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Polémique

Publié le  Lecture 13 mins

Approche radiale pour le cathétérisme : mythes et réalités

O.-F. BERTRAND, Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec, Faculté de médecine, Université Laval

Primum non nocere 
 
Au cours de la dernière décennie, il n’y a pas eu de réelle avancée technologique pour le traitement percutané des lésions coronaires autres que l’introduction et le raffinement des endoprothèses à élution médicamenteuse. De nos jours, la plupart des interventions consistent essentiellement à la mise en place de tuteurs coronaires soit par implantation directe ou après prédilatation et les techniques abrasives ou extractives de la plaque athéroscléreuse ont été reléguées à un rôle de niches.

Dans le même temps, les stratégies pharmacologiques antithrombotiques ont connu un essor considérable avec l’emphase mise sur le contrôle de l’agrégation plaquettaire au détriment d’une anticoagulation agressive mimée sur l’héparinothérapie associée à la chirurgie de pontage aortocoronaire. L’amélioration des résultats pour le patient réside donc autant dans le contrôle du risque ischémique qu‘hémorragique. Si les opérateurs sont depuis longtemps convaincus de l’impact négatif des complications périprocédures voire même de la montée asymptomatique postprocédure des marqueurs de nécrose sur le pronostic du patient, ce n’est que plus récemment que l’on s’est intéressé à l’impact des complications hémorragiques périprocédures. Au moment d’une intervention, le cardiologue interventionnel doit donc évaluer sa stratégie antithrombotique en fonction de la présentation clinique du patient (angor stable versus syndrome coronaire aigu) et de la complexité de la lésion et de l’intervention tout en minimisant les risques de saignements et de complications au site de ponction et à distance. Alors que nos collègues américains et les compagnies pharmaceutiques dépensent des fortunes pour essayer de développer de nouveaux agents antithrombotiques, supposés optimiser le risque ischémique et hémorragique, il nous paraît plus judicieux dʼévaluer les mérites et limitations de lʼapproche radiale. En effet, avouons-le tout net, l’approche radiale qui ne demande qu’un minimum d’adaptation par rapport à l’approche standard fémorale (pour ne pas dire archaïque) a tout pour devenir l’approche par défaut d’un patient référé pour un cathétérisme diagnostique ou thérapeutique. À l’heure de la médecine fondée sur les preuves, il existe peu de doutes quant à la supériorité de l’approche radiale sur l’approche fémorale concernant la réduction des saignements et complications au site de ponction. S. Jolly et son équipe ont ainsi récemment revu toutes les données comparant les deux approches disponibles depuis la fin des années 1980 jusqu’en 2008 (1). Au total, ils rapportent une réduction relative des saignements de 73 % avec l’approche radiale par rapport à l’approche conventionnelle (0,05 % vs 2,3 % ; p 0,001). De façon surprenante, ils ont observé également une tendance à la réduction des événements cardiovasculaires combinés (mortalité, infarctus et AVC) avec l’approche radiale (2,5 % vs 3,8 % ; p = 0,058). Cette observation les a dʼailleurs amenés à monter lʼessai randomisé RIVAL qui a déjà inclus plus de 4 000 patients avec un objectif final de 8 000 patients et qui vise donc à déterminer si lʼapproche radiale peut diminuer le risque ischémique au-delà du risque hémorragique par rapport à lʼapproche fémorale. Si cet objectif était atteint, il deviendrait même éthiquement difficilement défendable de proposer lʼapproche fémorale en première intention ! Revoyons maintenant quelques arguments régulièrement proposés contre l’approche radiale… La courbe d’apprentissage Il s’agit avant tout de voir si l’on considère le problème selon le principe de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. En effet, les données anciennes et récentes suggèrent habituellement un taux d’échec ≤ 5 %, ce qui veut tout autant dire un taux de succès > 95 % (2,3). En pratique, il faut insister sur le fait que le cathétérisme diagnostique et interventionnel par voie radiale est essentiellement similaire à l’approche fémorale une fois que les cathéters sont dans l’aorte ascendante. Le développement, depuis plus de 20 ans, du cathétérisme par voie radiale a amené les pionniers de cette approche à décrire une série de trucs simples pour naviguer à travers les tortuosités radiales et autres variations anatomiques pour arriver à « canuler » avec succès artères coronaires, greffons veineux et artères mammaires. Le groupe d’Hildick-Smith a très élégamment revu les pourcentages de franchissement, fonction du type d’anomalie et dépendant aussi évidemment de l’obstination de l’opérateur (4). Lors d’un questionnaire international récent, si 30 % des opérateurs par voie radiale disaient essayer l’abord radial controlatéral en cas d’échec, plus de 50 % des opérateurs retournaient à la voie fémorale. Il ne s’agit pas d’en faire une question d’ego ou de religion : si ce n’est pas faisable en raison de difficultés d’accès ou de perte de temps, le bon sens doit l’emporter. Il est clair qu’il n’a jamais été question que l’approche fémorale disparaisse complètement. Dans notre centre académique qui accueille régulièrement les assistants du programme de cardiologie pour leur stage obligatoire de quelques semaines et où l’approche radiale est la règle, on constate la plupart du temps que la ponction, l’avancée des cathéters et le cathétérisme diagnostique sont maîtrisés en 2 à 3 jours. Souvent d’ailleurs, ils sont tout surpris quand on leur dit que tout le monde ne pratique pas l’approche radiale… Les cathéters dédiés Peu de temps après le début du cathétérisme par voie radiale, on a vu différents pionniers proposer de nouvelles courbes, essentiellement pour canuler l’artère coronaire gauche et droite avec un seul cathéter ou pour améliorer le support en cas d’intervention. En fait, il sʼagit dʼun faux problème et lʼon nʼest aucunement forcé dʼapprendre de nouvelles courbes pour lʼapproche radiale. Si vous pratiquez déjà lʼapproche fémorale, appliquez simplement votre routine à lʼapproche radiale. Si vous commencez l’approche radiale, le plus simple qui vous garantit le meilleur taux de succès avec des images d’excellente qualité est d’utiliser une Judkins JL 3,5 pour la gauche et une JR 4,0 pour la droite. Pour les dilatations, le choix des cathéters porteurs est, à toutes fins pratiques, similaire à l’approche fémorale. L’exposition aux radiations ionisantes Il s’agit d’un sujet important traditionnellement négligé par les cardiologues interventionnels et qui est devenu récemment un sujet à la mode. Par définition, l’utilisation des rayons X pour un examen diagnostique et/ou thérapeutique impose une irradiation du patient et du staff. Le précepte de base en matière de radioprotection est résumé par l’acronyme en anglais ALARA ( As Low As Reasonably Achievable). Le risque radiobiologique est généralement séparé en risques stochastique et non stochastique (5). Le risque non stochastique est lié à une dose seuil, c’est-à-dire que si une certaine dose est atteinte, l’effet biologique se manifeste. Ceci peut représenter pour le patient, une brûlure cutanée et pour l’opérateur, la formation de cataracte. Le risque stochastique lié donc au hasard est le risque le plus impalpable mais le plus redouté, c’est-à-dire l’induction de cancer. Comme ce risque est fourni sous forme de probabilité, il est le plus souvent négligé par les opérateurs, jusqu’au jour où un collègue développe un cancer… Il va de soi que le risque stochastique et non stochastique du patient est réduit au minimum et peu influencé par le type d’approche percutanée. De plus, les mesures modernes de radioprotection ont considérablement réduit les risques pour le personnel soignant. Si certaines études ont adopté un ton alarmiste par rapport à une supposée surexposition en cas d’approche radiale, elles souffrent, pour la plupart, de limitations qui invalident leurs conclusions. Néanmoins, elles doivent sans aucun doute nous forcer à réévaluer les conditions de travail dans chaque laboratoire de cathétérisme. Sans oublier qu’une partie importante de l’irradiation provient de la réflexion des rayons par le patient. L’utilisation d’un écran de radioprotection au-dessus de la table, des jupes de plomb en dessous de la table, du port de lunettes plombées et le rappel de la règle de la diminution de la dose en rapport avec l’inverse de la distance au carré devraient être systématiquement appliqués. L’utilisation de dosimètres avec fonction d’alarme sonore peut être un moyen facile d’évaluer son exposition individuelle. Si l’utilisation de l’approche radiale droite amène une ergonomie de travail similaire à l’approche fémorale, force est de reconnaître que l’approche radiale gauche peut amener une surexposition relative. C’est la raison pour laquelle elle est réservée dans notre institution aux patients référés pour révision de pontages avec la présence d’une artère mammaire gauche. Il est probable que des efforts d’optimisation en partenariat avec les fournisseurs de salle de cathétérisme restent à faire. Lʼutilisation dʼune cabine blindée telle que celles utilisées par nos collègues électrophysiologistes pourrait être une solution élégante pour réaliser des procédures longues et complexes, par exemple pour le traitement des occlusions chroniques avec approche radiale bilatérale (figure 1). Figure 1. Angioplastie réalisée à l’IUCPQ par voie radiale sans tablier de protection avec la cabine de radioprotection CathPax‚ développée en France par Lemerpax Innovative et le groupe du Dr Michel Haissaguerre. L’occlusion de l’artère radiale Sous le prétexte d’une circulation double au niveau de la main, donc de l’absence de conséquence clinique en cas d’occlusion postcathétérisme, la thrombose de l’artère radiale a été longtemps décrite comme un dommage collatéral, mineur et rare de l’approche radiale (6). Sans doute l’obsession de réduire les saignements et la formation d’hématome en écrasant l’artère radiale pendant plusieurs heures a amené la perte transitoire ou définitive d’artères radiales qui traitées autrement seraient restées perméables. Alors que l’incidence d’occlusion précoce postcathétérisme est traditionnellement 5 %, des travaux récents ont montré que le concept d’hémostase avec maintien de la perméabilité de l’artère réduisait drastiquement le risque de thrombose de l’artère radiale (7). À l’heure de la réduction de l’intensité des traitements antithrombotiques, il sera tout aussi important de veiller au maximum à maintenir la perméabilité de l’artère radiale après intervention si ce n’est pour permettre un autre

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