Kamel BOUGHALEM, Clinique Labrouste, Paris ; Pierre AUBRY, Hôpital Privé Nord Parisien, Sarcelles ; Camille BRASSELET, Groupe médical Saint-Rémi, Reims
Le GRCI France 2017 a réuni 1 000 participants en décembre 2017 à Paris. Le Groupe de Réflexion sur la Cardiologie Interventionnelle (GRCI) est constitué de professionnels de santé intéressés par le partage d’expériences et la transmission d’informations sur la cardiologie interventionnelle. Les thématiques abordées ont concerné principalement la maladie coronaire mais aussi les valvulopathies et les cardiopathies structurales. À côté des sessions dédiées au diagnostic et au traitement des principales pathologies cardiovasculaires, des sujets moins souvent traités comme les registres, la formation, la simulation et l’e-cardiologie ont été intégrés dans le programme scientifique.
Au cours des trois jours du congrès, les informations diffusées pendant le GRCI France 2017 ont permis aux participants d’améliorer leurs connaissances et de situer leurs pratiques avec une cinquantaine de sessions médicales et paramédicales. Le GRCI remercie la revue Cath’Lab de permettre à ses lecteurs de découvrir (ou redécouvrir) certaines thématiques présentées et discutées lors de cette édition du GRCI France.
Maladie coronaire Le GRCI France 2017 coïncidait avec l’anniversaire des 40 ans de l’angioplastie coronaire. Une session animée par Philippe Gaspard (Lyon), René Koning (Rouen) et Gérard Finet (Lyon) a permis de passer en revue l’histoire de la technique et en particulier celle des endoprothèses coronaires, puis l’état actuel de l’art et, enfin, d’évoquer le futur à l’aune des derniers résultats décevants des stents biorésorbables. Prothèses endocoronaires : y-aura-t-il une quatrième révolution ? Un peu d’histoire P. Gaspard nous a rappelé ce que l’on doit aux précurseurs, Julio Palmaz pour le concept d’étayage métallique et Jacques Puel pour la première utilisation d’un stent chez l’homme (1986), avant de nous relater l’importance des évolutions techniques, jusqu’à faire des stents coronaires l’outil majeur de la revascularisation coronaire percutanée. La place prépondérante des stents actifs est justifiée par leurs excellents résultats cliniques et leur « innocuité », grâce à des techniques de déploiement bien documentées, à l’apport de l’imagerie endocoronaire et aux progrès réalisés en termes d’environnement pharmacologique antithrombotique, avec l’utilisation des bithérapies antiagrégantes plaquettaires (aspirine-clopidogrel/prasugrel/ticagrelor). L’histoire des stents biorésorbables (BVS) a débuté en 1998 avec la publication par Tamaï des 50 premières implantations chez l’homme et des résultats décevants à 5 ans en termes de revascularisation secondaire comparés à ceux du stent actif de référence de l’époque (Cypher™) : 18 % versus 5,3 %. En 2016, Patrick Serruys a publié dans le Lancet (figure 1) (1) les résultats à 3 ans de la comparaison entre un BVS (Absorb™, Abbott Vascular) et un stent actif recouvert d’évérolimus, avec des résultats décevants en termes d’innocuité (IDM : 7,5 % vs 1,2 % ; thrombose de stent : 2,8 % vs 0 %) et d’efficacité clinique (6,2 % de revascularisation secondaire vs 1,9 %), entraînant l’arrêt de la commercialisation en septembre 2017 par Abbott du seul stent biorésorbable disponible sur le marché. Le caractère théoriquement plus physiologique des BVS comparés aux stents métalliques actifs (restauration de la vasomotricité), est contrebalancé aujourd’hui par des difficultés technologiques, avec une plus grande difficulté d’implantation optimale, associée à des questions non résolues concernant la biorésorption. Figure 1. Résultats de l’étude ABSORB II : comparaison entre un BVS (Absorb™, Abbott Vascular) et un stent actif recouvert d’évérolimus (d’après Serruys P et al. (1)). Stents biorésorbables : les espoirs et les limites actuelles René Koning (Rouen) a évoqué les espoirs des débuts et les limites actuelles des stents biorésorbables en confirmant l’intérêt de poursuivre le développement de cette technologie, au regard des résultats plus encourageants du registre français France-ABSORB qui, sur une cohorte de 2 072 patients et un suivi de 99 % à 1 an, affiche des résultats de mortalité (0,7 %), de MACE (3 %) et de thrombose de stent (1,5 %) moins pessimistes. Les résultats d’ABSORB II, avec 2,8 % de thromboses de BVS versus 0 % pour le stent actif de l’étude (recouvert d’évérolimus) mais également la métaanalyse de T. Toyota et al. (2) (plus de 3 % de thromboses de stent BVS avec une importante part de thromboses tardives et très tardives ; figure 2) expliquent le coup d’arrêt actuel à l’utilisation des stents biorésorbables : un taux de thromboses de stent inacceptable, la survenue plus fréquente d’IDM aigus et un nombre plus important de revascularisations secondaires ternissent les résultats de ces dispositifs. L’outil est donc loin d’être optimal : l’épaisseur importante des mailles et des discontinuités dans l’architecture du stent suggèrent des problèmes non résolus dans le processus de résorption du stent. Des améliorations demeurent donc possibles. Figure 2. Métaanalyse sur les thromboses de stents biorésorbables (d’après Toyota T et al. (2)). Les perspectives d’avenir des BVS Gérard Finet qui a comparé les stents biorésorbables au Graal de l’angioplastie coronaire, a pu établir un constat argumenté et évoquer les perspectives d’avenir de ces dispositifs. Le constat : les résultats actuels sont mauvais. En effet à ce jour les DES demeurent supérieurs aux BVS dans des études comparatives randomisées ou dans les registres (figure 3). Figure 3. Technique du POT (proximal optimisation technique) et du kissing balloon pour une angioplastie du tronc commun. Les raisons : elles sont d’abord liées à la constitution même du stent biorésorbable. Les polymères solides semi-cristallins (PLA) constituant les BVS sont plus rigides, moins résistants à l’écrasement et plus susceptibles de rupture que les alliages métalliques des DES d’aujourd’hui. L’expansion est donc plus difficile et le risque de rupture plus important. En corollaire, la technique doit être irréprochable, avec une prédilatation optimale, afin de réduire le risque d’écrasement du stent. Il faudrait modifier les critères suggérés par le fabriquant en termes de postdilatation, cette dernière devant être plus « agressive », avec un ballon non compliant, allant jusqu’à 1 mm de plus que la taille initiale du stent, contrairement à la recommandation d’utiliser des ballons non compliants n’excédant pas le diamètre initial du stent de plus de 0,5 mm. Par ailleurs, le temps de résorption prévu en 2 ans serait plus long (jusqu’à 4 ans), avec des problèmes de résorption illustrés par des cas de démantèlement avec collapsus endoluminal du stent. Le futur de cette technologie exige que les praticiens soient mieux informés par les industriels et qu’ils aient une meilleure connaissance des propriétés physiques des polymères et de leurs limites. Des démonstrations expérimentales plus poussées et des techniques de largage plus adaptées sont donc attendues. Les incontournables de l’angioplastie coronaire L’angioplastie du tronc commun Rami El Mahmoud (Boulogne-Billancourt) a abordé les principales questions liées à l’angioplastie du tronc commun. Comment évaluer une sténose du tronc commun ? Les insuffisances notoires de l’angiographie dans ce contexte sont connues. Avec les techniques d’imagerie endocoronaire (IVUS-OCT), qui semblent équivalentes pour évaluer le résultat de l’angioplastie (expansion et apposition du stent), une documentation est plus importante pour l’IVUS dans l’évaluation de la sténose et dans l’impact pronostique de son utilisation pour guider la procédure. La FFR, dont la technique doit être rigoureuse et adaptée, trouve une place naturelle dans la détermination du caractère fonctionnel d’une sténose du tronc commun. Qui dilater « du tronc commun » ? Depuis l’étude SYNTAX, l’angioplastie est devenue une alternative à la chirurgie dans certaines conditions. Chez les patients ayant un score Syntax 23, l’angioplastie fait jeu égal avec la chirurgie, avec une tendance à moins de mortalité, à moins d’AVC mais avec plus d’IDM et de revascularisations secondaires. Au-delà d’un score Syntax de 32, l’angioplastie n’est pas recommandée, elle sera réservée aux patients à très haut risque chirurgical. Les résultats contradictoires des études EXCEL et NOBLE ont été ensuite débattus. Le suivi plus court d’EXCEL (3 ans) comparativement à celui de NOBLE (5 ans) peut apparaître plus favorable à l’angioplastie en raison de la survenue plus fréquente d’événements tardifs dans les groupes interventionnels. Quelles considérations techniques sont importantes à prendre en compte quant à la pérennité du résultat, et le T provisionnel stenting avec le proximal optimisation technique (POT) et le kissing final font toujours consensus (figure 3). La technique de l’abord radial Elle a été présentée par Jérémie Abtan (Paris), qui après un rappel historique des contributions de Campeau (1989) et de Kiemeneij (1993) a montré l’utilisation exponentielle de cette voie en France et en Europe. La courbe d’apprentissage assez longue semble expliquer le retard de l’Amérique du Nord à l’adoption de cette voie d’abord. L’étude MATRIX Access, sous-étude préspécifiée de MATRIX, a démontré le bénéfice de la voie radiale dans les syndromes coronaires aigus (SCA), en termes de MACE sur l’ensemble de la population, principalement par la réduction des saignements. Il s’agit actuellement de la voie d’abord plébiscitée par les patients, les praticiens, les sociétés savantes et les autorités de santé. Le patient diabétique Les particularités du patient diabétique ont été soulignées par Jean-Guillaume Dillinger (Paris). Trente pour cent des patients référés au cath-lab sont diabétiques. Des considérations anatomiques (petits vaisseaux, lésions diffuses et calcifiées) et physiologiques (hyperactivité plaquettaire), ainsi que l’évolutivité fréquente des lésions expliquent les résultats mitigés de l’angioplastie avec DES. De nombreuses études ont permis d’établir les recommandations actuelles, qui donnent la priorité à la chirurgie, l’angioplastie trouvant sa place chez les patients ayant un score Syntax 22, avec dans ce cas, une utilisation exclusive des DES, associés à une optimisation du traitement antithrombotique. Elle passe par la préférence du prasugrel sur le clopidogrel et une tendance à l’augmentation et au fractionnement des doses d’aspirine (stratégie en cours d’évaluation). La chirurgie, lorsqu’elle est choisie, doit utiliser les deux artères mammaires. L’angioplastie peut donc constituer une alternative, qui doit demeurer raisonnable, impeccable techniquement, et avec un environnement pharmacologique optimal. Traiter les CTO Yves Louvard (Massy) a présenté les différentes techniques de traitement des CTO. L’approche antérograde demeure le choix initial mais la voie d’abord reste débattue. L’abord radial doit être préféré (double abord quasi systématique) sauf en cas d’incompatibilité de diamètre (intérêt du sheathless). Les différentes techniques améliorant le support doivent être connues (choix du cathéter, anchoring, etc.). La procédure est
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