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Grand angle

Publié le  Lecture 16 mins

L’artère brachiale, cette mal-aimée

Laurence DESTRIEUX, chirurgien vasculaire et endovasculaire, Clinique Générale, Annecy, Présidente du Groupe Archiv

Par le biais de dispositifs foisonnants, un éventail toujours plus large de traitements endovasculaires périphériques permet de répondre à la demande de revascularisations qui croît autant que notre population vieillit.
Pour ce faire, et depuis son premier recours en 1967(1) la voie fémorale a bénéficié des plus grands honneurs. Aujourd’hui les procédures endovasculaires ne sont plus réservées aux traitements de première intention mais permettent de réintervenir chez des patients parfois multi-opérés, conventionnellement ou par techniques endovasculaires. Nombres de prises en charge sont ainsi mini-invasives mais néanmoins complexes du fait des obstacles natifs ou matériels existants au culot aortique, aux bifurcations iliaques ou aux trépieds fémoraux.
La voie brachiale représente alors un accès de choix, complémentaire ou alternatif à l’accès fémoral au Scarpa, qu’il permet de préserver si celui-ci n’est pas déjà ostensiblement hostile.

Cette voie, peut également offrir un accès ergonomique à une artère cible, et a reçu pour cela une attention soutenue des cardiologues au siècle dernier. Bien moindre, il est vrai, que la voie radiale qui a réussi, en 2018, à détrôner la voie fémorale de son titre de gold standard pour les accès artériels. L’ American Heart Association a ainsi établi que la voie radiale était à privilégier en première intention, aussi bien en vasculaire périphérique qu’en cardiologie interventionnelle, non seulement pour améliorer la qualité des soins mais également pour réduire les coûts en santé (2). Ces recommandations faisaient suite à la métaanalyse d’études randomisées notables telles que RIVAL (3) et ses sous-groupes RIVAL-STEMI (4), MATRIX (5), RIFLE- STEACS (6) et STEMI-RADIAL (7) qui associent moins de mortalité et de complications vasculaires après ponction radiale que fémorale. Et bien entendu, cela implique l’absence de sur-iatrogénie neurologique lié à l’accès vasculaire et cardiaque par voie haute. Ceci préfigure un premier changement de paradigme pour toutes les voies hautes, brachiales et radiale confondues, associées depuis plus de 40 ans à différents sur-risques majeurs, embolique cérébral et cardiaque. Comme cela sera détaillé plus loin, plusieurs études, incluant celle réalisée par le groupe ARCHIV, tendent par ailleurs à modifier le paradigme du sur-risque lié au site d’accès brachial et aux moyens adaptés pour y parvenir. Iatrogénie de la voie brachiale L’étude du cold case « Brachial » oblige à ressortir le dossier CASS (the Collaborative Studies of Coronary Artery Surgery) (8). Cette étude de grand volume (7 553 patients) a été précurseur dans l’analyse comparative des complications liées à l’accès brachial ou fémoral... et la lecture des résultats bruts est accablante pour la voie brachiale : taux de thrombose artérielle 7 fois plus important, mortalité 3,6 fois plus important, infarctus myocardique et événements emboliques 2 fois plus importants. Mais la lecture attentive de cette publication invite à pondérer ces résultats : • L’augmentation de la mortalité diverge dans ses taux de répartition des techniques d’accès selon les centres investigateurs : – ceux pratiquant majoritairement la voie brachiale ≥ 80 %) avait un faible taux d’infarctus et aucun décès, tandis que ceux n’y ayant que peu recours (1 à 43 %) rapportaient une mortalité plus élevée en cas de technique brachiale ; – dans les centres pratiquant autant les deux techniques les patients étaient comparables en tous points, à l’exception de la maladie vasculaire périphérique qui, à l’époque n’était pas encore considérée comme un facteur de risque significatif de décès. Si à l’époque il n’allait pas de soi d’associer surmortalité et AOMI (assez sévère pour être un obstacle à une ponction fémorale), les données scientifiques se sont depuis suffisamment accumulées pour considérer que ce facteur de confusion était en fait un biais d’analyse avéré (9). • Le type de cathéter n’était pas documenté dans cette étude rapportant 0,03 % d’emboles cérébraux. Or, l’enquête réalisée chez les patients décédés a révélé dans chaque cas, l’utilisation d’un cathéter de type Sones, non préformé, en cas de cathétérisme par voie brachiale. La responsabilité de ce cathéter, utilisé régulièrement dans certains centres, avait été jugée particulièrement préoccupante. Par la suite, rares seront les séries qui rapporteront des complications cardiaques et neurologiques centrales (10). Essor des cathétérismes cardiovasculaires des années 1980 et intérêt médico-économique de la ponction brachiale M. Cohen et son équipe (11), ne rapportera pas de différence significative entre les taux de complications des différents modes d’accès brachial, en revanche, les temps opératoires sont significativement plus longs lors des abords chirurgicaux. Or la croissance forte de l’incidence des procédures cardio-interventionnelles et l’engouement pour l’ambulatoire incitent à privilégier l’accès le moins chronophage et requérant le moins de soins postopératoires. La voie brachiale percutanée est proclamée gold standard en cas de voie haute mais reste contre-indiquée pour deux catégories non négligeables de patients : les hypertendus d’hémostase sioux et les diabétiques insulinodépendants, exposés à des réactions délétères après protamine. Par ailleurs, l’émergence des cathéters 4 et 5 F va permettre d’améliorer les résultats en termes de complications brachiales locorégionales (12). Émergence de la voie radiale dans les années 1990 L’affinement des profils dans l’arsenal assure l’émergence de la voie radiale, qui en étant superficielle et éloignée de structures nerveuses, se prête aux exigences et besoins de la cardiologie interventionnelle ambulatoire. L’étude randomisée de F. Kiemeneij et al. va mettre en évidence des taux de complications du site de ponction équivalent en fémoral et brachial (2,3 % et 2 %), mais significativement moindre par voie radiale (0 %) (13). Par ailleurs, 75 % des patients ont signifié leur préférence pour la voie radiale, qui permet un retour à domicile précoce et des ponctions itératives jusqu’à ce que thrombose s’ensuive. Mais cette voie reste encore techniquement contrainte en endovasculaire périphérique, par l’arsenal – trop court, trop large ou sans support suffisant – et par l’ergonomie d’installation opératoire plus complexe. Changement de paradigme concernant les voies hautes et le sur-risque neurologique La métanalyse de C.S. Kwok et al. a été une des pierres angulaires du changement de paradigme concernant le sur-risque neurologique des voies hautes, en mettant en évidence qu’un mode d’accès artériel, qu’il soit radial ou fémoral, n’était pas un facteur prédictif indépendant de complications neurologiques centrales au décours des cathétérismes cardiaques (14). Par ailleurs, si les cathétérismes cardiaques impliquent inévitablement une manipulation de guides et de cathéters à l’origine des carotides, cela n’est pas le cas des procédures périphériques dont la cible est en aval de l’isthme aortique. Généralement, l’accès est d’ailleurs réalisé préférentiellement par voie gauche pour éviter la manipulation de matériel endovasculaire à l’origine des troncs supra-aortiques et ainsi réduire le risque d’embole cérébral. Regain de la voie brachiale à visée périphérique en mezzo forte Et les conclusions de C.S. Kwok tombent bien, car l’essor de l’endovasculaire périphérique ainsi que les limites matérielles liées à la voie radiale obligent au recours plus régulier de la voie brachiale et à des publications plus fréquentes sur le sujet (15), offrant ainsi matière à métaanalyse des séries les plus conséquentes publiées entre 2009 et 2020 sur le sujet (16-20). Cette métanalyse, effectuée sur des séries privilégiant la ponction brachiale sans échoguidage systématique, révèle des taux moyens de complications locorégionales de 10,36 % et un taux associé de reprise de 3,23 %. Les taux de mortalité et de complications cérébrales sont extrêmement faibles (incluant les décès, tous non liés à l’accès brachial de la série de Alvarez-Tostado). Par ailleurs, aucun cas d’accident vasculaire cérébral n’a été déploré malgré 15 % de voie brachiale droite (tableau 1) (16). En revanche, toutes les séries rapportent des complications significativement plus fréquentes en cas de recours à la ponction échoguidée. Or cet échoguidage n’est toujours qu’un recours en cas de difficultés de ponction, apportant donc un biais majeur pour l’analyse de cette variable davantage facteur de confusion. L’aube de la ponction échoguidée systématique R.W. Franz va offrir en 2017 une place nouvelle à la ponction échoguidée dans la gestion de l’accès brachial. Sa série rétrospective de 265 procédures avec échoponction systématique révèle non seulement un taux d’échec de ponction extrêmement bas (1,1 %), mais également des taux de complications locorégionales faibles (3,8 %) (21). Cette étude, réalisée pour des accès en 4 à 7 F, fait pressentir l’intérêt notable de la ponction échoguidée systématique, alliant choix éclairé du point de ponction le plus adéquat, meilleur taux de succès technique primaire et diminution du taux de complications au site d’accès. Malgré tout, l’absence d’investigations concernant les systèmes d’introduction 8 F restreint la gamme des stratégies et des dispositifs existants en excluant notamment certains stents couverts et certains kissing artériels. ARCHIBAL : l’étude du Groupe Archiv La littérature permettant de comprendre l’histoire, le contexte médicoéconomique mais également les biais ayant conduits au délaissement de la voie brachiale, notamment ouverte, l’essor constant de l’endovasculaire périphérique justifie de repositionner cet accès au centre de nombreuses prises en charge. Cependant, le nombre d’études périphériques étayant la ponction brachiale systématiquement échoguidée reste rare, et sa comparaison avec le mode d’accès brachial chirurgical ouvert est de l’ordre du néant. Ceci a incité le Groupe Archiv à réévaluer la voie brachiale de façon prospective, multicentrique et consécutive, afin d’analyser l’incidence des complications inhérentes au mode d’accès et au mode d’hémostase postopératoire choisi. Méthodes De juillet 2019 à janvier 2021, tous les actes thérapeutiques artériels impliquant un accès brachial au pli du coude et un cathétérisme de la crosse aortique ont été colligés par les centres co-investigateurs. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer, en pratique courante, le taux de complications des procédures endovasculaires périphériques à visée thérapeutique réalisées par voie brachiale, en chirurgie programmée uniquement. • Les objectifs secondaires – Évaluer la fréquence de survenue des complications mineures : hématome (sans traitement additionnel ou sans transfusion globulaire) ou pseudo-anévrisme se thrombosant spontanément. – Évaluer la fréquence de survenue des complications majeures : hématome (avec transfusion ou reprise

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