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Mise au point

Publié le  Lecture 17 mins

Durabilité et détérioration structurelle des bioprothèses à l’aube du TAVI pour tous

Erwan SALAUN, Philippe PIBAROT, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Université de Laval, Québec, Canada

Ces vingt dernières années ont vu le traitement de la sténose aortique évoluer très rapidement. Les techniques d’interventions chirurgicales se sont optimisées avec des temps de clampage aortique de plus en plus courts, notamment du fait de l’utilisation de plus en plus fréquente de nouvelles prothèses valvulaires biologiques (valve sutureless). Mais c’est surtout l’essor des techniques interventionnelles d’implantation de bioprothèses aortiques, TAVI, qui a révolutionné les fondements de la prise en charge de la plus fréquente des valvulopathies.

Ainsi, quelle que soit la technique d’intervention, chirurgicale ou interventionnelle, un patient de plus de 65 ans pris en charge pour une sténose aortique sévère recevra fort probablement une bioprothèse (1). Cependant, en fonction de l’espérance de vie du patient, le patient et son médecin seront confrontés à l’immuable dégradation des tissus biologiques prothétiques et la survenue d’une détérioration structurelle de la bioprothèse pouvant entraîner une dysfonction du substitut valvulaire. Une interrogation importante accompagne d’ailleurs la durabilité à moyen et long terme de certains nouveaux substituts prothétiques biologiques, notamment ceux implantés par cathétérisme. Il existe aussi des discordances quant à la définition de la détérioration structurelle et de ces critères. Le but de cet article est de : • Définir la détérioration structurelle et les moyens diagnostiques. • Présenter les mécanismes physiopathologiques impliqués. • Faire le point sur la durabilité des prothèses biologiques actuelles. • Décrire la prise en charge d’une détérioration d’une bioprothèse aortique. Définitions et diagnostic de la détérioration structurelle Généralités La grande majorité des études portant sur le remplacement valvulaire aortique chirurgical définit la détérioration structurelle comme la survenue d’une ré-intervention pour dysfonction structurelle de la bioprothèse. Cependant, cette méthode d’évaluation basée sur ce critère unique de ré-intervention sousestime, de façon importante, l’incidence de la détérioration des bioprothèses. En effet, de nombreux patients présentant une dysfonction de bioprothèse aortique ne sont pas adressés vers une ré-intervention du fait : – du sous-diagnostic de la détérioration ; – d’une détérioration structurelle avec dysfonction légère ou modérée de la bioprothèse ; – d’un risque de ré-intervention rédhibitoire ; – d’un décès précoce lié à la dysfonction prothétique. L’évaluation échographique de la morphologie (détérioration morphologique) et de la fonction de la bioprothèse (détérioration hémodynamique) est donc le point clé pour l’évaluation de la survenue d’une détérioration structurelle (2,3). Jusqu’à l’an dernier et la publication de deux articles proposant des définitions standardisées, la détermination exacte des critères échographiques de détérioration, notamment des paramètres hémodynamiques quantitatifs, restait floue. Ces deux définitions standardisées sont issues de deux groupes d’experts : l’un européen regroupant les sociétés savantes : EAPCI, ESC et EACTS (4) et l’autre du groupe d’experts internationaux VIVID (5). Ces deux définitions sont assez proches et présentent de nombreuses similitudes, mais cependant, quelques différences importantes existent. Similitudes des deux définitions (figure 1) En accord avec les recommandations de l’ESC 2018 sur la prise en charge des valvulopathies (1), ces deux définitions affirment qu’il est nécessaire de réaliser : – une échographie de référence post-implantation ; – une évaluation échographique systématique annuelle. Le suivi systématique échographique permet la détection précoce des signes de détérioration structurelle, mais aussi de dysfonction non structurelle. Les signes de détérioration morphologique (tissulaire) des feuillets prothétiques (anomalie de structure ou de mouvement des feuillets prothétiques), même s’ils ne sont pas associés à une dégradation de la fonction prothétique doivent conduire au diagnostic de détérioration structurelle. La détérioration hémodynamique est définie comme une dégradation de la fonction de la bioprothèse par rapport à l’échographie de référence, par exemple une augmentation du gradient moyen (GM) transprothétique et/ou l’apparition (ou l’aggravation) significative d’une fuite intraprothétique. La détérioration hémodynamique est classée en grades de sévérité croissante suivant l’importance de la dysfonction, toujours par rapport à l’examen de référence : dysfonction modérée et sévère pour la définition des sociétés européennes (4), et stades 2 et 3 pour la définition internationale VIVID (5) (figure 1). BVF : bioprosthesic valve failure ; DPP : disproportion patient-prothèse ; EACTS : European Association for Cardio-Thoracic Surgery ; EAPCI : European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions ; ESC : European Society of Cardiology ; ETT : échographie transthoracique ; GM : gradient moyen ; IDV : index des vélocités Doppler ; SF : surface fonctionnelle ; SVD : détérioration structurelle de valve ; VIVID : Valve-in-Valve International Data. Avantages et limites de la définition des sociétés européennes (figure 1) • Avantages La définition européenne a pour avantage l’utilisation de critères simples échographiques permettant son application aisée aux séries prospectives ou rétrospectives afin de déterminer l’incidence de la détérioration structurelle. La dénomination d’un stade associant détérioration échographique et retentissement clinique (BVF : bioprosthesis valve failure) facilite l’étude de l’impact clinique de la détérioration structurelle. • Limites L’utilisation uniquement du GM transvalvulaire comme paramètre définissant une sténose peut conduire à une surestimation de l’incidence (tableau 1). En effet, le GM est dépendant du flux transvalvulaire, et l’augmentation observée du GM peut être uniquement secondaire à une augmentation du flux transvalvulaire sans détérioration structurelle, par exemple lors de l’amélioration de la fonction ventriculaire gauche et du flux en postintervention ou du fait de conditions pathologiques élevant le flux (anémie, infection, etc.). La possibilité de définir une détérioration hémodynamique simplement sur la constatation d’un GM fixe élevé, mais sans évolution par rapport à l’échographie de référence, entraîne une confusion entre la présence possible d’une disproportion (ou mismatch) patient-prothèse et une réelle détérioration structurelle (tableau 1). En effet, selon ce consensus d’experts, un GM objectivé entre 20 et 40 mmHg est en faveur d’une détérioration structurelle modérée, et un GM ≥ 40 mmHg définit une détérioration structurelle sévère, et cela quel que soit le GM de référence. Ainsi, un patient présentant un GM > 20 mmHg en raison d’une disproportion patient-prothèse serait considéré comme ayant une détérioration structurelle selon cette définition. Un critère de détérioration morphologique n’est pas obligatoire pour définir la présence d’une détérioration (hémodynamique) structurelle. Cette distinction détérioration morphologique/ hémodynamique risque d’entraîner des erreurs diagnostiques entre une réelle détérioration structurelle et les autres pathologies non structurelles pouvant être responsables de dysfonction hémodynamique (thrombose, pannus, endocardite, disproportion patient-prothèse) (tableau 1). Avantages et limites de la définition du groupe VIVID (figure 1) • Avantages Cette définition conforte le lien et la continuité entre la détérioration morphologique des feuillets prothétiques et la détérioration hémodynamique subséquente. Ainsi, la présence de critères morphologiques lors de la mise en évidence d’une dysfonction de prothèse est obligatoire pour définir ce phénomène comme étant une détérioration structurelle. Cette définition évite donc les erreurs de classification entre dysfonctions non structurelles versus dysfonctions structurelles. Elle souligne aussi la nécessité d’utiliser des critères indépendants du flux afin de définir la présence d’une sténose. • Limites La multitude des critères proposés rend plus difficile l’application de la classification en routine et aux cohortes cliniques. La distinction entre dysfonction sténosante (stade 2S), régurgitante (stade 2R), et mixte (stade 2RS) est intéressante mais, là aussi, peut gêner l’application rapide de cette définition à des cohortes, notamment rétrospectives. Proposition pour l’optimisation de la définition (figure 2) * La surface fonctionnelle et index de vélocités sont des paramètres indépendants du flux et permettent de confirmer que l’élévation du gradient n’est pas secondaire à une élévation du flux mais bien à une dysfonction de la prothèse. Pour le stade 2 : diminution de la surface fonctionnelle entre 0,3 et 0,59 cm 2 ou de 25 à 50 % de la surface fonctionnelle de référence et/ou diminution de l’index des vélocités Doppler entre 0,1 et 0,2 ou de 20 à 40 % de l’index des vélocités de référence. Pour le stade 3 : diminution de la surface fonctionnelle entre ≥ 0,60 cm 2 ou > 50 % de la surface fonctionnelle de référence et/ou diminution de l’index des vélocités Doppler entre ≥ 0,2 ou de ≥ 40 % de l’index des vélocités de référence. † Les symptômes cliniques peuvent être associés à une dysfonction de stade 2 donc modérée en cas de facteur de vulnérabilité : GM postintervention déjà élevé, dysfonction systolique ou diastolique du ventricule gauche, valvulopathie mitrale associée. AOC : anticoagulation orale curative ; ETT : échographie transthoracique ; GM : gradient moyen ; HALT : hypo-attenuated leaflet thickening ; RELM : reduced leaflet motion. • Échographie de référence Les deux récentes définitions autorisent la réalisation de l’échographie de référence en sortie d’hospitalisation, donc pouvant survenir 3 jours après un TAVI ou 1 semaine après un remplacement valvulaire chirurgical. Ce terme semble trop précoce et augmente le risque que les constatations hémodynamiques retenues comme références soient influencées par les aléas postintervention, notamment en cas de remplacement valvulaire chirurgical (anémie, tachycardie, etc.). À l’inverse, une échographie trop tardive après 3 mois, pourrait aussi être influencée par des modifications non liées à la fonction de la prothèse. Une échographie de référence comprise entre 1 et 3 mois postintervention semble donc la plus adaptée à servir de référence et de base de suivi. • Imagerie diagnostique et multimodalité Les limites de l’échographie transthoracique dans l’analyse des lésions

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