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Cardiologie interventionnelle

Publié le  Lecture 13 mins

Où en est-on de l'angioplastie carotidienne ?

G. RANCUREL, hôpital de la Salpétrière, Paris

Malgré l’absence de démonstration d’un rapport bénéfice/risque favorable et supérieur à celui de l’endartériectomie, l’angioplastie carotidienne s’est beaucoup développée ces dernières années. À tel point que certains n’hésitent plus à utiliser cette méthode en première intention. Quelle doit être aujourd’hui sa place en pratique médicale ?

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent la 3 e cause de mortalité et la 1 re cause d’invalidité lourde dans les pays industrialisés. En France, on évalue à plus de 140 000 le nombre d’AVC d’origine ischémique par an. Parmi les étiologies des AVC ischémiques, l’athérome des artères à distribution céphalique est responsable d’environ 30 % des cas. La bifurcation carotidienne et l’origine de la carotide interne représentent les localisations les plus caractéristiques de l’athérome sténosant. La chirurgie carotidienne demeure pour l’instant le traitement de référence des sténoses carotidiennes athéromateuses de la bifurcation, symptomatiques et serrées (Ž70 %). C’est aussi le cas pour les sténoses de 59 à 70 %, mais avec un taux moins élevé de succès. Cette chirurgie est complétée par un traitement médical bien conduit, composé d’antiagrégants et de statines. Les études prospectives multicentriques NASCET ( North American Symptomatic Carotid Endarterectomy Trial) et ECST ( European Carotid Surgery Trial) ont démontré le bénéfice du traitement chirurgical pour les sténoses carotidiennes symptomatiques serrées, bénéfice confirmé par diverses métaanalyses. De même, mais dans une moindre mesure, l’étude ACAS ( Asymptomatic Carotid Atherosclerosis Study), publiée en 1995, montrait la supériorité du traitement chirurgical pour les sténoses carotidiennes asymptomatiques supérieures à 60 %. Ainsi, l’efficacité de la chirurgie dans le traitement des sténoses athéromateuses de la bifurcation est donc bien prouvée. L’endartériectomie demeure la thérapeutique de référence des sténoses de la bifurcation carotide. En revanche, l’engouement pour l’angioplastie n’est pas justifié par des études comparables. Initialement proposée comme alternative à la chirurgie pour les sténoses non athéromateuses ou pour les patients à haut risque chirurgical, cette procédure s’est beaucoup développée, à tel point que certains n’hésitent plus à utiliser cette méthode en première intention. Or, l’absence de démonstration d’un rapport bénéfice/risque favorable avec cette technique a conduit l’ANAES à publier, en 1997, des recommandations selon lesquelles il n’y a pas d’indication de l’angioplastie carotidienne dans les sténoses athéromateuses en dehors des essais thérapeutiques contrôlés. De même, la nomenclature de la CNAMTS précise que l’angioplastie de l’artère carotide ne peut donner lieu à cotation. Malgré ces recommandations, de nombreuses dilatations intraluminales sont pratiquées quotidiennement en dehors de tout protocole clinique pour le traitement des sténoses athéromateuses de la carotide. L’ANAES a donc procédé récemment à une réévaluation de ses recommandations. Elle réaffirme que l’équivalence, voire la supériorité de l’angioplastie comparée au traitement chirurgical n’est pas démontrée. Il faut poursuivre l’évaluation de l’angioplastie carotidienne dans le cadre de protocoles cliniques randomisés comparatifs entre chirurgie et thérapeutique endoluminale. L’angioplastie a pour avantages attendus : • l’absence d’incision cervicale, de lésions des nerfs cervicaux et d’hématome du cou, • la réduction de la durée d’hospitalisation et donc des coûts. En revanche, elle comporte ses risques propres sur lesquels nous reviendrons. Les problèmes techniques de l’angioplastie Les mécanismes d'action de l'angioplastie Du point de vue physiopathologique, l’angioplastie se veut un remodelage artériel non traumatique de l’athérome. C’est une hypothèse qui suppose que le rétrécissement artériel est fait d’une boue athéromateuse très malléable, vacuolaire, ressemblant à de la gomme ou à du mastic. On pourrait alors supposer que cette « gomme » est tassée ou impactée le long de l’artère au cours de la dilatation par ballon sur 1 ou 2 cm, redonnant une lumière artérielle plus large ou, autrement dit, dépourvue de rétrécissement hémodynamiquement néfaste. En réalité, l’athérome mou ne se rencontre que bien rarement et ce mécanisme de dilatation, bien qu’idéal, n’est pas réaliste dans la majorité des cas. En fait, l’angioplastie est un traumatisme artériel : le cracking de la paroi est la résultante, à des degrés divers, d’une fissuration de la plaque, d’une dissection, d’une rupture, si bien qu’un anévrisme peut en être la conséquence. Au cours d’une thérapeutique endoluminale, on introduit un cathéter par voie fémorale jusqu’aux troncs supraaortiques. Ce cathétérisme a pour but de franchir la carotide commune, d’atteindre la sténose et de gonfler alors progressivement un ballonnet. Celui-ci se moule sur la sténose pour prendre un aspect en sablier ou en « os de chien ». Cette image précède une fissuration ou une rupture de la plaque circonférentielle : c’est un aspect quasi constant au cours des protocoles d’angioplastie par ballonnet. Des images de dissection artérielle sont obtenues aussi bien au niveau des carotides que des coronaires. Ces aspects angiographiques de dissection artérielle sont localisés ou étendus avec l’image classique en « drapeau ». Pour certains auteurs, une dissection serait présente dans 40 % des cas (figure 1). Figure 1. Mécanisme très probable de l’angioplastie artérielle donnant lieu à une rupture partielle de la paroi (d’après J.-L. Guermonprez et D. Blanchard). Des arguments histologiques et anatomiques confirment le traumatisme artériel. En phase peropératoire, les chirurgiens signalent l’aspect « d’hémorragie sous plaque » ou d’hématome de la paroi artérielle. Cela s’observe même dans des angioplasties non compliquées. À l’histologie, on peut noter une fracture radiale de la média avec une dissection et une rupture touchant la limitante élastique interne. Toutes ces constatations sont confirmées par quelques cas d’hémorragie périvasculaire. On peut donc conclure qu’une bonne dilatation passe par un traumatisme artériel. Si bien qu’au-delà de la dilatation par le ballon, il faut positionner un stent (ressort cylindrique expansible aux mailles serrées) (figure 2) pour limiter l’agression mécanique, mouler la paroi artérielle, la maintenir ouverte et éviter les resténoses tardives. Figure 2. Stent de la carotide interne. Ainsi, entre la boue athéromateuse que l’on remodèle par compression et le cracking de l’artère que l’on traumatise, il reste que l’angioplastie est une véritable agression mécanique, paradoxalement bien tolérée dans l’immédiat et efficace à court ou moyen terme. Une technique en pleine évolution La technique de l’angioplastie carotidienne a beaucoup évolué ces dix dernières années. L’administration d’antiagrégants plaquettaires (aspirine et clopidogrel), la miniaturisation du matériel, la mise en place d’un stent systématique et l’utilisation de systèmes de protection cérébrale contribuent à la maîtrise du geste. Après cathétérisme prudent de l’artère carotide commune, le premier temps de la procédure consiste dans la majorité des cas de la mise en place d’une protection cérébrale en aval de la sténose afin de capter les éventuels débris pouvant migrer et entraîner des embolies cérébrales. Ces systèmes de filtration ou d’occlusion avec aspiration ont démontré leur efficacité Une fois la protection posée, un stent auto-expansible est alors mis en place au niveau de la sténose carotidienne. Son expansion est obtenue par le gonflage du ballon d’angioplastie. Les progrès constants de miniaturisation et de souplesse des matériels de dernière génération permettent d’espérer un succès angiographique plus ou moins proche de celui du geste chirurgical. Les complications de la procédure Malgré tous ces progrès, il existe des complications du traitement endovasculaire (tableau). Embolie cérébrale. Le risque principal est la survenue d’une embolie cérébrale. L’utilisation d’un filtre de protection cérébrale n’empêche pas toujours la migration embolique durant les phases initiales de la procédure. Les deux périodes critiques du geste endoluminal restent le franchissement de la crosse aortique, le cathétérisme de la carotide commune et surtout la traversée de la sténose, en particulier quand elle est très serrée et longue. Le risque de complications emboliques augmente chez les patients âgés > 80 ans en raison de la difficulté de navigation endovasculaire et du caractère diffus de la maladie athéromateuse avec rigidité et fragilité accrues des axes vasculaires. Accidents hémorragiques. Outre les complications emboliques, il existe des accidents hémorragiques par brusque phénomène de perfusion d’aval quand la sténose est très serrée avec un retentissement hémodynamique ou quand la carotide controlatérale présente également une sténose serrée. On peut également observer des oscillations tensionnelles qui sont plus ou moins délétères dans les 48 h qui suivent la procédure (stimulation du sinus carotidien et de son glomus). Resténose. Enfin, le taux de resténose à distance (plus de 6 mois) est d’au moins 10 %, parfois plus. En résumé, la technologie des procédures endoluminales évolue constamment et rapidement, au point que l’amélioration des méthodes de cathétérisation et de stenting constituent un défi à la conception et à la réalisation d’études cliniques au protocole stable dans le temps. Figure 3. Sténose symptomatique d’origine radique de la carotide traitée avec succès par angioplastie plus stent. Les avantages de l’angioplastie carotidienne avec stenting Le traitement endovasculaire de l’artère carotide extracrânienne est réalisé depuis 10 ans environ. Ses avantages potentiels par rapport à l’endartériectomie carotidienne comprennent l’évitement d’une incision chirurgicale et ses complications telles que les paralysies des nerfs crâniens ou les hématomes du cou. Le traitement endoluminal est utilisé actuellement dans de nombreux centres pour des patients présentant une contre-indication à l’endartériectomie. Citons par exemple les artériopathies postradiques, une resténose après une endartériectomie ou bien des lésions inaccessibles chirurgicalement. On a également avancé que les techniques

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