Le 23e congrès TCT (Transcatheter Cardiovascular Therapeutics) a réuni tout le gotha mondial de la cardiologie interventionnelle à San Francisco du 7 au 11 novembre dernier. Cette année à travers les grands essais et les « live-cases », le congrès a fait la part belle aux valves aortiques percutanées (TAVI) bien évidemment (cf. prochain numéro), mais également aux occlusions chroniques, à l’angioplastie du tronc commun et comme toujours aux traitements pharmacologiques adjuvants, aux lésions de bifurcations, à l’angioplastie périphérique…
Cette édition 2011 a présenté les dernières études en cardiologie interventionnelle confortant nos acquis sur certains points comme les stents de nouvelle génération et laissant toujours des questions sans réponse comme, par exemple, les tests d’agrégation plaquettaire ou le génotypage.
Voici une sélection des temps forts du congrès, en vous souhaitant bonne lecture.
Thrombose de stent, agrégation plaquettaire et adaptation pharmacologique Concernant l’environnement pharmacologique, la cardiologie interventionnelle est toujours à la recherche de solutions pour le choix des antiagrégants plaquettaires que ce soit par l’adaptation des traitements actuels, l’arrivée de nouvelles drogues ou la sélection des patients (tests pharmacologiques ou génétiques)… L’étude observationnelle DESERT Cette étude cas-contrôle ( Drug-Eluting Stent Event Registry of Thrombosis) a évalué la survenue des facteurs de thrombose de stent (ST) tardives avec des stents de 1re génération, essentiellement Cypher et Taxus. Le registre a inclus 478 patients ayant présenté une ST au moins 30 jours après angioplastie. La ST tardive est survenue dans 24,8 % des cas la 1 re année (14,3 % entre 30 j et 6 mois et 10,5 % entre 6 mois et un an). Trois ans après l’implantation et jusqu’à plus de 7 ans, 35 % des thromboses sont survenues. Le mode de révélation était un syndrome coronaire aigu (SCA) : STEMI dans 67 % des cas et non-STEMI dans 22 % des cas. La mortalité était assez basse pendant l’hospitalisation (3,8 %) et après la sortie de l’hôpital de 1,67 % à un an. Un tiers des patients ayant présenté une ST était sous double antiagrégation plaquettaire (DAPT) ; pour les autres patients, 44 % avaient arrêté la DAPT durant les 5 jours précédant l’événement. En analyse multivariée, le jeune âge, le tabac, l’origine noire, le patient pluritronculaire, le STEMI et les lésions de pontage saphène étaient associés à un sur-risque de ST. L’étude observationnelle Paris Cette étude multicentrique (Patterns of nonadherence to antiplatelet regimens in stented patients) avait pour objectif d’analyser l’impact de l’interruption de la double agrégation (DAPT) chez 5 033 patients avec angioplastie et pose de stent (80 % avec des stents de 2 e génération). Les résultats à 30 jours ont été présentés par le Dr Mehran. Trois groupes de patients étaient définis selon la durée et la raison de l’arrêt : – interruption transitoire (soit volontaire, soit pour raisons médicales ou chirurgicales de moins de 15 jours), – arrêt définitif selon les recommandations ou après accord du médecin, – arrêt définitif intempestif (arrêt définitif pour non-compliance ou saignement) de la DAPT. 92 % des patients étaient sous clopidogrel, 6 % sous prasugrel et 2 % sous ticlopidine ; 2 % des patients seulement ont arrêté la DAPT : 20 patients pour interruption temporaire (19 %), 12 patients pour arrêt définitif en accord avec leur médecin (12 %) et 72 patients pour des saignements ou non-compliance (69 %). Parmi les arrêts intempestifs, il s’agissait dans 61 % des cas de non-compliance et dans 32 % des cas de saignements, pour l’aspirine, 65 %, et 31 % pour le clopidogrel respectivement. La non-adhésion à la DAPT était associée à une augmentation significative (RR 6) des événements ischémiques à 30 jours, notamment des thromboses de stent. Concernant les thromboses de stents, 14 sont survenues sous DAPT, 2 chez les patients sous aspirine seule, et une sous clopidogrel seul. Le suivi des patients se poursuit à 1 an et 2 ans et les résultats seront présentés lors des prochains congrès (figures 1 et 2). Figure 1. Pourcentage et raisons de non-adhésion à 30 jours. Figure 2. Raisons d’arrêt définitif non recommandé par un médecin dans le registre PARIS. Le registre ADAPT-DES G. Stone a présenté l’étude Assessment of Dual Antiplatelet Therapy with Drug Eluting Stents (ADAPT-DES) qui étudiait l’intérêt des tests d’agrégation plaquettaire (VerifyNow ®) chez les patients ayant bénéficié d’une angioplastie avec stents actifs (DES). Dans ce large registre prospectif incluant 11 000 patients sur 11 sites aux États-Unis et en Allemagne, 39 thromboses de stent (ST) sont survenues (0,46 %). En analyse multivariée, un taux de platelet-reactivity units avec deux seuils, PRU > 208 ou PRU ≥ 230 et une inhibition plaquettaire ≤ 11 % étaient tous associés de façon indépendante à la survenue de ST (définie ou probable), surtout chez les patients ayant présenté un syndrome coronaire aigu. Même si les tests sont des facteurs prédictifs indépendants de thrombose de stent à 30 jours dans la population, leur sensibilité et spécificité ne permettent pas leur utilisation à l’échelon individuel. L’emploi de ces tests reste donc limité à réserver plutôt à certains patients surtout après SCA. L’étude RAPID-GENE Cette première étude ( Reassessment of antiplatelet therapy using an individualized strategy based on genetic evaluation) de génotypage rapide étudiait l’impact du dépistage chez les patients ayant un allèle diminuant la réponse au clopidogrel. La mutation allélique CYP2C19*2 est retrouvée chez 25 % de la population blanche et 40 % de la population noire et sa présence est associée à un risque de ST x 3 (tableau 1). Deux cents patients ayant bénéficié d’une angioplastie pour angor stable ou SCA ont été randomisés entre un groupe génotypage (prasugrel 10 mg/j pour les patients porteurs de CYP2C19*2 et 75 mg/j pour les patients négatifs pour cette mutation) ou un groupe conventionnel (clopidogrel 75 mg/j indépendamment des tests génétiques avec génotypage a posteriori). Les tests plaquettaires étaient effectués une semaine après l’adaptation du traitement antiplaquettaire. Le génotypage rapide avait une sensibilité de 100 % et une spécificité de 99,4 % par rapport au séquençage conventionnel de l’ADN. Dans cette étude, les patients après angioplastie et positifs pour la variation allélique traités par prasugrel au lieu du clopidogrel, avaient une réduction significative de l’agrégation plaquettaire mesurée biologiquement. Sur les 187 patients, aucun des patients génotypés ne présentait une agrégation plaquettaire élevée (VerifyNow ® avec PRU > 234), contre 30,4 % des patients du groupe conventionnel (p = 0,0009). Cette étude montre la possibilité d’un test génétique rapide avec adaptation de l’agrégation plaquettaire chez les patients après angioplastie. L’intérêt clinique de l’adaptation rapide du traitement antiagrégant plaquettaire des patients CYP2C19*2 reste cependant à démontrer dans une large étude (tableau 2). Cangrelor en relais préopératoire Le cangrelor, un inhibiteur P2Y12 intraveineux, a été étudié dans l’étude Bridge en relais d’une DAPT avant une chirurgie de pontage. Ce produit en perfusion pendant 2 heures avait été étudié comparativement à une dose de charge de clopidogrel lors d’une angioplastie essentiellement dans le SCA (CHAMPION-PCI et CHAMPION-PLATFORM), avec des résultats décevants, sans différence significative sur un critère composite (MACE) à 48 heures. Dans l’étude bridge, 210 pa-tients sous clopidogrel, prasugrel ou ticlopidine avant CABG ont été randomisés entre cangrelor ou placebo IV pendant 48 heures au moins et dans les 72 heures après arrêt de la thiénopyridine. Le critère principal (biologique) montre une meilleur inhibition plaquettaire définie par un PRU 240 (VerifyNow ®) chez les patients sous cangrelor (98,8 % vs 19,0 % ; p 0,0001). Sur le critère de sécurité, il n’y avait pas de différence sur les saignements postopératoires, excepté les saignements mineurs. Il n’y a pas eu de dyspnée, ni de cytolyse hépatique (tableau 3). Aspirine en deux prises par jour L’équipe de Lariboisière a présenté une étude biologique comparant la même dose d’aspirine donnée deux fois par jour (75 mg x 2/j) comparativement à une prise unique (150 mg/j) chez les patients coronariens diabétiques. Le critère principal étudiant le taux de patients résistants aux tests d’agrégation par agrégométrie optique, montrait une réduction significative de plus de 60 % de la résistance à l’aspirine (41 % vs 16 % ; p 0,001) dans cette population de patients diabétiques sélectionnées (figure 3). Ces résultats étaient similaires sur les autres tests d’agrégation plaquettaire (PFA-100) et le clopidogrel n’influe pas sur l’effet de l’aspirine en deux prises. Cette hypothèse nécessite d’être validée sur les événements ischémiques et une étude clinique devrait débuter en 2012. Figure 3. Taux de résistance à l’aspirine en une prise vs deux prises chez des patients diabétiques avec une maladie coronaire. Les patients avec une intensité maximale d’agrégation (MAI) > 20 % sont résistants (points rouges). Prise en charge du STEMI, les Américains vont-ils adopter la voie radiale ? Plusieurs études, toutes avec des résultats similaires, ont évalué l’abord radial par rapport à la voie fémorale (radiations, temps de procédure…). Le Dr Javed a présenté les résultats d’une étude rétrospective comparant l’abord radial et l’abord fémoral. Après la période d’apprentissage, il n’y a pas de différence significative concernant le temps de procédure, le temps de fluoroscopie et le volume de produit de contraste (tableau 4). Une autre étude a montré, pour des praticiens non formés à la radiale, que 50 cas ne sont pas suffisants et que c’était plutôt au-delà de 150 patients que la courbe d’apprentissage est atteinte. La voie radiale devrait faire son entrée dans les programmes de formation des fellows aux États-Unis… Dans la prise en charge de l’infarctus (STEMI), une autre étude randomisée (RIFLE STEACS) a comparé la voie fémorale à la voie radiale (figure 4). Cette dernière a montré une réduction significative des saignements majeurs, mais aussi des MACCE incluant la mortalité cardiaque à 30 jours : 1001 patients avec un SCA ST+ ont été inclus avec comme critère principal un critère composite incluant MACCE et hémorragies. À 30 jours, 21 % des patients dans le groupe fémoral et 13,6 % dans le groupe radial (p = 0,003) ont présenté un événement. Le taux de MACCE était aussi significativement réduit : 11,4 % vs 7,2 % respectivement (p = 0,029) avec également une réduction de la mortalité cardiaque 5,2 % vs 9,2 % (p = 0,20). De façon non surprenante, les hémorragies étaient également moindres dans le groupe radial (7,8 % vs 12,2 % ; p = 0,026). Figure 4. Événements ischémiques et hémorragiques
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