Aller au contenu principal
TwitterFacebookLinkedinPartager

Thérapeutique

Publié le  Lecture 15 mins

Statines : efficacité clinique et effets pléiotropiques

J. BONNET, Hôpital cardiologique, INSERM U441, Pessac

La prise en charge des hypercholestérolémies, facteurs de risque majeur des maladies cardio-vasculaires liées à l’athérosclérose, a été totalement transformée par l’apparition des statines. En effet, celles-ci sont capables d’induire une baisse du LDL cholestérol de 20 à 65 % suivant la molécule utilisée. Elles ont rapidement démontré leur efficacité dans la prévention des accidents cardio-vasculaires, aussi bien en prévention primaire chez le sujet sain indemne d’antécédent de pathologie cardio-vasculaire qu’en prévention secondaire chez le sujet ayant déjà présenté un premier accident coronarien. Il faut cependant noter que, si les résultats des essais de prévention montrent que plus le LDL-C est bas, meilleure est la prévention, la valeur optimale du LDL-C en prévention secondaire reste à définir.

La remarquable efficacité des statines dans la prévention de la survenue des accidents coronariens pose le problème de leurs mécanismes d’actions. L’apparente discordance entre la grande efficacité clinique et la moindre efficacité sur l’évolution des sténoses angiographiques suggère une action stabilisatrice des statines sur les plaques athéroscléreuses. Cette action, peut-être indépendante de la baisse du cholestérol, est appelée effet pléiotrope. Elle pose le problème de l’utilisation très précoce des statines dans les syndromes coronariens aigus. Nous aborderons différents points de leur action, afin de mieux définir leur place actuelle dans le traitement des pathologies cardio-vasculaires. Mécanismes d’action et effet des statines sur les paramètres lipidiques Les statines sont des inhibiteurs d’une enzyme, l’hydroxy-méthyl-glutaryl-coenzyme A réductase. Cette HMG-CoA réductase est une enzyme clé de la synthèse du cholestérol au niveau du foie. Son inhibition par les statines permet une diminution de synthèse et donc, du contenu en cholestérol au niveau du foie. En réponse à cette diminution, les hépatocytes réagissent en induisant une augmentation de l’expression du récepteur du LDL, favorisant ainsi l’endocytose et la dégradation des particules LDL. La conséquence est finalement la baisse du LDL cholestérol de 20 à 65 % suivant la molécule utilisée, à laquelle s’associent une baisse de 15 à 40 % du taux de cholestérol total et une baisse modérée des triglycérides de 5 à 30 %. Les effets sur le HDL cholestérol sont faibles, allant d’une réduction non significative à une augmentation significative pouvant cependant atteindre des valeurs optimales d’augmentation proches de 10 %. Les études d’efficacité, chez les patients porteurs d’une hypercholestérolémie, comme l’étude STELLAR ( Statin Therapies for Elevated Lipid Levels compared Accross doses to Rosuvastatin), ont permis de montrer le large éventail d’efficacité des inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase. Ces derniers entraînent une baisse du LDL cholestérol allant de : • 20 à 30 % pour la pravastatine de 10 à 40 mg, • 28 à 46 % pour la simvastatine de 10 à 80 mg, • 37 à 51 % pour l’atorvastatine de 10 à 80 mg, • 46 à 55 % pour la rosuvastatine de 10 à 40 mg, nouvelle statine de deuxième génération qui permet d’élargir encore l’éventail de l’efficacité thérapeutique. Les analyses comparatives, dose à dose, montrent ainsi une grande différence d’efficacité sur le profil lipidique des statines entre elles. Ces statines sont généralement bien tolérées. Les effets secondaires les plus fréquents sont les troubles digestifs, les asthénies mais surtout des myalgies, sans obligatoirement élévation des enzymes musculaires (CPK : créatine phosphokinase). Le risque d’atteinte musculaire, pouvant conduire à la rhabdomyolyse, ainsi que le risque d’hépatite restent rares. Ils justifient cependant la surveillance des transaminases à titre systématique et des CPK en présence de douleurs musculaires. Statines et prévention des maladies cardio-vasculaires L’infarctus du myocarde est responsable de 180 000 morts par an en France. Il est la première cause d’hospitalisation, la deuxième cause de mortalité chez l’homme et la troisième cause chez la femme. La moitié des patients coronariens débutent leur maladie par un infarctus du myocarde. Avant l’arrivée des statines, l’intérêt du traitement des troubles dyslipémiques en postinfarctus dans la prévention des complications de la maladie coronarienne n’était pas clairement établi. L’arrivée des statines a complètement transformé les données, avec, au cours des dernières années, la publication des essais de prévention secondaire chez le coronarien et de prévention primaire chez le sujet sain. L’analyse des données permet de comprendre, non seulement l’évolution des concepts et des prises en charge, mais également les questions qui continuent à se poser. 4S Cette première étude ( Scandinavian Simvastatin Survival Study) démontre, pour la première fois, une diminution significative de la mortalité totale (– 30 %) en rapport avec une réduction de la mortalité coronarienne (– 42 %) et des événements cardiaques majeurs (– 34 %), sans surmortalité non cardio-vasculaire dans le groupe traité par simvastatine. Ces résultats très favorables sont observés chez des patients coronariens, traités à distance de leur infarctus (> 6 mois) et porteurs d’une cholestérolémie élevée entre 5,5 et 8,0 mmol/l (2,12 à 3,10 g/l). Ils posent d’emblée le problème de l’efficacité de cette démarche en prévention primaire. WOSCOPS Ce problème a été résolu par cette étude ( West Of Scotland COronary Prevention Study). Les sujets sains, porteurs d’une cholestérolémie moyenne de 7,0 mmol/l (2,72 g/l), traités par pravastatine, 40 mg par jour, présentent une diminution de 22 % de la mortalité globale et de 28 % de la mortalité cardio-vasculaire avec une baisse de 31 % des événements cardiaques majeurs. Ces résultats montrent que, chez les sujets ayant un LDL cholestérol élevé, les statines sont capables d’abaisser la mortalité globale et la mortalité cardio-vasculaire, aussi bien chez le sujet coronarien en prévention secondaire que chez le sujet sain en prévention primaire. Une efficacité démontrée en cas de normocholestérolémie La question qui se pose alors est de savoir si cette action positive des statines existe chez les sujets normocholestérolémiques. Trois essais cliniques de prévention, deux en prévention secondaire et un en prévention primaire, vont répondre à cette question. CARE. Cette première étude ( Cholesterol And Recurrent Events) met en évidence, sous pravastatine, une réduction significative de 24 % des événements cardiaques majeurs chez des patients ayant un antécédent d’infarctus du myocarde et une cholestérolémie 6,2 mmol/l (2,4 g/l). Cependant, l’effet bénéfique ne semble exister que chez des patients ayant un taux de LDL-C > 3,2 mmol/l (1,25 g/l). La diminution de la mortalité totale (– 9 %) n’est pas significative, l’étude CARE n’étant pas dévolue à l’évaluation de cet effet. LIPID. Cette étude ( Long-term Intervention with Pravastatin in Ischemic Disease study) va montrer qu’un traitement par pravastatine, 40 mg/j, diminue la mortalité totale (– 22 %) chez des patients coronariens porteurs d’une cholestérolémie sensiblement normale. AFCAPS/TexCAPS. Chez le sujet sain en prévention primaire, cette étude ( Air Force/Texas Coronary Atherosclerosis Prevention Study) montre une diminution de 37 % des événements coronaires majeurs, mais sans effet sur la mortalité globale chez des patients indemnes de pathologie cardio-vasculaire et présentant un taux de LDL-C entre 3,35 et 4,89 mmol/l (1,30 et 1,90 g/l). L’ensemble de ces études montre que les statines sont capables de réduire le risque relatif d’événements coronaires majeurs chez le sujet sain en prévention primaire et chez le sujet coronarien en prévention secondaire. Si la réduction du risque relatif est globalement similaire d’un essai à l’autre, allant de 23 à 37 %, la réduction du risque absolu, c’est-à-dire le bénéfice attendu par le patient, est évidemment d’autant plus élevé que le risque du patient est élevé. Jusqu’où abaisser le LDL cholestérol ? Ces études identifient clairement le LDL cholestérol comme une cible majeure de la prévention. Dès lors, une question se pose : jusqu’où faut-il abaisser le LDL cholestérol pour obtenir une prévention optimale ? Les études CARE et LIPID, ainsi que l’analyse “ poolée ” de leurs résultats, montrent qu’en deçà du seuil de 3,2 mmol/l (1,25 g/l) de LDL-C, les bénéfices attendus en prévention secondaire sont minimes. Autour de cette valeur seuil se sont organisées les recommandations et les stratégies thérapeutiques. L’apport majeur de HPS. De nouvelles données ont bouleversé cette limite. L’étude HPS ( Heart Protection Study collaborative group), étude de morbi-mortalité, réalisée chez le sujet à haut risque, a montré que la simvastatine à 40 mg permet de réduire la mortalité globale (– 13 %), la mortalité cardio-vasculaire de toutes causes (– 17 %) et les événements vasculaires majeurs (– 24 %) chez des patients à haut risque de maladie coronaire, 85 % de ces patients étant en fait en prévention secondaire. La diminution du risque relatif est identique dans chaque sous-catégorie de patients, notamment dans les trois sous-groupes définis par le taux basal de LDL-C 3,00 mmol/l (1,16 g/l), entre 3,0 et 3,5 mmol/l et ≥ à 3,5 mmol/l (1,35 g/l). Ces résultats montrent l’action bénéfique des statines en deçà de la valeur seuil de 1,25 g/l de LDL cholestérol. Ils montrent également que la relation linéaire entre la baisse de la morbi-mortalité cardio-vasculaire et la baisse du LDL cholestérol existe jusqu’à des valeurs de LDL cholestérol proches de 0,70 g/l, justifiant l’objectif 1 g/l fixé par les recommandations américaines. Ces résultats suggèrent qu’en prévention secondaire, chez le sujet à haut risque, plus le LDL cholestérol est abaissé, plus la prévention des maladies cardio-vasculaires est efficace. Elles ouvrent également le concept du “ lower is better ”. “ Lower is better ”. Quatre études comparatives, s’attachant à comparer les effets d’un traitement agressif sur le LDL cholestérol comparativement à un traitement standard, suggèrent le bien-fondé de ce concept. Ces études ont été réalisées sur des modèles et des approches cliniques particuliers, le pontage coronarien (étude POST-CABGT [ Post Coronary Artery Bypass Graft Trial]), l’épaisseur intima-média carotidienne (études ASAP [ Atorvastatin versus Simvastatin Atherosclerosis Progression] et ARBITER [ ARterial Biology for the Investigation of the Treatment Effects of Reducing cholesterol]), le volume de plaque intracoronaire mesuré par ultrasons intracoronaires (étude REVERSAL [ REVERSing of atherosclerosis with Aggressive Lipid lowering study]). Elles ont permis de montrer la supériorité d’un traitement agressif vis-à-vis du LDL-C versus un traitement standard sur la progression

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :