G. DEKLUNDER, C. GAUTIER, Service d’explorations fonctionnelles cardiovasculaires, Hôpital cardiologique, Centre hospitalier régional et universitaire, Lille
L’exploration des artères cérébrales dans leur trajet intracrânien n’est pas toujours systématique en présence d’une ischémie cérébrale. Elle est pourtant tout aussi importante que l’exploration de ces artères dans leur segment cervical. En effet, elle permet à la fois d’évaluer le retentissement des lésions cervicales et de dépister l’existence de lésions artérielles intracrâniennes associées. Les conséquences pratiques sont majeures puisque l’attitude thérapeutique dépend de l’ensemble de ces données. Si l’usage n’en est pas jusqu’ici généralisé, l’écho-Doppler transcrânien doit donc devenir partie intégrante du bilan d’une ischémie cérébrale. Les limitations techniques de l’examen peuvent presque toujours être surmontées à l’heure actuelle par l’utilisation d’un agent de contraste ultrasonore, ce qui devrait favoriser grandement le recours plus large à cette exploration.
Données générales sur l’athérome intracrânien L’athérosclérose intracrânienne est considérée comme responsable de 8 à 10 % des accidents ischémiques cérébraux (AIC) dans les pays occidentaux. La prévalence est beaucoup plus élevée dans les populations d’origine hispanique, africaine ou asiatique, et peut atteindre 40 % chez les asiatiques (1-4). L’âge, l’hypertension, le diabète et le syndrome métabolique, de même que la coexistence d’une maladie coronaire, sont les plus souvent cités (4,5). Les facteurs de risque sont les mêmes, quel que soit le territoire intracrânien concerné. Il n’y a pas de différence de prévalence entre les sexes (2). L’utilisation croissante de l’exploration du polygone de Willis, en EDTC ou en ARM, montre clairement que la fréquence de l’athérome intracrânien est bien plus élevée que celle classiquement décrite (2,5). Le peu d’intérêt apporté antérieurement à ces lésions était essentiellement lié au fait que seule l’angiographie en permettait le diagnostic et qu’aucune action thérapeutique spécifique n’était envisageable. La localisation de l’athérosclérose n’est pas uniforme sur les artères intracrâniennes et on observe, comme dans tous les autres territoires artériels, des sites lésionnels de prédilection. Les artères les plus souvent concernées sont les artères du territoire postérieur, artères vertébrales (AV) en V4 et artère basilaire (AB) (40 à 48 % des localisations selon les séries). Viennent ensuite l’artère carotide intracrânienne (ACI) (25 à 30 %) avec, par ordre de fréquence décroissante, la portion caverneuse, la portion intra-pétreuse, et enfin le segment clinoïdien, puis l’artère cérébrale moyenne (ACM) dans son segment M1 (20 à 26 %) (2,5). Le Groupe d’étude des sténoses intracrâniennes athéromateuses symptomatiques (GESICA) a cependant montré dans une étude prospective que la répartition était en réalité assez homogène et que les AV, AB, ACM et ACI étaient concernées avec une fréquence à peu près similaire (6). Il faut également noter que l’athérome intracrânien est souvent diffus et qu’il existe donc fréquemment des localisations multiples, l’association de lésions athéroscléreuses du système carotidien et du système vertébrobasilaire n’est donc pas rare (3,4). En présence d’une lésion athéromateuse intracrânienne, la prise en charge actuelle est la suivante : - contrôle extrêmement rigoureux des facteurs de risque ; - utilisation d’un traitement médical renforcé ; - recours à l’angioplastie avec le plus souvent pose de stent, dans certaines conditions tout au moins (sténose > 70 %, accessibilité de la lésion, contexte général). La situation devient par voie de conséquence radicalement différente (3). Le succès technique de l’angioplastie est actuellement assuré dans les équipes expérimentées et le taux de complications est faible (environ 5 %), le bénéfice à long terme reste cependant à démontrer (1,4). Le territoire carotidien Le siège le plus fréquent de l’athérome sur l’ACI est certes le bulbe de la carotide interne cervicale, mais le siphon carotidien vient en 2 e position. Les plaques prédominent sur les concavités internes du siphon. Les sténoses du siphon carotidien représentent environ 15 à 20 % des sténoses carotidiennes, elles sont plus fréquentes et plus sévères que les sténoses du segment intrapétreux de la carotide interne (7). L’athérosclérose peut aussi affecter le segment M1 de l’artère cérébrale moyenne et le segment A1 de l’artère cérébrale antérieure. Les lésions associées, dites en tandem, touchant à la fois le bulbe carotidien et le siphon, ont une prévalence estimée à 8 % dans une population à risque vasculaire élevé. La coexistence d’une lésion intracrânienne, toutes localisations confondues, et d’une lésion cervicale asymptomatique, peut concerner jusque près de 30 % de ces patients (5). L’histoire naturelle de l’athérosclérose de la carotide intracrânienne est moins bien connue que celle de la localisation cervicale, mais le risque de morbimortalité cérébrovasculaire lié à un infarctus cérébral ispsilatéral à la sténose semble comparable puisqu’il est en effet estimé globalement à 3 % par an. Cependant, si on regarde les statistiques en détail, il apparaît que cette évaluation moyenne couvre d’importantes disparités puisque les sténoses asymptomatiques de l’ACM ont un bon pronostic à long terme, avec un faible risque d’AIC ischémique ipsilatéral sous traitement médical optimal, mais que les sténoses de la terminaison de l’ACI et les sténoses symptomatiques serrées (> 70 %) ont, malgré un traitement médical bien conduit, un risque élevé d’instabilité et donc d’événement clinique (récidive à 2 ans de 15 à 38 %, selon la classe de risque) (1,4,6,8). Le territoire vertébro-basilaire De même que pour le système carotidien, ce sont les segments extracrâniens qui sont le plus souvent affectés, mais avec cette fois un risque faible d’infarctus cérébral. Comme il a été dit plus haut, les segments intracrâniens les plus touchés par l’athérosclérose sont l’artère vertébrale dans son segment V4, et l’artère basilaire dans son segment proximal. L’athérosclérose de V4 et de l’AB semble entraîner un risque très élevé d’ischémie cérébrale (8,9). Il est regrettable que, pour l’instant, le risque de complications de l’angioplastie soit également le plus élevé dans ces vaisseaux. Il n’est pas surprenant de constater que les conséquences des sténoses vertébrales sont d’autant plus sévères qu’il existe une franche asymétrie de calibre et que la sténose siège sur l’artère vertébrale dominante. En ce qui concerne les lésions de l’artère basilaire, les sténoses serrées sont le plus souvent localisées dans la moitié proximale de l’artère, avec des conséquences d’autant plus sévères que la lésion est très proximale. Les branches de division de l’artère basilaire, artères perforantes paramédianes, artères circonférentielles courtes et artère cérébelleuse antéro-inférieure, peuvent, elles aussi, être affectées (10). Détection de l’athérome intracrânien La sémiologie d’une sténose intracrânienne n’a rien de spécifique et se caractérise, comme dans n’importe quel territoire, par la présence d’une accélération focale des vitesses repérée en raison d’un repliement spectral focal en Doppler couleur puis analysée en Doppler spectral (figure 1). Cette analyse permet de mesurer les vitesses circulatoires et démontre également la redistribution de l’énergie spectrale. Les sténoses athéromateuses intracrâniennes siégeant le plus souvent à l’origine des gros vaisseaux, ces zones doivent être très soigneusement étudiées lorsqu’on suspecte leur existence. En cas de sténose serrée, il faut aussi rechercher la présence de signes d’amont et d’aval dans le territoire concerné (augmentation des résistances en amont et amortissement des flux en aval). Ces signes aident à connaître le retentissement hémodynamique de la lésion mais ils sont aussi très utiles lorsque les signes directs ne sont pas francs (mauvais alignement du tir Doppler, conditions techniques difficiles). Pour ce faire, il est indispensable de visualiser les vaisseaux sur une certaine longueur et le recours aux agents de contraste est donc fréquent. Figure 1. Sténose d’une ACM, signes directs : enregistrement spectral sur la zone d’accélération repérée en Doppler couleur. DR Comme souvent, l’importance du retentissement dépend non seulement de la sévérité de la lésion, mais aussi du développement des voies de suppléance. Il est donc important d’analyser le calibre des vaisseaux susceptibles d’être impliqués dans ces suppléances, le sens circulatoire ainsi que les vitesses en présence, pour infirmer ou affirmer leur mise en jeu. Un des intérêts majeurs de l’EDTC par rapport au DTC, et de l’utilisation du contraste quand cela s’avère nécessaire, est de permettre la visualisation de l’ensemble du trajet des artères et donc de vérifier le caractère focal ou diffus d’une accélération et de guider de façon adéquate l’enregistrement spectral : positionnement de la zone d’échantillonnage, alignement du tir Doppler dans l’axe de l’écoulement sanguin de façon à n’avoir à utiliser qu’une faible correction angulaire et enfin, quand elle s’avère nécessaire, correction adaptée à la direction réelle du flux (11,12). Le diagnostic différentiel principal est l’existence d’un hyperdébit compensateur au sein d’une artère impliquée dans une suppléance. L’hyperdébit dans un vaisseau, et ce d’autant que son calibre est en général petit, entraîne en effet accélération et turbulences. Dans ce cas, les anomalies sont cependant observées sur tout le trajet du vaisseau concerné. Une fois de plus, il faut donc souligner l’importance d’une étude exhaustive des artères concernées et se méfier d’une anomalie détectée sur un segment artériel très court, sans exploration possible de l’ensemble du trajet artériel. Les études comparatives entre anomalies ecueillies en DTC (13), en EDTC (14,15) et en angiographie, ont permis de déterminer des critères de sténose. La quantification repose sur la mesure de la vitesse maximale systolique (VMS) mesurée au site de la sténose, avec une correction angulaire si l’abord ne permet pas un alignement optimal du tir Doppler. On ne dispose pas de critères de quantification précis pour l’ensemble des segments artériels. Les valeurs seuil permettent simplement de séparer les sténoses supérieures ou inférieures à 50 % (VMS respectivement ≥ 120 et ≥ 155 cm/s pour l’ACA ; ≥ 100 et ≥ 145 cm/s pour l’ACP et l’AB ; ≥ 90 et ≥ 120 cm/s pour l’AV) (5,14,15). En ce qui concerne l’ACM, une classification plus précise a été retenue : sténose 50 % VMS entre 140 et 209 cm/s, sténose entre 50 et 70 % VMS entre 210 et 279 cm/s, sténose > 70 % VMS > 280 cm/s (15,16). Ces critères ne s’appliquent cependant que lorsque l’on est en présence d’une sténose focale unique sans lésion associée des artères à l’étage cervical, en l’absence d’hypoplasie, lorsqu’il n’y a pas de suppléance mise en charge (ce qui est toujours le cas pour certains
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