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L’angor spastique : on le trouve si on le cherche !
Hakim BENAMER, Hôpital privé Jacques Cartier, Massy ; Institut cardiovasculaire GVM La Roseraie, Aubervilliers ; Hôpital Foch, Suresnes.

Les syndromes coronariens aigus (SCA) sont le plus souvent la conséquence d’une rupture ou d’une érosion de plaque athéromateuse inflammatoire et lipidique. Dans certains cas, le mécanisme physiopathologique est différent et fait intervenir un spasme coronaire.
La première publication sur le spasme coronaire a été réalisée par M. Prinzmetal dans l’ American Journal of Medicine en 1959. L’auteur décrivait alors une nouvelle forme d’angine de poitrine survenant au repos : A variant form of angina pectorius, preliminary report (1). Chez qui le rechercher ? Le spasme coronaire résulte d’une dysfonction endothéliale et/ou d’une hyper-réactivité des cellules musculaires lisses sur des stimuli endogènes (acétylcholine, histamine, catécholamines, etc.) ou exogènes ayant un effet vasoconstricteur (5 FU, tabac et cocaïne, etc.) (2). La dysfonction endothéliale fait intervenir, à la faveur d’une lésion de l’endothélium, la mutation d’un gène codant la NO synthétase, alors que l’hyperactivité des cellules musculaires lisses est liée à la mutation d’un gène de la Rhokinase (3). Il existe une grande hétérogénéité de fréquence du spasme coronaire dans le monde qui s’explique en partie par ce déterminisme génétique, mais aussi par une grande hétérogénéité des moyens déployés pour en faire le diagnostic. En effet, le spasme coronaire est très fréquent en Asie, avec une prévalence de 40 % chez le coronarien japonais (4), alors que l’angor spastique ne concerne que 1,2 % des patients selon une étude européenne (5). Les Japonais de ce fait ont une grande expérience et font autorité dans ce domaine. La présence d’un angor de repos, avec à la coronarographie, un réseau coronaire dans les limites de la normale, est une situation qui n’est pas rare. Elle représente 13 % des cas dans la série de R. Rossini et al. (6). Dans cette étude, les récurrences ischémiques dans le suivi étaient fréquentes, 16,6 % en cas de lésions modérées et 9,1 % en cas de normalité angiographique, sur un suivi de 26 ± 16 mois. Dans ce contexte, les coronaires considérées comme angiographiquement « normales », peuvent en réalité être le siège d’un athérome non significatif, d’une dissection ou rupture de plaque – non visualisés par l’angiographie qui est parfois prise en défaut –, mais aussi d’un spasme coronaire transitoire, d’une embolisation distale, d’une occlusion ostiale de petite branche épicardique. La relation entre spasme et athérome coronaire est clairement démontrée et nécessite parfois des images plus précises que celles obtenues par angiographie, comme l’imagerie endocoronaire, pour être confirmée (7). Elle révèle de minimes plaques d’athérome sur les sites du vasospasme, non visibles à l’angiographie. Une étude d’E.S. Shin et al. (8) a décrit les caractéristiques des plaques athéromateuses retrouvées sur les sites du vasospasme en imagerie endocoronaire ( optical coherence tomography, OCT). Le thrombus intracoronaire a été retrouvé chez près d’un tiers des patients, montrant bien que, dans le contexte de SCA, le spasme peut être accompagné d’une composante thrombotique, qui est très souvent minime mais présente. Dans l’angor spastique, la population est plus jeune que chez le coronarien classique. On note une forte prédominance masculine (plus de 80 %). Le principal facteur de risque cardiovasculaire incriminé dans cette pathologie est le tabagisme actif (9). Des présentations cliniques multiples L’angor spontané survenant au repos est le plus classique, mais il peut parfois être associé à l’angor d’effort, à la syncope ou à l’arrêt cardiaque : c’est l’angor mixte. Enfin, les syndromes coronariens aigus sans cause angiographique retrouvée le caractérisent aussi (10, 11). L’interrogatoire est un élément très important dans cette pathologie. En effet, certaines caractéristiques de la douleur peuvent orienter le diagnostic : une douleur angineuse survenant au repos, en seconde partie de nuit, réveillant parfois le patient, une meilleure tolérance diurne et à l’effort, une majoration à l’hyperventilation et une disparition rapide au traitement par dérivés nitrés ou inhibiteurs calciques (3). Les signes ECG qui peuvent accompagner ces symptômes sont un sus-décalage du segment ST ≥ 1 mm qui est le plus classique mais aussi un sous-décalage du segment ST ≥ 1 mm et des ondes T négatives dans des dérivations concordantes (3). Enfin, plus rarement, mais de façon souvent dramatique, le spasme coronaire peut se révéler par une complication rythmique ventriculaire, allant jusqu’à la fibrillation ventriculaire (11, 12). L’association d’une présentation clinique évocatrice, en l’absence d’enregistrement de l’ECG percritique et d’une coronarographie ne permettant pas de retrouver de lésion coronaire significative, doit faire évoquer le diagnostic d’angor spastique. Il est toutefois important de signaler que les coronaires ne sont pas nécessairement saines et que le spasme peut aussi accompagner des réseaux coronaires présentant des sténoses coronaires significatives, ce qui complique la prise en charge (9) et retarde souvent le diagnostic. En effet, parfois le patient est traité sur la lésion coronaire significative et revient pour des contrôles angiographiques qui s’avèrent rassurants, sans resténose. Le doute sur l’authenticité des symptômes peut naître dans l’esprit des cardiologues et plonger le patient dans une vraie détresse psychologique (cas clinique). En règle générale, le diagnostic d’angor spastique est difficile, avec un délai pour le diagnostic qui est en moyenne de 3 mois selon l’étude de G. Lanza et al. et un pronostic engagé puisque la fréquence des événements cardiaques graves est de 56 % à 3 mois (5) . Comment confirmer le diagnostic ? Ce sont les tests de stimulation qui permettent de confirmer le diagnostic (4). Il est aussi important de noter que l’utilisation des tests de provocation est peu fréquente dans nos centres en France (12), alors qu’ils constituent le moyen diagnostique le plus efficace (9). Cette absence d’enthousiasme pour ce test vient probablement de sa fréquente négativité et de l’absence dans ce cas de décision thérapeutique claire. Pour cette raison, il est important de se donner les moyens d’augmenter la sensibilité de ce test en le réalisant avec des protocoles plus agressifs comme la voie intracoronaire (4) dans la population présélectionnée par la clinique et l’angiographie coronaire. Aujourd’hui, le protocole le plus fréquemment admis dans nos centres est l’injection d’ergonovine (Méthergin ®, ER) par voie intraveineuse, selon les propositions d’un groupe d’experts de la Société française de cardiologie (SFC) (13). Pourtant, les dernières recommandations de l’ESC (14) conseillent la voie intracoronaire, décrite par D. Hackett et al. en 1987 (15), diminuant les effets retardés et systémiques de l’ergonovine. De plus, la prévalence du spasme est plus élevée par voie intracoronaire que par voie veineuse suggérant une meilleure sensibilité avec une bonne spécificité (16, 17). S. Sueda et al., ont rapporté les résultats de tests de provocation par injection d’ergonovine intracoronaire chez 596 patients japonais, avec un spasme observé chez 173 d’entre eux, soit un taux de positivité de 29 %, avec positivité angiographique si la sténose était supérieure à 90 % (17). Dans l’étude française de M.E. Bertrand et al., plus ancienne, les résultats de tests de provocation par injection IV d’ergonovine chez 1 089 patients caucasiens, ont montré un taux de positivité de 12,3 %, avec une positivité angiographique définie par une sténose supérieure à 75 % (18). Les tests L’ injection de Méthergin ® (0,2 mg) est réalisée en intracoronaire dans la coronaire la plus suspecte de spasme, ou bien avec 0, 1 mg dans chaque coronaire, les deux coronaires étant contrôlées angiographiquement avec le même protocole que pour la voie IV (utilisant 0,4 mg de Méthergin ®), avec un contrôle angiographique et ECG systématique à 3 et à 5 minutes. En fin de procédure, une injection de dérivés nitrés est systématique dans chaque coronaire avec mise en place d’un patch de dérivés nitrés pour le jour de l’examen. Ce test de provocation est possible par voie radiale, l’injection d’inhibiteurs calciques en intraradiale ne le contre-indique pas mais rend le test moins sensible. Les tests à l’acétylcholine (ACh) sont aussi possibles avec des résultats comparables dans l’étude menée par S. Sueda et al. (19). Selon les recommandations japonaises, le test à l’ergonovine était considéré comme positif en cas de spasme d’au moins 90 % (75 % selon les recommandations françaises (13)) , focal ou diffus, d’une ou plusieurs artère(s) coronaire(s). Ce critère angiographique doit être accompagné d’une douleur thoracique et/ou d’une modification électrique (sus ou sous-décalage du segment ST d’au moins 0,1 mV ou onde T négative dans au moins 2 dérivations consécutives). Dans les recommandations japonaises, ces tests de provocation sont indiqués quand le spasme coronaire est suspecté sans avoir été documenté : en particulier en cas d’angor de repos avec variations nycthémérales, sans lésion coronaire avec une réponse rapide et efficace aux dérivés nitrés. Mais aussi, dans le cas de SCA sans lésion coronaire coupable identifiable, d’un arrêt cardiaque inexpliqué, une syncope avec douleur thoracique et des douleurs thoraciques persistantes malgré un succès d’angioplastie (3). Par contre, ce test est contre-indiqué dans différentes situations cliniques : la phase aiguë de SCA, en cas de lésions coronariennes sévères en particulier d’atteinte du tronc commun et en cas de dysfonction ventriculaire gauche (3). Les tests de provocation par voie intra coronaire sont sûrs et exposent à un risque faible d’événements iatrogènes graves. Y. Takagi et al. ont étudié le taux de complications chez 1 244 patients ayant bénéficié d’un test de provocation pharmacologique par ACh ou ER (57 et 40 % des patients respectivement), retrouvant 3,2 % de complications rythmiques (20). S. Sueda et al. ont rapporté un taux de complications (troubles du rythme, choc cardiogénique…) de 0,56 % dans une série de 715 patients ayant bénéficié d’un test de provocation par acétylcholine IC, sans aucun décès ni complication irréversible (21). En cas de SCA avec ST+
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