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Traitement des bifurcations coronaires : quelle technique de référence ?
Thierry CORCOS, F.A.C.C., F.A.H.A., F.E.S.C., F.S.C.A.I, département de cardiologie interventionnelle, Hôpital américain de Paris, Neuilly-sur-Seine, et hôpital Foch, Suresnes

Environ 15 à 20 % des interventions coronaires percutanées concernent des bifurcations. Il s’agit de lésions complexes qui demeurent l’une des lésions les plus difficiles en cardiologie interventionnelle en termes de taux de succès immédiat et de résultats à long terme. Leur traitement optimal est controversé.
Le stenting provisionnel est actuellement recommandé pour la plupart des lésions de bifurcation, car c’est une technique simple et facile à réaliser qui donne des résultats satisfaisants. Pour les lésions de bifurcation complexes avec une maladie étendue de la branche latérale et/ou un risque de difficulté à réaccéder à une grosse branche latérale, c’est-à-dire dans les cas où une stratégie à 2 stents d’emblée est programmée, le DK-crush donne d’excellents résultats. Il s’agit cependant d’une technique difficile (courbe d’apprentissage) et plus longue, avec de nombreuses étapes, une plus grande dose de rayons et un coût de consommables plus important. • Une histoire française Les équipes françaises ont joué un rôle fondamental dans le développement des techniques de stenting coronaire : – première implantation d’un stent coronaire chez l’homme (Jacques Puel) (1) ; – introduction des anti-P2Y12 (Paul Barragan) (2) ; – double thérapie antiplaquettaire (Edgar Benveniste et Marie-Claude Morice) (3). Et en particulier pour le traitement des bifurcations : – stenting provisionnel et inflation des ballonnets en « kissing » (Thierry Lefèvre) (4) ; – culotte (Bernard Chevalier) (5) ; – classification MADS (Yves Louvard) (6) ; – thérapie d’optimisation proximale (POT) (Olivier Darremont) (7) ; – simplification de la loi de Murray (Gérard Finet) (8) ; – stenting provisionnel inversé (Philippe Brunel) (9) ; – technique POT-side-POT (Gérard Finet) (10). • Une infinité de possibilités La liste des techniques proposées pour implanter des stents dans des lésions de bifurcation coronaires ne cesse de s’allonger. En 2008, Yves Louvard a conçu pour le groupe de travail de l’European Bifurcation Club la classification MADS basée sur la position du premier stent, véritable Kâma Sûtra des différentes positions de stents (6). Seules quelques techniques sont utilisées en pratique courante. Elles sont détaillées dans cet article. L’essentiel du texte, le tableau et les figures (ci-dessous) proviennent de la dernière mise au point de l’European Bifurcation Club (11). • Une histoire du stenting provisionnel Le mot « provisionnel » est peu utilisé dans la vie courante, sauf en fiscalité (tiers provisionnel). Il signifie : qui se fait par provision, en attendant ce qui sera réglé définitivement. « Provision » vient du verbe latin « provideo », qui signifie à la fois « prévoir » (dans le sens d’anticiper) et « pourvoir » (dans le sens ici de se donner les moyens). De ce verbe dérivent deux doublets lexicaux : la prudence et la providence. La prudence est une des 4 vertus cardinales en philosophie et une qualité essentielle du cardiologue interventionnel ; la providence a souvent une connotation religieuse, mais nous permet peut-être de gérer une complication inattendue... Le stenting provisionnel a été proposé au début de l’histoire des stents coronaires : l’idée était de ne pas implanter systématiquement un stent quand un résultat optimal (« stent-like result ») était obtenu après angioplastie par ballonnet seul. Cette stratégie, prônée par l’équipe d’Éric Topol (12) et critiquée par nous-mêmes (13) est devenue obsolète à la suite des résultats des études randomisées et de l’avènement des stents actifs. En revanche, le stenting provisionnel de la seconde branche demeure la technique de référence pour le traitement des bifurcations. En effet, les données actuelles recommandent une stratégie à 1 stent sur le vaisseau principal (VP), le stenting de la branche latérale (BL) étant provisionnel, c’est-à-dire réservé aux résultats insatisfaisants ou au sauvetage (« bail out ») de la branche latérale. Dans ce cas, le second stent est implanté en T (si l’angle est droit), sinon le plus souvent en T et protrusion (TAP) avec création d’une néocarène, ou plus rarement en culotte. Une stratégie initiale à 2 stents est réservée aux cas suivants : – vraie bifurcation, avec lésion longue s’étendant sur plus de 5 mm au-delà de l’ostium de la branche latérale ; – branche latérale de gros calibre (> 2,5 mm) et de territoire important ; – angle aigu rendant difficile l’accès à la branche latérale. Dans tous les cas où 2 stents ont été implantés, la réalisation d’une inflation finale des ballonnets en kissing pourrait réduire les complications et est probablement plus importante que la technique spécifique utilisée. • Les techniques à un stent (provisionnelles) Les techniques à un seul stent peuvent être appliquées à de nombreuses anatomies de bifurcations (tableau 1) et représentent la référence pour la grande majorité des lésions bifurquées non complexes. Elles peuvent être pratiquées selon la méthode provisionnelle (cas le plus courant) et la méthode provisionnelle inversée (cas sélectionnés). Les étapes recommandées pour la technique provisionnelle (figure 1) sont les suivantes : – implantation de l’endoprothèse dans le VP proximal et distal en suivant ces règles : diamètre du stent sélectionné égal à la taille du VP distal, longueur du stent permettant de couvrir le VP proximal sur un segment au moins aussi long que le ballon le plus court disponible (généralement 8 mm) ; – post-dilatation systématique de l’endoprothèse au niveau du VP proximal jusqu’au niveau de la carène avec un ballon de 8 mm de long et du diamètre de ballonnet du VP proximal (technique POT). Un ballon non compliant est en général préféré. L’épaulement du ballon doit être placé avec précision au niveau de la carène. Ces deux premières étapes sont considérées comme obligatoires. Lorsqu’une BL importante est compromise après la pose d’un stent dans le VP, une autre intervention doit être réalisée et la technique des kissing balloons est l’approche initiale habituelle. Récemment, l’alternative consistant à effectuer une dilatation de la BL puis un second POT (POT- side-POT) a été décrite par Gérard Finet, mais une validation clinique confirmée est attendue. Lorsque l’intervention sur la BL est nécessaire pendant une approche provisionnelle d’une bifurcation, les étapes suivantes sont conseillées (figure 1) (11) : – passage d’un guide dans la BL en franchissant une maille distale près de la carène. Une technique de retrait avec un guide à l’extrémité correctement préformée peut faciliter cette étape ; – inflation séquentielle puis simultanée de 2 ballonnets courts (de préférence non compliants) dans chaque branche (du diamètre du VP distal et de la BL) avec un chevauchement minimal dans le VP proximal ; – post-dilatation de l’endoprothèse au niveau du VP proximal jusqu’au niveau de la carène avec un ballonnet non compliant du diamètre du VP proximal (répétition du POT ou re-POT). Dans des conditions anatomiques sélectionnées, la tech- nique provisionnelle à 1 stent peut être pratiquée selon l’approche provisionnelle inversée (tableau 1) (11). Cette séquence spécifique est résumée dans la figure 1A. Le diamètre des mailles du stent doit être suffisant pour ne pas compromettre l’ostium du VP distal. • Les techniques de stenting en T/TAP (lors d’une approche provisionnelle) La possibilité d’implanter un deuxième stent lors de l’approche provisionnelle d’une lésion de bifurcation est l’un des principaux atouts de cette approche. Les stentings en T et TAP représentent la manière la plus simple d’implanter la seconde endoprothèse. Dans un premier temps, toutes les étapes de la technique provisionnelle, y compris le POT et le kissing, doivent être réalisées. Ensuite, si l’angle de bifurcation est très proche de 90°, il est possible de placer la deuxième endoprothèse dans une configuration en T, ce qui permet de couvrir parfaitement la bifurcation. Une incidence angiographique optimale (éventuellement facilitée par le stent boost) est essentielle pour la réussite de la pose d’une endoprothèse en T. Cependant, souvent, l’angle n’est pas de 90°, ce qui peut entraîner une couverture incomplète de l’ostium de la BL (source de resténose) ou une protrusion du stent dans le VP proximal (compromettant l’accès au VP distal). La reconnaissance de ces limites du stenting en T a conduit au développement de la technique du TAP. La technique du TAP (T et protrusion) crée une néocarène métallique au centre de la bifurcation, mais vise à assurer la couverture systématique et complète de l’ostium de la BL. Il faut créer la néocarène la plus courte possible, tout en assurant une couverture complète de l’ostium de la BL. Pour réaliser de manière élective une T/TAP efficace, toutes les étapes initiales de l’approche provisionnelle jusqu’à l’inflation en kissing sont nécessaires. Ensuite, après avoir trouvé la meilleure incidence pour évaluer l’ostium de la BL, les étapes recommandées sont les suivantes : – avancement d’un stent de la longueur et de la taille appropriées dans la BL ; – mise en place d’un ballonnet non gonflé dans le VP (du diamètre du VP distal). Il sera utilisé pour le kissing balloon final ; – après avoir soigneusement sélectionné la meilleure position du stent de la BL afin de couvrir entièrement la partie proximale de l’ostium de la BL (et minimiser la protrusion à l’intérieur du VP), le stent est implanté ; – le ballonnet du stent est légèrement retiré et une nouvelle inflation est effectuée à haute pression afin de garantir une expansion optimale du stent au niveau de l’ostium du SB ; – après alignement du ballonnet du VP et du ballonnet du stent de la BL, le kissing est effectué en gonflant et dégonflant simultanément ces deux ballonnets ; – un nouveau POT final est envisagé lorsqu’un long segment de stent dans le VP proximal est présent. Une attention méticuleuse doit être portée lors du placement du ballon du POT pour ne pas atteindre la néocarène. La figure 2 (11) illustre les étapes recommandées pour le TAP. Le T et le TAP peuvent être considérés comme un continuum. Le stenting en culotte Le terme « culotte » dérive du mot cul, terme qui désigne familièrement les fesses. La culotte est un vêtement dans lequel les deux jambes sont séparées, par opposition à la jupe. Le mot désigne
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