Endoprothèses coronaires libérant des produits actifs : promesses et attitude de précaution
J. MARCO, clinique Pasteur, Toulouse
Les promesses d’un traitement basé sur une nouvelle technologie doivent représenter un double engagement :
• diminuer la mortalité et/ou le risque de survenue d’événements irréversibles tels un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral ;
• et/ou améliorer la qualité de vie des patients, comparativement aux options antérieures.
Les études expérimentales ont montré qu’il était possible d’inhiber l’hyperplasie néo-intimale responsable de la resténose intraprothétique en recouvrant les mailles des endoprothèses avec un polymère libérant d’une façon contrôlée certaines substances antimitotiques : ceux sont les endoprothèses « actives ».
Quelles promesses aux patients après analyse des résultats des études randomisées (endoprothèses actives versus endoprothèses non actives) ? La méthodologie doit être rigoureuse La puissance (et donc la validité de la réponse à la question étudiée) d’une étude randomisée est déterminée pour son objectif primaire. La puissance statistique des objectifs secondaires est souvent insuffisante : ils peuvent donc être soumis au facteur chance. L’objectif primaire d’une étude peut être angiographique ou clinique (soit un événement clinique, soit un groupement d’événements prédéfinis survenant pendant la durée de l’étude). Les objectifs primaires dérivés de l’angiographie quantitative sont très sensibles, indépendants de l’opérateur, et permettent de répondre à une question précise en incluant dans l’étude un nombre limité de patients. En revanche, les résultats cliniques de ces études, analysés isolément, sont difficilement comparables : la puissance statistique est insuffisante et la comparaison d’événements cliniques isolés peut être biaisée par un facteur chance. La métaanalyse des résultats angiographiques des études (objectifs primaires et secondaires angiographiques) menées avec une méthodologie rigoureuse et codifiée, permet de préciser les effets des endoprothèses actives. Pour des patients sélectionnés et répondant aux critères d’inclusions des études, l’implantation d’endoprothèses actives libérant du sirolimus à partir d’un polymère (études SIRIUS), le stent CypherTM a réduit (réduction relative) de 83 % le taux de resténose angiographique par rapport à l’implantation d’endoprothèses non actives. Pour les endoprothèses actives libérant du paclitaxel à partir d’un polymère (études TAXUS), l’endoprothèse TaxusTM a réduit le taux de resténose de 70 %. Une comparaison de ces résultats angiographiques (études SIRIUS versus études TAXUS) n’est pas scientifiquement admise et des commentaires dérivés d’une telle comparaison indirecte ne sont pas recevables. Une étude randomisée, multicentrique, définie comme « étude de supériorité », avec comme objectif primaire le taux de resténose angiographique à 8 mois, a comparé les deux endoprothèses Cypher TM versus Taxus TM L’objectif primaire de l’étude n’a pas été atteint : il n’a pas été noté de différence significative entre les taux de resténose des deux groupes (9,6 vs 11,1 %, NS). De cette étude angiographique on ne peut extraire des conclusions cliniques qui ne sont pas incluses dans l’objectif primaire. Pour les patients, le devenir clinique est plus important que les paramètres angiographiques : une réduction de perte de gain angiographique initial peut être sans traduction clinique. Les études avec objectifs primaires cliniques nécessitent l’inclusion d’un nombre plus élevé de patients pour avoir une puissance statistique adéquate pour atteindre les objectifs « de supériorité ». La priorité doit être donnée aux résultats des études randomisées multicentriques avec un objectif primaire clinique et une puissance statistique adéquate. Cinq études valables statistiquement ont été rapportées Cinq études avec objectifs primaires cliniques atteints et puissance statistique adéquate ont été rapportées : • les études TAXUS, IV, V, VI menées chez 2 917 patients ; • l’étude SIRIUS ayant eu pour objet l’endoprothèse CypherTM, menée sur 1 058 patients ; • et l’étude ENDEAVOR II menée sur 1 197 patients. Les critères d’exclusion ont été globalement similaires (phase aiguë d’infarctus, lésions pluritronculaires nécessitant le traitement de plusieurs vaisseaux, lésions du tronc commun gauche, lésions de bifurcation, occlusion complète, allergie à l’aspirine ou au clopidogrel, espérance de vie limitée…). Les critères angiographiques d’inclusion ont été différents : - dans les études TAXUS, la longueur des lésions était comprise entre 10 et 40 mm de long sur un vaisseau de 2,5 à 3,75 mm de diamètre ; - dans les études SIRIUS, la longueur des lésions était comprise entre 15 à 30 mm de long sur un vaisseau de 2,5 à 3,5 mm de diamètre ; - dans ENDEAVOR II, la longueur des lésions était comprise entre 18 à 30 mm de long sur un vaisseau de 2,25 à 3,5 mm de diamètre. Dans SIRIUS et ENDEAVOR II, l’objectif primaire était « l’échec sur le vaisseau cible » défini comme la survenue pendant la période de surveillance d’un des événements suivants : décès de cause cardiaque, infarctus avec ou sans onde Q, ou nouvelle revascularisation du vaisseau traité. Il a été atteint : réduction relative du taux d’échec sur le vaisseau traité respectivement de 59 et 47 % par rapport aux endoprothèses non actives. Dans les études TAXUS IV, VI, l’objectif primaire défini comme « nécessité de nouvelle revascularisation du vaisseau traité » a été atteint : réduction relative du taux de revascularisation du vaisseau traité respectivement de 59 %, 53 % par rapport aux endoprothèses non actives. Une comparaison directe de ces résultats n’est pas scientifiquement admise et des commentaires dérivés d’une telle comparaison indirecte sont non recevables. Ces études randomisées n’ont pas la puissance statistique adéquate pour comparer un événement clinique isolé tel que la mortalité, le taux d’infarctus, la thrombose aiguë ou tardive des endoprothèses. L’association de plusieurs événements cliniques (décès + infarctus + revascularisation du vaisseau ou de la lésion) a été choisie comme objectif secondaire clinique. La métaanalyse des études TAXUS montre une réduction relative du taux d’association décès + infarctus + revascularisation du vaisseau de 40 % dans les groupes endoprothèses actives par rapport au groupe témoin. Pour les études SIRIUS, la réduction relative du taux d’association décès + infarctus + revascularisation de la lésion traitée a été de 63 %. À nouveau, la comparaison directe de ces résultats n’est pas scientifiquement acceptable. Le nombre plus élevé d’événements associés dans les groupes prothèses non actives est entièrement lié à la différence de nouvelles revascularisations sur le vaisseau ou la lésion traitée. La mortalité à moyen terme (8 à 12 mois) est identique dans les groupes endoprothèses actives et endoprothèses conventionnelles (1,0 versus 0,7 % dans les études SIRIUS et 0,9 versus 1,0 % dans les études TAXUS), de même pour le taux d’infarctus du myocarde (3,2 versus 3,2 % dans les études SIRIUS et 3,3 % versus 4,0 % dans les études TAXUS). L’indication à une nouvelle revascularisation sur le vaisseau ou la lésion traitée est théoriquement définie comme « guidée par la clinique ». Cependant des lésions hémodynamiquement « limites » ou « sans signification pronostique » ont pu être traitées par « réflexe occulo-sténotique » dans les groupes de patients avec contrôle angiographique systématique définis par protocole. Le contrôle angiographique systématique des patients peut influencer le taux de nouvelles revascularisations sur le vaisseau traité. À titre d’exemple, dans l’étude ENDEAVOR II, pour le sous-groupe de patients avec contrôle angiographique systématique, le taux de nouvelles revascularisations sur le vaisseau traitée est de 16,3 versus 5,8 %, alors que pour le sous-groupe avec suivi uniquement clinique, ces taux sont inférieurs, respectivement de 8,0 et 3,5 %. Ainsi, à partir des études randomisées, il est possible de promettre aux patients ayant des caractéristiques cliniques et angiographiques correspondant aux critères d’inclusion dans ces études, que l’implantation d’une endoprothèse active réduira la nécessité d’une nouvelle revascularisation sur le vaisseau traité, mais modifiera le risque de décès ou d’infarctus du myocarde. Pour les patients diabétiques insulinodépendants, nous ne disposons que d’analyses de sous-groupes, sans puissance statistique suffisante, et donc un possible facteur chance : il est impossible actuellement d’émettre une promesse concernant la supériorité des endoprothèses actives. Pour les patients avec des lésions sur plusieurs vaisseaux ou situées sur le tronc de la coronaire gauche, à l’ostium d’une branche majeure, au niveau d’une bifurcation, nous ne disposons pas de résultats d’études multicentriques randomisées avec puissance statistique adéquate pour proposer une recommandation. Peut-on se servir des registres comme complément des études randomisées pour informer clairement nos patients ? Pour constituer un complément valable à une étude randomisée, un registre doit inclure tous les patients consécutifs, sans sélection préalable et avoir un suivi clinique Ž 98 % avec contrôle indépendant des données. Le registre RESEARCH répond à ces critères. Comparativement à un groupe de patients traités pendant une période de 6 mois antérieure avec des endoprothèses « non actives », l’utilisation systématique, sans restriction de l’endoprothèse CypherTM chez des patients de pratique quotidienne avec lésions coronaires de novo n’a pas modifié l’incidence de décès ou infarctus du myocarde, mais a été suivie d’une réduction significative de la nécessité de nouvelle revascularisation sur le vaisseau traité guidée par la clinique (3,7 versus 10,9 %, 66 % de réduction relative). Dans le registre ARTS II colligeant pour des patients pluritronculaires très sélectionnés, les résultats cliniques à un an après revascularisation avec l’endoprothèse CypherTM sur toutes les lésions a été suivi de résultats encourageants : mortalité (1 %), infarctus du myocarde (3 %), nouvelle revascularisation (8,5 %) et association des événements (10,5 %). Il s’agit cependant d’un registre, et non d’une étude randomisée prospective. En pratique quotidienne, il est donc possible de promettre aux patients qui recevront une endoprothèse active, un risque de nécessité de nouvelle revascularisation 10 %. Y a-t-il une différence d’efficacité clinique dans la pratique quotidienne entre les deux endoprothèses actives actuellement disponibles ? Pour comparer directement les événements cliniques suivant l’implantation respective de deux endoprothèses actives, il est nécessaire d’avoir les
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