Gilles GOYAULT, Institut cardiovasculaire de Strasbourg, Clinique Rhena, StrasbourgInstitut cardiovasculaire de Strasbourg, Clinique Rhena, Strasbourg
En 1989, Campeau publia la première série de 100 coronarographies diagnostiques réalisées par voie radiale(1). Suivirent en 1992 et 1993 les publications de Kimeneij et de Laarman(2) sur les premières angioplasties coronaires sans et avec pose de stent. Depuis lors, la voie d’abord radiale est progressivement devenue l’approche de première intention de la très grande majorité des centres de cardiologie interventionnelle. Cependant, sa diffusion n’a pas été immédiate, si bien qu’en 2008, alors que 50 % des interventions coronaires étaient réalisées par voie radiale au Canada, seuls 2 % l’étaient aux États-Unis. Ces chiffres ont évolué depuis et la voie radiale est utilisée aujourd’hui dans plus de 90% des interventions coronaires percutanées.
L'approche radiale présente de nombreux intérêts en termes de réduction des complications hémorragiques du point de ponction, de confort pour le patient avec une déambulation rapide et un retour rapide à domicile (3). L’abord transradial a en ce sens montré son intérêt médico-économique dans le traitement de la maladie coronaire en ambulatoire (4-6). Elle permet également la réalisation d’interventions chez des patients sous-anticoagulants sans majoration du risque hémorragique. L’étude RIVAL (7) publiée en 2011 a prouvé le bénéfice de l’accès radial sur l’abord fémoral pour les interventions coronaires percutanées dans les syndromes coronaires aigus. Ces résultats ont depuis été validés pour l’ensemble du spectre des patients atteints de maladie coronaire et traités par voie percutanée (8,9). Progressivement, grâce à la miniaturisation du matériel d’angioplastie et d’embolisation, la voie d’abord radiale s’est étendue au-delà du champ purement cardiologique pour voir naître des applications aux interventions percutanées sur les troncs supra-aortiques, les artères viscérales et des membres inférieurs. Nous aborderons successivement les considérations techniques de la voie radiale, ses potentielles applications actuelles et futures dans les maladies artérielles périphériques ainsi que ses résultats, mais aussi ses principales limites et complications. Enfin, nous terminerons par les alternatives à la voie radiale classique. Considérations techniques La sélection du patient est indispensable avant d’envisager un abord radial. Le pouls sera systématiquement recherché à droite comme à gauche. Une asymétrie tensionnelle ou des antécédents de sténose ou d’angioplastie sous-clavière ou coronaire doivent être recherchés. De même, un contexte d’hémodialyse ou d’insuffisance rénale sévère doivent venir pondérer l’indication de cette voie. Les patients obèses, les patients âgés, les femmes ou les patients à haut risque hémorragique (hépatopathie, anticoagulation, double antiagrégation, hémopathie) sont les catégories bénéficiant le plus de cette approche distale à moindre risque hémorragique (10). La réalisation du test de Barbeau ou d’Allen modifié est aujourd’hui très fortement recommandée pour évaluer la reprise ulnaire des arcades palmaires, a fortiori chez des patients vasculaires, âgés et diabétiques. N’oublions pas que même si certaines équipes de cardiologie ne réalisent pas systématiquement ce test, les patients coronariens ont habituellement une atteinte périphérique bien moins sévère que nos patients « artéritiques » (11), avec un risque ischémique moindre de la main ou des doigts. Une alternative, détaillée plus loin, est l’abord radial distal. Une courbe de type D au test de Barbeau contre-indique formellement la ponction radiale, en raison du risque ischémique distal en cas d’occlusion. D’une manière générale, pour les interventions sous-diaphragmatiques, la voie radiale gauche est à privilégier. Au-delà d’une réduction du risque neurologique, ne passant que devant l’artère vertébrale gauche, le cathétérisme de l’aorte descendante est facilité (en particulier chez les patients âgés aux artères tortueuses) et 5 à 10 cm de longueur utile de cathéters sont gagnés par rapport à la droite ; ce qui sauvera l’opérateur plus d’une fois, car chaque centimètre compte par cette approche… Cette voie radiale gauche nécessite en général l’installation du patient le bras gauche à 90°, l’opérateur (droitier le plus souvent, travaillant à la gauche du patient). Cette installation n’est pas toujours faisable dans les cathlabs ou salles de bloc opératoire et une alternative est l’installation du patient à l’envers sur la table d’examen… ou l’utilisation de la radiale droite (figure 1) (11). Figure 1. A : Schéma représentant la position d'installation en vue d'une ponction radiale gauche par un opérateur droitier. B : Exemple de champage avant ponction radiale gauche. C : Représentation schématique du test de Barbeau et ses différentes courbes (d’après Thakor et al. (11)). Techniquement, la ponction se fera à la palpation du pouls, le poignet en hyperextension, même si le guidage échographique est privilégié dans certains centres. Ce dernier guidage réduit notamment la courbe d’apprentissage et limite le risque de spasme ou de dissection et permet de vérifier le calibre de l’artère radiale (> 2 mm). Dans le cas des sténoses sous-clavières homolatérales, le guidage est nécessaire en raison de l’absence de pouls. La ponction classique se réalise 1 cm au-dessus de la styloïde radiale après anesthésie locale à la xylocaïne. Il est très fortement recommandé d’utiliser des kits introducteurs hydrophiles dédiés « voie radiale ». Ils comprennent le désilet, un microguide et une aiguille de microponction. Si l’aiguille du kit est utilisée (habituellement 21 G), une ponction artérielle non transfixiante à 45° sera réalisée. Cette dernière peut également se faire à l’aide d’un cathlon 18 ou 20 G. Si cette option est choisie, la ponction de l’artère se fera entre 30 et 45°. Dès le reflux sanguin par l’aiguille métallique, l’ensemble du cathlon est avancé afin de traverser le mur postérieur. L’aiguille est ensuite retirée complètement et la gaine plastique délicatement tractée jusqu’au reflux sanguin. Sa section droite assure le centrage dans la lumière artérielle et permet de limiter le risque de dissection. Une fois l’artère ponctionnée, un introducteur hydrophile court est mis en place. Un cocktail associant 2,5 à 5 mg de vérapamil, 5 000 UI d’héparine non fractionnée et 1 mg de dinitrate d’isosorbide est injecté par la valve latérale de l’introducteur. Compte tenu d’une très désagréable sensation de brûlure à l’injection de vérapamil, il est recommandé d’hémodiluer ce mélange et de l’injecter en douceur. Les diamètres d’introducteur habituellement utilisés sont compris entre 4 et 7 F et dépendront bien entendu du morphotype du patient, sachant que le diamètre radial moyen chez l’homme est d’environ 2,69 mm et d’environ 2,43 mm chez la femme. Plus de 80 % des artères radiales ont un diamètre supérieur au diamètre externe d’un introducteur 5 F quel que soit le sexe (12). Une fois l’introducteur court en place, deux techniques d’approche s’offrent à l’opérateur dont le choix dépendra du type d’intervention prévue : cathéter guide ou introducteur long. L’utilisation d’un cathéter guide rejoint la méthode cardiologique : au travers d’un désilet court est introduit un cathéter guide de taille compatible (la taille d’un introducteur s’entend en diamètre interne alors que le cathéter guide s’entend en diamètre externe : un cathéter guide 6 F rentre donc dans un introducteur 6 F). Afin de réduire la taille de l’artériotomie, il est aujourd’hui possible d’utiliser le cathéter SheathLess PV (Asahi Intecc), disponible en longueur 120 cm, qui s’emploie, comme son nom l’indique, sans introducteur. L’avantage de la technique au cathéter guide est la variété de formes disponibles de l’extrémité des cathéters, permettant de trouver, en particulier dans les angioplasties des artères rénales ou digestives, son cathéter adapté. Par ailleurs, la longueur habituelle des cathéter guide est de 100 cm (certains sont néanmoins disponibles en 125 cm), limitant leur usage au niveau des artères rénales ou des carotides. L’autre approche à partir d’une voie radiale est l’utilisation d’un introducteur long, nécessitant donc la mise en place d’un guide long dans l’aorte abdominale pour réaliser l’échange d’introducteur. Les introducteurs les plus longs actuellement disponibles sont le Flexor ® Shuttle ® (Cook Medical) de 4 à 6 F en 110 cm de long et l’Epsylar (Optimed) en 5 F et 120 cm de long. Ces introducteurs permettent en général d’atteindre un niveau compris entre l’aorte basse et l’artère fémorale commune en fonction du morphotype des patients. Applications et résultats Alors que de nombreuses études randomisées portant sur de larges effectifs ont prouvé l’intérêt de la voie radiale sur la voie fémorale dans la prise en charge par angioplastie de la maladie coronaire, en particulier au stade aigu (7,9), peu de travaux d’envergure ont étudié la voie radiale dans le champ d’application périphérique. La littérature, en dehors de rares études comparatives randomisées ou de métaanalyses, rapporte essentiellement des études de faisabilité et de sécurité ou encore des cas cliniques et des revues. Malgré tout, la voie radiale, en particulier gauche, se démocratise dans le champ des interventions endovasculaires sous-diaphragmatiques. Elle peut se concevoir comme seule voie d’abord ou comme voie ancillaire. De nombreuses interventions périphériques peuvent être exclusivement réalisées à partir du poignet : les angioplasties des troncs supra-aortiques, les angioplasties rénales et digestives et les angioplasties périphériques. Troncs supra-aortiques • Angioplasties carotidiennes L’étude comparative RADCAR (13), une des seules études randomisées sur le sujet de la voie radiale dans le champ extra-coronaire, a montré l’intérêt de la voie radiale dans l’angioplastie carotidienne chez les patients à risque de complication par voie fémorale (patients obèses ou avec maladie artérielle périphérique) de même que chez les patients présentant une crosse aortique hostile de type II/III, d’importantes tortuosités du tronc artériel brachiocéphalique (TABC), une sténose ostiale de la carotide ou encore une arche bovine. Le taux de crossover de la voie radiale vers la voie fémorale reste de 10 % alors qu’à l’inverse il n’est que de 1,5 % (respectivement de 4,9 et 0 % dans la série de Mendiz et al. (14)). L’irradiation est en revanche supérieure de 30 % par voie radiale ; ce qui représente une des principales limites de cette voie dans cette indication. À noter que les taux de succès technique et de complication (majeures et mineures) étaient superposables. Les auteurs recommandent donc une sélection des patients sur la base du bilan préthérapeutique : un patient sans maladie
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.