Prévention secondaire après un accident ischémique cérébral
M. PASQUINI, J.-L. MAS, Hôpital Saint Anne, Paris
La prévention est la meilleure stratégie pour réduire l’incidence et les conséquences des AIC, et doit être envisagée dans le contexte plus général de la prévention vasculaire, incluant la prévention de l’IDM, des complications de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), et, plus généralement, du décès vasculaire. Pour cela, le critère de jugement principal des essais randomisés de prévention secondaire est souvent un critère composite, incluant la récidive d’AVC, ou la survenue d’un événement vasculaire, ou de décès vasculaire.
Les causes des AIC sont nombreuses, mais trois d’entre elles dominent par leur fréquence : l’athérosclérose, la microangiopathie et les embolies d’origine cardiaque. Déterminer la cause d’un AIC est une étape fondamentale qui conditionne le choix du traitement de prévention secondaire. Celle-ci repose sur le contrôle des facteurs de risque vasculaire, le traitement antithrombotique et la revascularisation artérielle dans certains cas. Contrôle des facteurs de risque vasculaire Le traitement des facteurs de risque est au centre de la prévention des AVC et les bénéfices attendus de ce traitement sur l’incidence des AVC sont à la base des recommandations pour la pratique. Pression artérielle Des nombreux essais cliniques randomisés ont démontré les bénéfices de l’abaissement de la pression artérielle (PA) sur le risque d’événements vasculaires, en particulier sur celui d’AVC, aussi bien en prévention primaire que secondaire. Chez des patients, hypertendus ou non, aux antécédents d’AVC ou AIT et recevant du perindopril (4 mg/j) et de l’indapamide (2,5 mg/j), la baisse de la pression artérielle de 12/5 mmHg a été associée à une réduction de 43 % de l’incidence d’AVC et de 40 % de l’incidence d’événements vasculaires majeurs. Sous perindopril seul, la baisse de pression artérielle était moins importante (5/3 mmHg) et ne s’accompagnait pas d’une réduction significative du risque d’événements vasculaires. La réduction du risque était présente dans tous les sous-types d’AVC. Ces données ont été confirmées par les résultats d’une revue systématique de 7 essais randomisées portant sur 15 527 patients ayant eu un AIT ou un AVC. Le traitement antihypertenseur réduisait de 24 % l’incidence des AVC, de 21 % celle des IDM et de 21 % celle des événements vasculaires majeurs (AVC infarctus du myocarde, décès vasculaire). La réduction du risque de récidive d’AVC était significative avec l’association d’IEC et de diurétiques et avec les diurétiques seuls, mais pas avec les bêtabloqueurs ou les IEC seuls. Cependant, ces comparaisons doivent être interprétées avec prudence en raison du faible nombre d’études, de patients et d’événements, et des différences de baisse de PA selon les études. La réduction du risque d’AVC et d’événements vasculaires était similaire dans les essais portant sur des patients hypertendus ou normotendus, et dans ceux portant exclusivement sur des patients normotendus, et est continue avec la baisse de la pression artérielle. On ne peut pas définir de valeurs en termes de cible, mais on peut prendre en compte le fait que les bénéfices associés à la baisse de la pression artérielle ont été obtenus avec une réduction moyenne de 10/5 mmHg et que la pression artérielle est considérée comme normale si les valeurs sont 120/80 mmHg. Il n’existait pas de valeur seuil en dessous de laquelle le traitement antihypertenseur s’accompagnait d’une augmentation du risque d’AVC, dans les fourchettes de valeurs de pression artérielle étudiées. Cependant, dans certains cas, on peut proposer un traitement plus prudent : il s’agit des patients ayant des lésions obstructives des artères à destination cérébrale ou intracrâniennes, en particulier les patients ayant des sténoses des artères carotides bilatérales. Lipides Bien que la relation épidémiologique entre le cholestérol et le risque d’AVC soit complexe, plusieurs études ont montré les effets positifs de l’abaissement du LDL cholestérol. Chez des patients à haut risque vasculaire, la baisse de 1 mmol/l de LDL-cholestérol par statines s’accompagne d’une réduction de 23 % du risque d’IDM ou de décès coronaire, et de 17 % du risque d’AVC, avec une réduction de 22 % des AIC. Dans la seule étude consacrée à la prévention secondaire après un AVC, l’atorvastatine à la dose de 80 mg/j a réduit le risque de récidive d’AVC de 16 % et de 20 % celui des événements vasculaires majeurs, en dépit d’une augmentation du risque d’hémorragie cérébrale. Il est possible que le bénéfice absolu du traitement par statines observé dans cette étude soit plus important dans certains sous-groupes étiologiques, en particulier chez les patients ayant un AIC lié à l’athérosclérose. De plus, les patients ayant un AIC lié à une cardiopathie emboligène ont été exclus de l’étude. On ne sait pas si ces patients, qui représentent 20 % des AIC, bénéficient de ce traitement. De même, le faible nombre de patients inclus dans cette étude avec un antécédent d’hémorragie cérébrale ne permet aucune conclusion quant au rapport bénéfice/risque de l’atorvastatine chez ces patients. Glycémie Les données concernant l’efficacité du traitement de l’hyperglycémie en prévention secondaire des AVC sont peu nombreuses. Le contrôle glycémique strict permet de diminuer les complications microvasculaires du diabète, mais son bénéfice sur la réduction du risque d’AVC ou d’autres événements vasculaires est controversé. Chez 5 238 patients aux antécédents macrovasclaires, le traitement par pioglitazone a été associé à une réduction non significative du risque d’événements vasculaires majeurs et, dans une analyse secondaire, le risque d’AVC était réduit de 47 % chez les patients traités par pioglitazione. Cependant, les études plus récentes ne montrent pas de bénéfice d’un contrôle strict de la glycémie. Chez des diabétiques de type 2 ayant bénéficié soit d’un contrôle strict de la glycémie soit d’une prise en charge standard, l’incidence des événements vasculaires n’était pas significativement différente, et ce, malgré une réduction de 2 % environ de l’hémoglobine glyquée. En revanche, un contrôle strict de la pression artérielle chez le diabétique réduit le risque d’AVC et d’événements vasculaires : chez les diabétiques de type 2 ayant une PA strictement contrôlée, le risque d’AVC était réduit de 44 % par rapport à ceux ayant un contrôle de la PA moins strict. Les IEC et les ARA II sont recommandés en première intention en raison de leur effet bénéfique sur la néphropathie. Les statines ont aussi un effet bénéfique chez le diabétique : chez les patients diabétiques inclus dans l’étude HPS, le risque d’AIC était réduit de 28 % et celui d’événement vasculaire majeur de 22 %, indépendamment du taux basal de LDL-cholestérol. Tabac Plusieurs études observationnelles ont montré que l’arrêt du tabac est associé à une réduction rapide du risque d’AVC et d’autres événements vasculaires. L’arrêt de l’intoxication tabagique pendant au moins 20 ans diminue le risque de décès de toute cause et de décès vasculaires à un niveau identique à celui des non-fumeurs. Alcool La majorité des études suggèrent une relation en forme de J entre la consommation d’alcool et le risque d’AIC. Dans une métaanalyse portant sur 35 études observationnelles, la consommation d’alcool > 5 verres/jour est associée à une augmentation de 64 % du risque d’IC et de 118 % du risque d’HIC, alors qu’une consommation 1 verre/jour s’accompagnait d’une réduction de 17 % du risque d’AVC. Une consommation modérée de 1-2 verres/j s’accompagne d’une réduction de 28 % du risque d’AIC. Traitement hormonal substitutif et contraception orale Contrairement aux études observationnelles, les essais thérapeutiques ont conclu à une augmentation du risque d’AVC chez les femmes recevant un traitement hormonal substitutif. Une métaanalyse portant sur 28 essais randomisés a montré une augmentation du risque d’AVC de 29 %. Le THS doit être arrêté en phase aiguë d’un AVC et la reprise de ce traitement doit être fortement déconseillée. La contraception estroprogestative faiblement dosée n’augmente que faiblement le risque d’AVC. Cependant, il existe des catégories des femmes plus à risque : les femmes âgées de plus de 35 ans ou ayant des facteurs de risque associés (tabac, hypertension artérielle ou diabète), des antécédents de migraine, en particulier avec avec aura, ou un antécédent d’accident thromboembolique. Dans ce contexte, la contraception orale devrait être évitée. Antithrombotiques Avec la prise en charge des facteurs de risque vasculaires, les traitements antithrombotiques jouent un rôle majeur dans la prévention des AIC. Le risque hémorragique potentiel des différents traitements antithrombotiques, d’autant plus élevé que l’action antithrombotique est puissante, doit être mis en balance avec le risque ischémique à prévenir. Également, le choix du traitement antiplaquettaire de prévention secondaire doit être guidé par la cause de l’infarctus cérébral. Les données de prévention secondaire sont donc réparties en deux grands groupes : celles consacrées aux maladies artérielles (athérosclérose et maladie des petites artères), ou d’origine non cardioembolique, et celles consacrées aux cardiopathies emboligènes. Lorsqu’aucune cause d’imputabilité certaine n’a été mise en évidence, il existe un consensus en faveur de l’aspirine, bien qu’il n’existe aucun essai thérapeutique spécifique. AIC non cardioemboliques Un traitement antiplaquettaire est recommandé en prévention secondaire après un AIC lié à l’athérosclérose, à la microangiopathie, ou de cause inconnue. Le traitement par antiplaquettaires s’accompagne d’une réduction de 25 % du risque de IDM, AVC ou de décès vasculaire, et de 22 % du risque d’AIC. L’aspirine est de loin la substance plus étudiée, et elle est l’antiplaquettaire de référence pour l’évaluation de nouvelles substances. Dans la dernière métaanalyse de l’ATTC, chez les patients ayant des antécédents d’AIC, l’aspirine réduit de 17 % le risque d’AVC, malgré une légère augmentation d’incidence des hémorragies cérébrales, et de 17 % celui d’événements vasculaires majeurs. Le bénéfice de l’aspirine a été démontré pour des doses entre 50 mg et 1,3 g, sans différence d’efficacité à partir de 75 mg. Le risque hémorragique est indépendant de la dose d’aspirine mais la toxicité gastro-intestinale augmente avec la posologie. Compte tenu du rapport bénéfice/risque, les doses d’aspirine actuellement recommandés sont de 75 à 150 mg/j. Chez les patients ayant présenté un accident artériel
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