Si le phénomène de thrombose de stent est connu depuis la période des premières implantations dans les années 1990, le niveau de perception du problème a été très variable selon les périodes (n’était on pas allé à parler dans certains éditoriaux de « bombe à retardement » suite à la présentation de Camenzid en 2006 au Congrès Européen de Cardiologie ?) Dès le début 2007 de nombreuses publications avaient permis de mieux reconnaitre la dimension réelle de ce problème, comme nous l’avions rapporté alors dans les colonnes de cette revue : fréquence relativement rare (0,8 à 4 % des implantations selon la population considérée), mais conséquences souvent explosives avec une mortalité entre 25 et 40 % ou encore survenue d’infarctus transmuraux étendus.
Dès cette époque, certaines études suggéraient un taux supérieur de thromboses « tardives » (> 1 an) après implantations des stents actifs par rapport aux stents nus, avec en particulier la persistance d’un taux résiduel de thrombose annuelle de 0,5 à 0,6 % au-delà de la première année après implantation (registre de Bern Rotterdam) ; d’autres registres avaient noté que certaines caractéristiques des patients ou des lésions traitées exposaient à un risque de thrombose de stent supérieur, et surtout que l’arrêt intempestif du traitement anti-thrombotique était un facteur majeur de risque de thrombose. Notre mise au point à l’époque s’interrogeait sur les mesures à prendre pour diminuer la fréquence de survenue des thromboses de stent actif sans pouvoir répondre alors : quelle devait être la durée du double traitement antiagrégant clopidogrel plus aspirine ? Existe-t-il un intérêt à doubler les doses d’antiagrégant dans certaines populations ? Faut-il faire des tests de résistance plaquettaire? Certains stents actifs seraient-ils moins thrombogènes que d’autres ? Ces quatre dernières années ont permis de mieux connaitre le mécanisme de certaines thromboses tardives, et d’apporter pour certaines de ces questions des réponses, pas toujours complètes ou définitives; de plus de nouveaux antiagrégants plaquettaires sont apparus ; cela justifie la mise au point actuelle. Thrombose de stent : le facteur patient et ses gènes Le facteur prédictif le plus puissant de thrombose de stent reste très certainement l’arrêt prématuré du traitement par le clopidogrel, que cet arrêt soit du à une mauvaise compliance au traitement, ou qu’il soit motivé pour une raison « médicale » (avant une chirurgie à risque hémorragique par exemple). Un élément nouveau intéressant à noter est que la thrombose de stent après arrêt du clopidogrel survient dans les 10 jours lorsqu’il s’agit de patients implantés dans les 6 mois précédents ; par contre la relation temporelle est beaucoup moins précise pour les stents implantés plus de 6 mois auparavant, (la thrombose de stent survenant en moyenne 104 et 122 jours après l’arrêt du clopidogrel dans deux études). Cela suggère que dans les 6 mois après l’implantation du stent actif le traitement thiénopyridine est fondamental et que son interruption prématurée peut être l’unique cause de la thrombose ; au-delà du 6 e mois la thrombose de stent est d’étiologie multifactorielle, l’arrêt du traitement par le clopidogrel pouvant être un élément adjuvant par rapport à une cause souvent locale (en particulier la mal apposition du stent démontrée alors par écho endocoronaire). Les facteurs de thrombose liés au statut clinique ou anatomique du patient sont bien connus. Chacun multiplie par deux à quatre le risque de thrombose de stent : implantation au cours d’un syndrome coronarien aigu, présence d’un diabète notamment insulino-dépendant, d’une insuffisance rénale ou d’une insuffisance cardiaque décompensée. Un syndrome inflammatoire en cours quelque soit sa cause est aussi un facteur favorisant la thrombose de stent. D’autres facteurs sont liés à l’anatomie coronaire notamment des traitements de lésions de bifurcation, les traitements par des stents longs de longues lésions, les petites artères coronaires ou les artères très calcifiées. Avancées pour les traitements AAP La notion de résistance au traitement antiagrégant plaquettaire (AAP) a donné lieu a des avancées récentes importantes. Cette résistance notamment au clopidogrel, déjà suggérée dès 2006 par les travaux précurseurs de Mateski et de Baragan, a donné lieu depuis à des études biologiques puis cliniques importantes. C’est la variabilité considérable de réponses biologiques au clopidogrel, déjà connues en 2006, qui a engendré les études cliniques ; celles-ci ont montré qu’il existe une corrélation entre le risque biologique et la réponse cliniques : augmentation du risque ischémique et thrombotique chez des patients présentant une « résistance » biologique ou au contraire augmentation du risque hémorragique pour les hyper répondeurs, comme montré par Sibbing en 2010. Comme on sait aussi que l’augmentation du risque de saignement a un impact pronostique sévère, le praticien se trouve donc devant un dilemme concernant le rapport risque/bénéfice de ces molécules antiagrégant plaquettaires. Le problème avec le clopidogrel est que cette variabilité de réponse plaquettaire est multifactorielle. Une partie de cette variabilité dépend de facteurs génétiques en particulier concernant le polymorphisme du cytochrome P450. L’allèle non fonctionnel (le fameux cyt P C19*2) est présent sous forme homozygote chez 3 % de la population et sous forme hétérozygote chez 25 à 30 % de la population. En présence de cette allèle non fonctionnel, le taux de thrombose de stent est significativement augmenté, comme le montre l’analyse génétique du bras clopidogrel de l’étude Triton. Une méta-analyse récente de 7 études, réalisée par Hulot et Montalescot, suggère aussi que le taux d’évènements majeurs est augmenté en présence de cet allèle. Cependant aucune de ces études n’était randomisée, et l’on ne peut écarter l’hypothèse de biais ou de facteurs confondants. De plus l’impact réel des facteurs génétiques reste encore controversé, et probablement limité. Une analyse récente (Hochholtzer 2010) suggère que la perte de fonction du cytochrome P450 n’explique que 5% de la variabilité de la réponse plaquettaire au clopidogrel, et que d’autres facteurs cliniques comme par exemple la présence d’un diabète, d’une hypertension artérielle ou d’une surcharge pondérale sont des facteurs explicatifs plus discriminants. Le praticien peut choisir entre trois options pour contre-carrer ce risque de résistance : 1. Personnaliser la posologie de clopidogrel de son patient en adaptant la posologie au résultat d’un test détectant l’éventuelle résistance du patient au traitement. • L’analyse génétique est techniquement disponible dans un temps court. Elle permet de détecter un marqueur de risque de thrombose. Cependant, le poids réel de ce facteur apparaît encore incertain en 2010, ce qui est la conclusion prudente mais non définitive de la « Clinical Alert » publiée par l’ACC/AHA en 2010 concernant la résistance au clopidogrel. • L’analyse de la fonction plaquettaire sous clopidogrel a l’intérêt de prendre en compte l’ensemble des facteurs potentiels de résistance. Ces tests nombreux (citons le Vasp, Verify Now, le PFA 100 ou l’agrégométrie) sont souvent disponibles au lit du malade ou dans la salle des cathétérisme interventionnel. Bonello dès 2008 avait montré que l’adaptation des doses de clopidogrel en fonction des résultats du test VASP (avec des posologies de clopidogrel pouvant monter jusqu’à 2400 mg /24h/patient) réduisait de manière importante le nombre de patients restant résistants du point de vue biologique. Une méta-analyse récente du même auteur retient 8 ou 9 études trouvant une relation entre les résultats biologiques de réactivité plaquettaire et la survenue d’évènements ischémiques, avec un risque relatif variant entre 1,1 et 1,8. L’étude de Bonello suggérait aussi qu’une stratégie d’adaptation des posologies de clopidogrel en fonction des résultats du test VASP permettrait de réduire la fréquence de survenue d’évènements ischémiques par rapport au traitement conventionnel par bithérapie à dose non adaptée. Cependant le nombre de patients évalués était limité, et la seule étude randomisée de grand effectif récemment disponible (Gravitas) n’a pas montré que le doublement des doses de clopidogrel chez les patients peu répondeurs au test biologique (ici le test Vérify bow) réduisait le nombre d’événements thrombotiques, dont le taux de thrombose de stent à 6 mois, par rapport au maintien de la dose traditionnelle de 75 mg/j. Le sujet n’est pas clos après gravitas, car des études avec des stratégies d’adaptation de dose de clopidogrel plus efficaces (ARTIC) sont en cours, et le choix du meilleur test biologique reste débattu. En l’état L’ACC/AHA à partir des données disponibles ne recommande pas l’analyse de routine des tests biologiques de fonction plaquettaire. Mais s’il reste encore à démontrer que ces tests biologiques et génétiques améliorent le pronostic dans la gestion quotidienne des patients sous clopidogrel avec stent, il existe des informations suffisamment convaincantes pour que ces tests soient utilisés dans certaines populations particulières. Au minimum chez les patients ayant déjà présentés un incidentalome (par exemple après thrombose de stent) ; très certainement il faut les réaliser aussi dans les sous-groupes de patients à fort risque de thrombose de stent (comme défini dans le paragraphe précédent par exemple chez les diabétiques avec lésions longues, etc.) 2. Augmenter systématiquement la durée et la dose du traitement antiagrégant plaquettaire. • La durée Après implantation de stents actifs la plupart des Sociétés Savantes et des recommandations publiées préconisent pour 1 an l’association de la double antiagrégation plaquettaire. Cette durée est ainsi calquée aux recommandations après traitement d’un syndrome coronarien aigu et est assez commode : toutefois repose-t-elle sur des données factuelles solides ? On a déjà vu que 6 mois est probablement un minimum pour cette double antiagrégation plaquettaire. Mais pourquoi 1 an ? Ou 2 ans ? Voire ad vitam du moins jusqu’à ce que la nécessité de son arrêt s’impose, par exemple à l’occasion d’une chirurgie non cardiaque ? La réponse à cette question fondamentale est presque tranchée. L’étude CHARISMA avait déjà montré sur une population non ciblée que la prolongation plus d’un an de la double antiagrégation introduisait plus de risques que de bénéfices. Les études récentes Real late et Zest late ne montrent aucun bénéfice de prolonger au-delà de un an la double anti agrégation. Il serait tentant, avec les nouveaux stents actifs, de pouvoir réduire cette durée; l’étude SPIRIT 4 montre que 6 mois de double
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