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Thérapeutique

Publié le  Lecture 10 mins

De l’HTA familiale à l’HTA systolique

D. HERPIN, CHU de Poitiers et X. GIRERD, hôpital de la Salpêtrière, Paris

Voici la deuxième mouture de cette rubrique. Nos deux experts ont chacun une prescription différente dans l’HTA systolique à laquelle nous sommes confrontés quotidiennement. Ils nous expliquent pourquoi leur choix diverge. Vous aussi, faites-nous part de votre point de vue et écrivez-nous.

Observation Cet homme de 62 ans est hypertendu depuis l’âge de 40 ans, avec des chiffres tensionnels de l’ordre de 160/100 mmHg. Il a commencé à se traiter à l’âge de 44 ans, moment auquel il s’est souvenu douloureusement du décès de son père survenu précisément à cet âge, au décours d’un AVC brutal. Un traitement bêtabloquant lui a alors été prescrit en monothérapie. Parallèlement, il a essayé, avec un certain succès, de corriger les facteurs de risque associés : il a arrêté son intoxication tabagique, il a mis un peu d’ordre dans ses habitudes alimentaires et a même réussi à perdre un peu de poids. Du coup, sa pression artérielle s’est normalisée en quelques semaines aux alentours de 140/90 mmHg. Au fil du temps, il a pu maintenir le sevrage tabagique, mais a relâché sa vigilance hygiéno-diététique. Aujourd’hui, il pèse 85 kg pour 1,76 m avec un tour de taille à 108 cm. Il reste totalement asymptomatique, mais sa pression artérielle, jusque-là bien stable, s’est déséquilibrée, avec une systolique qui dépasse régulièrement 160 mmHg, mais une diastolique plutôt basse, de l’ordre de 75-80 mmHg. En outre, sont apparues une HVG « limite » sur l’ECG (Sokolow = 36 mm, Cornell = 25 mm), et des anomalies métaboliques modérées : glycémie à jeun : 1,15 g/l ; cholestérol total : 2,85 g/l ; triglycérides à 2,5 g/l ; HDL à 0,35 g/l ; LDL calculé à 2,0 g/l. Toutefois, sa créatinine est normale à 80 mmol/l (soit une clairance à 102 ml/min), la glycémie à jeun est à 6,0 mmol/l et la recherche de protéinurie est négative sur la bandelette. Son médecin choisit d’augmenter la dose de bêtabloquant et d’ajouter un IEC. Il lui rappelle l’intérêt de l’activité physique et des repas équilibrés. Il prescrit également un traitement pour l’aider à faire baisser les triglycérides. Notre patient se retrouve ainsi avec l’ordonnance suivante : - Ténormine ® 100 mg : 1 cp le matin, 1/2 cp le soir ; - Korec ® 5 mg : 1 cp le matin ; - Maxepa ® : 2 capsules 3 fois/jour. Au bout de 3 mois, le résultat est loin de donner satisfaction : la pression artérielle reste accrochée à 156/82 mmHg et le bilan lipidique n’est que peu modifié. Un interrogatoire rapide apprend que l’observance de l’IEC est médiocre car une toux sèche est rapidement apparue, très gênante pour le patient et son entourage proche, d’autant plus qu’elle est accompagnée d’une haleine de poisson, rapidement mise sur le compte des oméga 3. En outre, l’augmentation de dose du bêtabloquant a été suivie (coïncidence fortuite ?) d’une certaine détérioration de ses performances sexuelles. Que faut-il faire à ce stade de l’observation ? Le point de vue de D. Herpin Chez ce patient qui vient de franchir la soixantaine, trois phénomènes importants sont en train de se produire Son HTA évolue du stade systolo-diastolique, dont le marqueur hémodynamique essentiel est l’élévation des résistances artériolaires périphériques, au stade d’HTA systolique pure caractérisé par une altération de la compliance des gros vaisseaux artériels. Les bêtabloquants sont efficaces dans le 1 er type d’HTA car, en occupant les récepteurs bêta-adrénergiques présynaptiques, ils entraînent une diminution de la libération de noradrénaline dans la fente synaptique et donc une levée partielle des résistances systémiques. Ils sont moins régulièrement efficaces dans l’HTA systolique pure car leur influence sur la compliance artérielle, quand elle n’est pas délétère, est nettement moins bénéfique que celle des autres antihypertenseurs : diurétiques, inhibiteurs calciques, IEC et antagonistes de l’angiotensine II (AAII). Parmi ces dernières classes thérapeutiques : - les AAII ont l’intérêt d’une tolérance clinique excellente que n’ont pas toujours les trois autres classes ; - en revanche, les inhibiteurs calciques semblent avoir une efficacité toute particulière sur la pression systolique du sujet âgé, surtout quand, sur ce terrain, ils sont associés à un diurétique, comme vient de le montrer l’étude VALUE. Le deuxième événement majeur qui est survenu chez cet hypertendu « vieillissant » est l’installation progressive de ce qui ressemble fort à un syndrome métabolique Une étude récente a montré qu’un syndrome métabolique est effectivement présent dans 80 % des cas quand sont retrouvés conjointement un tour de taille > 90 cm et un taux de triglycérides > 2 mmol/l (contre seulement 10 % quand ces deux signes manquent). En outre, un certain nombre d’arguments tirés des dernières études d’intervention plaident en faveur d’un effet réellement bénéfique des IEC ou des AAII sur la sensibilité des récepteurs de l’insuline : moins de nouveaux cas de diabète sous losartan que sous aténolol (LIFE), sous énalapril que sous chlortalidone (ALLHAT), sous l’association vérapamil + trandolapril que sous bêtabloquant + diurétique (INVEST), enfin sous valsartan que sous amlodipine (VALUE). Une troisième caractéristique émerge de cette observation La tendance assez naturelle à mettre sur le compte des médicaments le moindre symptôme d’apparition nouvelle, et donc le risque réel de voir se détériorer peu à peu l’observance thérapeutique. Le traitement Ainsi, prenant en compte le nouveau profil hémodynamique, métabolique et psychologique de notre patient, je lui propose d’arrêter les traitements en cours pour leur substituer un AAII, auquel il sera vraisemblablement nécessaire d’ajouter secondairement un diurétique (en choisissant, bien sûr, une combinaison fixe pour limiter le nombre de comprimés). La présence d’une HVG électrique m’amène à préférer le losartan, mais d’autres choix sont, à l’évidence, parfaitement légitimes : notamment irbésartan et valsartan. J’insiste, bien entendu, sur les règles hygiéno-diététiques et prévois une prise en charge spécialisée de son surpoids et de ses anomalies métaboliques par les diététiciennes et les « métaboliciens ». Je prends, en outre, le temps de le remotiver en lui expliquant les enjeux de cette prise en charge globale. Je complète enfin son bilan afin d’évaluer au mieux les facteurs de risque associés et le retentissement viscéral de son HTA (échographie cardiaque, écho-Doppler vasculaire, recherche de microalbuminurie). Le niveau de risque cardio-vasculaire s’avérera, de toutes façons, élevé, voire très élevé puisque, sur les données disponibles, on relève déjà plus de trois facteurs de risque surajoutés. Je suivrai donc volontiers les recommandations européennes en lui prescrivant une statine et de l’aspirine. L’arrêt du bêtabloquant ne me pose pas de problème majeur chez ce patient asymptomatique, car la littérature n’est aucunement convaincante sur l’intérêt de cette classe thérapeutique en prévention primaire chez l’hypertendu. Le point de vue de X. Girerd De l’HTA « familiale» à l’HTA « vasculaire » : histoire naturelle de l’hypertension traitée Au cours du suivi d’un hypertendu, chaque tranche de vie pose des problèmes dont la résolution impose au médecin un savoir faire spécifique. Le début de la prise en charge, qui est le plus souvent marqué par la difficulté que rencontre un sujet, parfaitement bien portant, à accepter le diagnostic d’une maladie invisible qui le contraint à de profondes modifications dans son mode de vie (changer ses habitudes alimentaires et prendre un médicament chaque jour), impose au médecin de savoir convaincre du bien-fondé d’une prise en charge « à vie », puis de mettre au point un traitement efficace et bien toléré. Avec les moyens thérapeutiques aujourd’hui disponibles, il faut admettre qu’il est devenu facile de traiter ces hypertensions qui débutent chez des sujets à la quarantaine et qui sont le plus souvent « héritées » d’un père ou d’une mère hypertendus. Ces hypertensions « familiales », bien contrôlées par une monothérapie, vont rester plusieurs années des maladies sans souci pour le patient et pour ses médecins. Mais, avec le temps qui passe et/ou le poids qui augmente, des modifications dans la forme clinique de l’HTA surviennent Ces modifications associent : - des facteurs de risque métaboliques (une dyslipidémie et/ou la glycémie qui s’élève) et l’apparition d’une HTA « métabolique », pour créer soit un véritable syndrome métabolique qui comprend une association variable de symptômes (obésité abdominale, hypertriglycéridémie, HDL bas, élévation de la glycémie, hyperuricémie, stéatose hépatique), soit une HTA associée à un diabète de type 2 ; - une atteinte artérielle (athérosclérose) au niveau des grosses artères (aorte, carotides, fémorales). Il apparaît alors une HTA « vasculaire » qui est caractérisée par une élévation de la PAS et une augmentation de la pression pulsée qui dépasse 70 mmHg. Cette HTA « vasculaire » est la conséquence des modifications survenant au niveau de la matrice extracellulaire de la média des artères (enrichissement en collagène, fracture des fibres élastiques). Elle survient avec le vieillissement, mais ce phénomène est accéléré chez les sujets qui ont soumis leurs artères aux « facteurs de risque cardio-vasculaires » (tabagisme, dyslipidémie, insulinorésistance, HTA). Chez cet homme de 62 ans, l’apparition d’une HTA « vasculaire » est l’évolution naturelle d’une HTA « familiale » bien traitée pendant 20 ans. Ce traitement, qui lui a évité un accident vasculaire cérébral précoce, n’a malheureusement pas été efficace pour stopper les modifications vasculaires à l’origine de l’élévation de sa PAS et de sa pression pulsée. Le traitement de l’HTA « vasculaire » impose d’utiliser les médicaments les plus efficaces pour faire baisser la PAS Lorsque l’HTA « familiale » se modifie pour devenir « métabolique » puis « vasculaire », l’attitude médicale doit, elle aussi, se modifier. Les mesures « non médicamenteuses » qui sont plus que jamais conseillées (en particulier du fait des anomalies métaboliques) sont, à ce stade, plus difficiles à suivre et surtout moins efficaces pour permettre d’atteindre les objectifs tensionnels. Dans le traitement de l’HTA « vasculaire », le traitement antihypertenseur ancien est devenu inefficace sur

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