Charles-Edouard LUYT et coll.*, Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris
Le congrès du GRCI France 2016 a réuni 1 000 participants en décembre 2016 à Paris. Le Groupe de Réflexion sur la Cardiologie Interventionnelle (GRCI) est constitué de professionnels de santé intéressés par le partage d’expériences et la transmission d’informations sur la cardiologie interventionnelle. Le congrès du GRCI France 2016 a présenté des informations aux participants leur permettant d’améliorer leurs connaissances et de situer leurs pratiques avec une quarantaine de sessions médicales et paramédicales. Le GRCI remercie la revue Cath’Lab de permettre à ses lecteurs de découvrir (ou redécouvrir) certaines thématiques présentées et discutées lors du GRCI France 2016.
Gestion du choc cardiogénique : quelle assistance ? C.-E. LUYT Le pronostic du choc cardiogénique à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde (IDM) reste sombre, avec une mortalité comprise entre 50 et 80 % selon les séries (1). Le choc cardiogénique réfractaire (choc cardiogénique ne répondant pas ou s’aggravant sous traitement médical optimal) en est la forme ultime. Il peut être défini cliniquement par un tableau associant un débit cardiaque effondré (index cardiaque 2,2 l/min/m 2 ou fraction d’éjection ventriculaire gauche [FEVG] 20 % et intégrale temps-vitesse sous-aortique mesurée par échocardiographie 8 cm) responsable d’une hypoper fusion tissulaire persistante (acidose lactique, défaillance rénale, neurologique et/ou hépatique persistante) malgré l’administration de fortes doses de catécholamines (adrénaline > 0,2 μg/kg/min ou dobutamine > 20 μg/kg/min associée à la noradrénaline > 0,2 μg/kg/min) et l’optimisation de la volémie. Dans ce tableau clinique de choc réfractaire, le recours à l’assistance circulatoire peut être nécessaire chez certains patients. Ballon de contre-pulsion intra-aortique Bien que les premiers registres rétrospectifs soient en faveur du ballon de contre-pulsion intraaortique (BCPIAo) dans le choc cardiogénique à la phase aiguë de l’IDM (2), l’essai IABP-Shock II (étude randomisée avec BCPIAo versus traitement médical dans le choc cardiogénique à la phase aiguë de l’IDM) a permis de montrer l’absence de bénéfice clinique de ce dispositif (3). À l’heure actuelle, il n’est donc plus recommandé et son utilisation doit être réservée aux complications mécaniques (communication interventriculaire, insuffisance mitrale aiguë) en attendant la chirurgie (1). Système Impella ® Le système Impella ® (Abiomed) est une assistance monoventriculaire gauche implantée par voie percutanée ou chirurgicale (figure 1). Il en existe 3 types de calibre avec des performances différentes (tableau 1). L’Impella ® 2.5 et l’Impella® CP sont implantables par voie percutanée, en salle de coronarographie, sous amplificateur de brillance, alors que l’Impella ® 5.0 nécessite un abord chirurgical. Même si l’Impella ® 5.0 a une durée de vie plus longue que les autres, le principal problème de ces machines est leur fragilité (dysfonctionnement rapide). Le risque d’hémolyse est plus important avec le système 2.5 que le système 5.0 et on a une absence d’efficacité en cas de dysfonction biventriculaire. Bien qu’il existe des données rétrospectives montrant l’intérêt d’un tel dispositif dans la prise en charge du choc cardiogénique (4), un essai randomisé récent a montré l’absence d’intérêt de l’Impella ® CP dans la prise en charge du choc cardiogénique par rapport à une prise en charge standard incluant l’utilisation du ballon de contre-pulsion intraaortique (5). À l’heure actuelle, du fait de l’absence de données fiables, on ne peut donc pas recommander l’Impella ® comme mode d’assistance. D’autres études sont nécessaires afin de préciser son éventuel intérêt. * Durée de vie approximative reposant sur notre expérience. Figure 1. Système Impella(R) (Abiomed). Système ECMO/ECLS L’ECMO ( ExtraCorporeal Membrane Oxygenation ou oxygénation extracorporelle à membrane) ou ECLS ( ExtraCorporeal Life Support) est une technique d’assistance cardiopulmonaire. Le sang est prélevé dans l’oreillette droite via une canule implantée par voie fémorale, et le sang une fois oxygéné est réinjecté en rétrograde via une canule implantée dans l’artère iliaque (figure 2). Bien que cette assistance soit imparfaite, elle reste à ce jour la plus utilisée dans le choc cardiogénique réfractaire. Outre l’amélioration de l’hématose (en raison de la présence d’un oxygénateur à membrane), l’ECMO a l’avantage d’une durée de vie plus longue que l’Impella ®, des durées d’assistance par ECMO supérieures à 3 semaines ayant été rapportées dans la littérature (6). Figure 2. Système ECMO ( ExtraCorporeal Membrane Oxygenation) : Cardiohelp ® (Maquet). Il n’existe que des données rétrospectives sur l’intérêt de l’ECMO dans cette indication : une étude avant/après l’arrivée de l’ECMO a montré une mortalité avant de 76 %, passant à 36 % après l’arrivée de l’ECMO (7). Une autre étude de cohorte plus récente a montré que parmi 138 patients ayant bénéficié d’une ECMO pour choc cardiogénique réfractaire à la phase aiguë d’un IDM, la survie en réanimation était de 47 % et la survie à 6 mois de 41 % (6). Cependant, il n’existe actuellement aucune étude randomisée ayant évalué l’intérêt de l’ECMO dans cette indication. Dans notre expérience, cela reste cependant le moyen le plus fiable en cas de choc cardiogénique réfractaire, et le système d’assistance de première ligne permettant une sélection ultérieure (figure 3). Le principal problème reste celui du moment de l’implantation. Figure 3. Stratégie d’assistance circulatoire au cours du choc cardiogénique réfractaire. Les autres assistances plus lourdes (assistances mono ou biventriculaires type Heartmate II, Heart Ware, Cardiowest) sont utilisées en deuxième ligne, dans une stratégie de pont vers la récupération en cas de cardiopathie réversible, vers la transplantation ou la destination therapy en cas de cardiopathie irréversible (figure 3). Conclusion Du fait de sa rapidité d’insertion dans les centres experts, l’ECMO est devenu le traitement de première ligne des patients présentant un choc cardiogénique réfractaire à la phase aiguë d’un infarctus du myocarde. Il n’existe cependant à ce jour aucune étude randomisée démontrant son efficacité. Une étude randomisée multicentrique française (essai ANCHOR) doit démarrer et permettra peut-être de répondre à la question. La place d’autres types d’assistance (Impella ®) demande à être précisée dans cette indication, en gardant à l’esprit que ce type d’assistance doit être réservé à un support de courte durée. Drainage péricardique percutané au cath-lab R. BOURKAÏB, Centre Cardiologique, Evecquemont Lorsque qu’un épanchement péricardique est volumineux ou lorsqu’il se constitue rapidement, une compression des cavités cardiaques dans un péricarde peu distensible peut compromettre l’hémodynamique cardiocirculatoire. Cette compression intéresse surtout le coeur droit aux pressions int racavi tai res plus basses que celles du cœur gauche. Le tableau hémodynamique résultant de cet épanchement compressif est désigné sous le terme de tamponnade. Le diagnostic clinique Il est relativement facile si le choc est associé à des signes droits dans un contexte particulier comme un cathétérisme diagnostique et/ou interventionnel, l’épanchement étant de constitution rapide. Ce tableau de tamponnade est une urgence car il engage le pronostic vital. Le bilan en salle de cathétérisme réduit au minimum se limite souvent à un écho-Doppler cardiaque réalisé dans les meilleurs délais. Celui-ci visualise l’épanchement péricardique, souvent volumineux, qui se caractérise par un espace vide d’échos entre le myocarde ventriculaire droit ou gauche et le péricarde pariétal. Un épanchement est vu : • en incidence sous-costale : en avant de la paroi postérieure du ventricule droit. Cette incidence permet de mesurer la distance à la peau, facilitant la ponction sous xiphoïdienne en urgence ; • en incidence parasternale grand axe : en arrière de la paroi postérieure du ventricule gauche. La quantification de l’épanchement Elle doit être mesurée en diastole et au même endroit en mode TM : épanchement modéré ( 10 mm), épanchement moyen (10-20 mm) et épanchement abondant (> 20 mm). C’est plus la vitesse de constitution de l’épanchement, que son volume qui va déterminer le retentissement hémodynamique. Il faut rechercher un collapsus télédiastolique de l’oreillette droite en incidence sous-costale : c’est un signe précoce et sensible de « prétamponnade ». La paroi libre de l’oreillette droite s’invagine vers le septum interatrial à chaque diastole. Quand l’épanchement est circonférentiel et majeur, le cœur flotte dans l’épanchement (aspect de swinging heart). Il faut évacuer l’épanchement en toute urgence. Il faut savoir qu’un décollement péricardique visible uniquement pendant la systole est physiologique. En effet, le péricarde contient quelques millilitres de liquide, prenant parfois l’aspect d’un épanchement en systole. Il disparaît en diastole. C’est pour ça qu’il faut toujours rechercher et mesurer un épanchement péricardique en diastole. Attention aussi à ne pas confondre les franges graisseuses avec un épanchement péricardique. L’échocardiographie Elle a une place centrale pour le diagnostic, l’évaluation de la gravité et guider le geste thérapeutique. Un drainage à l’aveugle dans l’urgence par voie sous-xiphoïdienne peut se concevoir, mais il faut savoir préférer la voie écho-guidée. Le drainage péricardique percutané est une option simple de traitement des épanchements survenant brutalement au cath-lab. On peut la considérer comme la technique de première intention. Le drainage s’effectue le plus sûrement sous contrôle échographique (pour éviter tout risque de blessure ventriculaire) et sous remplissage vasculaire. Nous avons à disposition des systèmes dédiés, les plus utilisés sont le kit COOK et le kit MERIT (figure). En situation d’extrême urgence mettant en jeu le pronostic vital, il faut savoir utiliser un trocart (quel qu’il soit) pour évacuer le liquide sous tension pour améliorer l’hémodynamique avant le drainage. Le kit MERIT a pour avantages la mise à disposition d’un bistouri escamotable et d’un fil de raccord ECG dont la pince crocodile est fixée sur l’aiguille 18 G et l’autre extrémité sur la dérivation en V de l’ECG. Cette sécurité est utilisée par certains pour éviter les ponctions non péricardiques. Un trocart de 15 cm gradué permet de se sentir plus à l’aise lors de la ponction-évacuation du liquide péricardique sous pression. L’importance de l’échographie avant drainage est de donner la distance peau-péricarde. Figure. Kit de drainage péricardique avec trocard gradué. La
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