour lesquels une option thérapeutique autre que médicale doit être envisagée. L’engouement pour cette technique se traduit par des chiffres : le nombre total des patients traités par alcoolisation, depuis sa description il y a 11 ans (4 000), dépasse maintenant le nombre cumulé de patients opérés de myomectomie depuis la description de cette technique il y a près de 50 ans (3 000).
M.-C. Morice et P. Charron expriment ici leur point de vue sur cette séduisante thérapeutique.

Une alternative séduisante P. CHARRON, CHU La Pitié-Salpêtrière, Paris Peut-on proposer cette technique à tout patient symptomatique ayant une cardiomyopathie obstructive (CMO) ? Tout un chacun peut-il, sans arrière-pensée, se lancer dans cette procédure interventionnelle ? La réponse doit clairement être nuancée. Sans remettre en cause la procédure d’alcoolisation coronaire septale, que nous pratiquons nous-mêmes régulièrement à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière après avoir acquis la technique auprès de nos collègues allemands il y a plusieurs années déjà, nous allons passer en revue brièvement les éléments de réponse à notre disposition. Le bénéfice de la procédure À court terme, la réduction du gradient intraventriculaire gauche obtenue par alcoolisation septale est manifeste, aussi bien au repos qu’après épreuve de provocation. Le score NYHA s’abaisse significativement, et les paramètres objectifs de capacité d’effort (durée d’épreuve d’effort, consommation maximale d’oxygène) s’améliorent également. Les deux éléments suivants amènent à pondérer ces résultats. Le bénéfice n’est avéré qu’à court terme selon des publications dont le recul est le plus souvent de 6 mois, et au maximum de 3 ans et, dans ce dernier cas, sur des effectifs de moins de 100 cas dans chaque cohorte. Que se passe-t-il au-delà de 3 ans ? Nous n’en avons aucune idée. On peut d’ailleurs se demander ce que sont devenus les milliers de patients qui ont fait l’objet de la procédure et s’étonner qu’une nouvelle technologie n’ait pas donné lieu à la constitution de registres prospectifs systématiques. Le bénéfice de la procédure n’a pas été comparé directement à la technique de référence qui reste l’intervention chirurgicale de myomectomie. Il n’existe aucune étude randomisée. Nous disposons seulement de quelques études comparatives de cohortes de patients. Dans la plupart d’entres elles, l’amélioration du gradient et du score NYHA est similaire avec les deux techniques (quoique moindre après l’alcoolisation dans l’expérience de la fondation Cleveland). Dans les rares études qui disposent d’une appréciation objective de la capacité d’effort (VO2 max en l’occurrence), le résultat était significativement meilleur après myomectomie qu’après alcoolisation (expérience de McKenna et coll.). Les effets secondaires de la procédure à court terme La mortalité associée à l’alcoolisation septale ne doit surtout pas être négligée. Toutes les séries, et en particulier celles des équipes qui ont la plus grande expérience en la matière, rapportent une mortalité de 1 à 2 % pendant la phase hospitalière (ce taux est de 1,7 % sur 404 procédures en Allemagne). Cela apparaît très proche des 2 % de mortalité hospitalière rapportés avec la myomectomie, dans des centres expérimentés. La dernière série chirurgicale rapportée en 2005 concernant 289 myomectomies rapporte même un taux de mortalité de 0,8 % (figure 1). Figure 1. Comparaison des 2 techniques (études randomisées). La morbidité de l’alcoolisation septale est elle-même substantielle : - l’effet secondaire le plus fréquemment observé est le bloc auriculo-ventriculaire complet, qui conduit à implanter un pacemaker dans près de 20 % des cas après alcoolisation septale dans la plupart des centres, et au mieux dans près de 10 % des cas pour les centres les plus expérimentés (figure 2). En revanche, le taux d’implantations de pacemaker après chirurgie est d’environ 2 %, soit près de 10 fois moins ; - de plus, après l’alcoolisation septale, il est difficile de prédire l’extension de la zone nécrosée. Dans certains cas, la procédure peut se compliquer d’une nécrose excessive et dommageable, soit par reflux de l’éthanol dans l’artère IVA (par rupture du ballonnet ou par manque d’étanchéité), soit par diffusion en aval dans un réseau qui vascularise non seulement le septum basal mais aussi une zone atypique comme un pilier mitral ou le ventricule droit. Dans notre expérience, cette dernière situation peut être utilement prédite par l’échographie de contraste. Figure 2. Fréquence de la mise en place d’un stimulateur après la procédure. Les effets secondaires de la procédure à long terme La grande question, toujours non résolue, est de savoir quel est le devenir à long terme des patients ayant bénéficié d’une alcoolisation septale. Nous ne possédons pas d’élément de réponse puisque le suivi de cohortes ne dépasse pas 3 ans. En revanche, des interrogations sont légitimes. Un possible risque de remodelage ventriculaire en raison de la création initiale d’un infarctus du myocarde, avec possible évolution plus fréquente vers la dysfonction ventriculaire gauche ? À court terme, il a seulement été montré que la fraction d’éjection s’abaisse de quelques pourcents, mais sans pertinence clinique. Un éventuel risque proarythmogène de la technique. Plusieurs cas cliniques ont d’ailleurs été rapportés avec mort subite ou trouble du rythme ventriculaire soutenu survenant au-delà de la phase hospitalière précoce (durant cette phase précoce, le risque d’arythmie est classique et justifie la surveillance sous scope pendant 4 à 7 jours). Il n’est pas possible de déterminer si ces cas sont en relation avec l’histoire naturelle de la maladie ou bien s’ils relèvent d’un effet proarythmogène. Ils incitent à penser à tout le moins que la procédure d’alcoolisation septale ne modifie probablement pas l’histoire naturelle de la maladie et son risque rythmique. La myomectomie fait-elle mieux que l’alcoolisation septale à cet égard ? De récentes données permettent de le suggérer. Une étude collaborative publiée en 2005 a suivi une cohorte de 1 337 patients avec CMH. La survie cumulée à six ans dans le groupe des patients opérés de myomectomie (289 patients) s’est révélée significativement meilleure que celle des patients non opérés avec CMH obstructive (228 patients) et similaire à celle des patients avec CMH non obstructive (820 patients). Des indications variables selon le type de patient Les caractéristiques des patients doivent être minutieusement établies avant de pouvoir retenir l’indication d’un traitement non pharmacologique, et de faire le choix de l’alcoolisation septale. Il faut d’abord bien s’assurer que le patient est suffisamment symptomatique (classe III ou IV de la NYHA) et que le traitement pharmacologique a été bien conduit, avec une dose maximale de bêtabloquant ou l’association à diverses autres thérapeutiques (inhibiteur calcique, disopyramide, cibenzoline). Sinon, il n’est pas possible de retenir d’indication pour ces procédures non pharmacologiques, en raison de la morbi-mortalité associée. Il faut ensuite faire un examen échographique attentif. Une insuffisance mitrale significative et des anomalies mitrales organiques associées (malposition de pilier, élongation de valve) vont conduire à préférer une intervention chirurgicale avec un geste de myomectomie qui sera complété par une plastie mitrale. - La présence d’une obstruction de localisation atypique (médio-ventriculaire ou apicale) ou la présence d’un second site d’obstruction (observation assez fréquente si on la recherche bien) ne rendra pas raisonnable une alcoolisation septale. De même, l’obstruction intraventriculaire gauche contraste parfois avec une épaisseur septale modeste ( 18 mm) qui ne fait pas retenir l’alcoolisation septale en raison de l’impact possible de la nécrose. Enfin, les incertitudes qui pèsent sur les effets à long terme ne permettent pas aujourd’hui de retenir l’indication d’une alcoolisation chez un enfant ou un adolescent. La chirurgie est ici une indication élective. - À l’inverse, une comorbidité associée rendra plus délicate une intervention chirurgicale et orientera davantage vers une alcoolisation septale. Par ailleurs, les patients qui ont une obstruction significative après épreuve de provocation mais absente au repos ne sont pas de bons candidats pour la chirurgie alors que l’indication est actuellement retenue pour l’alcoolisation septale. Conclusion L’alcoolisation coronaire septale constitue une alternative séduisante à l’intervention de myomectomie chez le patient symptomatique avec CMH obstructive. Les données disponibles obligent cependant à reconnaître que de nombreuses incertitudes pèsent sur le long terme de ces patients. De plus la morbi-mortalité observée à court terme ne doit pas être sous-estimée puisqu’elle est finalement globalement équivalente à celle de l’intervention chirurgicale, qui reste la technique de référence chez ce type de patient. Les indications doivent être sélectives et retenues après un examen minutieux, notamment échographique, et la procédure doit être confiée à un centre expérimenté. Un élargissement contrôlé des indications M.-C. MORICE, Institut Cardiovasculaire Paris Sud, Massy Découverte dans les années 50, la cardiomyopathie obstructive (CMO) a commencé à être traitée chirurgicalement dans les années 60. Ce traitement chirurgical, utilisé depuis maintenant 45 ans, demeure la stratégie thérapeutique de référence. En 1996, Sigwart a proposé l’alcoolisation septale comme technique alternative. L’utilisation de cette technique s’est largement répandue puisque l’on considère que quelque 3 000 patients ont été traités dans le monde en 45 ans par la chirurgie alors que plus de 4 000 patients ont été traités en 10 ans par alcoolisation septale. En quoi consiste la technique ? Cette intervention percutanée consiste à injecter une solution d’alcool pur dans une branche septale de l’artère coronaire interventriculaire antérieure afin de provoquer un infarctus du myocarde dans le septum ventriculaire proximal. L’ablation septale reproduit les conséquences hémodynamiques de la myectomie ; elle : • diminue l’épaisseur et l’excursion septales basales (induisant un mouvement septal akinétique ou hypokinétique), • élargit la chambre de chasse du ventricule gauche, • et réduit ainsi le mouvement antérieur systolique de la valve mitrale et la régurgitation mitrale. Après la réalisation d’une coronarographie

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